La suppression d'un alinéa dans l'article 259 du projet de loi sanitaire, lors de son examen par les députés à l'Assemblée populaire nationale (APN) a fait réagir vivement les concernés, c'est-à-dire les pharmaciens d'officine qui ont immédiatement menacé d'une grève à partir de samedi, puis ont décidé de geler ce mot d'ordre après avoir été convaincus par les pouvoirs publics que cet alinéa sera maintenu. Cet alinéa stipule que «le pharmacien est l'unique propriétaire et le gestionnaire de l'officine dont il est titulaire» et le président du Syndicat national des pharmaciens d'officine (Snapo), le Dr. Messaoud Belamri, a expliqué pourquoi il faut le maintenir, dans un entretien accordé, hier matin, à la chaîne 3 de la radio nationale, dont il était l'invité de la rédaction. Il commence par rappeler que depuis l'indépendance, le système de distribution en détail des produits pharmaceutiques est caractérisé par cette notion fondamentale qui dit que «le pharmacien est l'unique propriétaire et le gestionnaire de l'officine dont il est titulaire». Il rappelle également que la loi sur la Santé a été révisée à plusieurs reprises, discutée, avec plusieurs projets, et à aucun moment, cette disposition n'a été touchée ou n'a fait l'objet d'une remise en question lors de ces différents réaménagements. C'est un principe fondamental, poursuit-il, et c'est la base principale de l'exercice de la profession. Cet alinéa consacre l'indépendance de la profession du pharmacien d'officine, et atteste aussi, d'une manière très forte sa responsabilité sur le plan professionnelle et déontologique. Le président du Syndicat des pharmaciens d'officine prévient que si ce principe est remis en question et si cette condition est enlevée, autrement dit si l'activité pharmaceutique est ouverte à l'influence financière et au pouvoir de l'argent, cela va créer une faille de base au sein de notre système réglementaire qui va permettre une intrusion et même une dominance extérieure au pays sur le marché de la distribution du médicament. Le Dr. Messaoud Belambri fait observer que le pharmacien est un professionnel de santé et la pharmacie est une activité de santé, un espace de santé qui est la continuité du service public. Il ajoute que le pharmacien exerce avec un code de déontologie, en assumant une responsabilité individuelle. Il s'agit, souligne-t-il, de caractéristiques et de fonctions liés, qui font que l'officine sous sa forme juridique actuelle est une partie d'un système global cohérent de santé, que le pays a choisi de manière stratégique. Il insiste sur le fait, que si jamais on touche à ce mode d'exercice, c'est tout le système de santé qui sera ébranlé, y compris le système national du médicament, alors qu'il s'agit d'un choix fait par les autorités depuis l'indépendance. Il y a deux conséquences directes à la suppression de cet alinéa, souligne-t-il : il y a d'abord le risque immédiat sur le plan local, que au lieu du pharmacien, ce sera à des entités commerciales aux mains de n'importe qui, quel que soit son niveau d'instruction, pourvu qu'il dispose de moyens financiers, que sera désormais dévolu le rôle de gérer une ou plusieurs officines à la fois, en employant un professionnel de santé qui travaillera pour son compte. Il fait observer que les pharmaciens sont soumis à l'autorité de l'Etat et à une autorité morale et déontologique et donc aucun pharmacien n'acceptera d'être soumis à une autorité financière et à l'autorité de l'argent. Il soulève un autre risque global : ce sera la porte ouverte aux filières pharmaceutiques internationales, dont les objectifs comme dans les pays anglo-saxons, dit-il, ne coïncident pas avec ceux tracés par les autorités en charge de la santé, ni avec la politique nationale du médicament et de la sécurité sociale, qui assure une couverture sociale par l'accessibilité du médicament, et qui a eu l'adhésion des pharmaciens. Le président du Snapo signale qu'après sa rencontre avec les membres de son cabinet, le ministre de la Santé a fait part aux membres de son syndicat, de «ses assurances et garanties» d'intervenir auprès de la commission, pour rétablir l'article 259, tel qu'il avait initialement été adopté par le gouvernement et le ministère.