Si l'essor de l'utilisation des réseaux sociaux par les Algériens se voit très clairement grâce au développement des technologies de l'information et la communication, le cyber-harcèlement, quant à lui, se développe subrepticement en raison du manque flagrant de sensibilisation contre ce phénomène qui peut avoir des conséquences bien plus graves que celles qui lui sont attribuées. Pour commencer, c'est quoi le cyber-harcèlement ? Il s'agit d'une sorte de harcèlement conduite sur la toile. Il est plus connu sur les réseaux sociaux sous différentes formes comme la création de faux profils, la diffusion de rumeurs infondées ou encore l'envoi de messages d'insultes. Cela peut aller bien plus loin jusqu'aux menaces. C'est entre autres, l'histoire de Meriem, c'est bien dommage mais cela n'arrive très souvent qu'aux femmes plus que les hommes. Meriem qui est une universitaire, la vingtaine, rêvait de décrocher sa licence et pourquoi pas, continuer en Master et travailler dans le domaine de ses rêves et rendre fiers ses parents. Des objectifs tracés depuis ses années du lycée. Jusque-là tout va bien pour Meriem, jusqu'au jour où sur sa page Facebook, elle commence à discuter avec un certain Mohamed qui l'avait abordé au sujet d'un livre qu'elle avait lue et en parlait sur un groupe de littérature. Pour Meriem, il s'agissait d'une discussion tout à fait anodine, la personne qui l'avait abordée était d'un certain niveau intellectuel, mais la discussion ne s'est pas arrêtée là malheureusement pour elle. Mohamed continuait à lui parler, petit à petit, une amitié est née, des sentiments commençaient à apparaître mais tout cela dans le virtuel. Malgré le cercle fermé de cette relation, Meriem commençait à faire une confiance aveugle à cet homme qui est devenu son harceleur, quelques mois plus tard. En effet, Mohamed a joué sur les sentiments de Meriem, allant jusqu'à lui confisquer des photos qui représentaient toute son intimité, mais Meriem était toujours aveugle jusqu'au jour où son «prince charmant» commençait à la maltraiter verbalement. Dans son monde de bisounours, Meriem n'était pas tout à fait consciente de la gravité de la situation ; son compagnon virtuel en abusait jusqu'à la menacer de divulguer ses photos contre une importante somme d'argent. Meriem a fini, de jour en jour, par délaisser ses études, elle s'est retrouvée dans une sorte de dépression. Heureusement que sa mère, qui nous confia son histoire, est arrivée à temps, en découvrant ce qui se cache réellement derrière l'état mélancolique de sa fille. Après des mois de psychothérapie, Meriem s'en est bien sortie, grâce à sa maman. En même temps, des milliers de filles vivent ce calvaire en silence, la peur de leur entourage, l'ignorance, les tuent à petit feu. Comme Meriem, des centaines de personnes, de tout âge, vivent le cyber-harcèlement au quotidien. Ces dernières années, leur vie est devenue un véritable calvaire. Chaque jour, elles se font insulter, diffamer, menacer, usurper leur identité ou voient divulguer leurs informations personnelles. La plupart du temps, les agresseurs sont anonymes, protégés par un pseudonyme, ce qui rend leur identification particulièrement difficile. Ce nouveau type de harcèlement touche le monde entier : aux Etats-Unis, selon une étude du Pew Research Center publiée en 2017, 41% des adultes auraient subi certaines formes de harcèlement en ligne. En Algérie, 1.500 affaires liées à la cybercriminalité ont été traitées en 2017, quant au cyber-harcèlement, il n'y a pas de statistiques, les dépôts de plainte restent minimes. Malgré la présence très persistante de ce phénomène sur les réseaux sociaux algériens, les spécialistes expliquent que le peu de dépôts de plainte est dû au fait que les citoyens ne connaissent pas leurs droits, jusqu'à ceux qui ne sont même pas au courant de l'existence d'un centre de lutte contre la cybercriminalité qui se trouve à Bab Ezzouar, d'autres ne croient pas en la crédibilité des recherches menées par les services de cedit centre. «Je suis harcelée sur mes réseaux sociaux, j'ai perdu confiance en moi, je me sens laide, horrible, inutile, il m'arrive de me sentir comme une mort-vivante», Sonia, 20 ans, universitaire. «Mon fils est harcelé à l'école par le biais des réseaux sociaux» Si Meriem était victime d'harcèlement à cause de ses sentiments pour une personne qu'elle ne connaissait pas, Malika parle de son fils qui est harcelé pour son physique. Houssem, 13 ans, élève sérieux dans ses études, serviable, le seul problème qui se pose c'est son physique. Pour ses camarades de classe, il est «gros», il se retrouve harcelé non-stop sur Facebook, ces soi-disants amis ironisent sur lui en postant des vidéos et des photos. Houssem s'est retrouvé, au bout d'une année au collège, complexé par son physique, réservé, un cercle presque vide d'amis. «Mon fils qui a perdu confiance en lui, a lâché ses études», regrette sa mère qui tente de l'aider par le biais de séances chez la psychologue, Docteur Hadji. Pour ce médecin psychologue, «il ne faut vraiment pas négliger les conséquences du harcèlement en ligne». Ces dernières sont importantes sur le physique, comme sur le moral de la victime, explique Docteur Hadji, car le harcèlement n'est pas une simple moquerie mais aussi un comportement agressif et destructif qui se répète à maintes reprises. De l'angoisse, allant de la simple sensation d'étau dans la poitrine ou de gorge serrée à des attaques de panique paralysante et donnant le sentiment de mort imminente, jusqu'à la phobie scolaire, détaille le médecin. A un certain moment, il devient impossible à l'adolescent d'aller le matin dans son établissement scolaire pour suivre ses cours. La blogosphère, cible majeure des harceleurs Pour avoir une idée sur la propagation du cyber-harcèlement en Algérie, il faut se tourner vers la blogosphère, youtubeuses, bloggeuses, et instagrameuses se retrouvent au premier rang des victimes de ce phénomène qui prend de l'ampleur tout doucement dans la société, comme un cancer qui se développe dans le corps de l'être humain et fini par le tuer tout d'un coup. Malgré l'image de «vie de rêve» que les influenceuses algériennes peuvent diffuser à travers leurs réseaux sociaux, ces personnes souffrent au quotidien de cyber-harcèlement, certaines ont fini par quitter ce monde qui les passionnait juste pour cette raison. Amira continue de se battre, connue sur les réseaux sociaux, elle est l'une des premières youtubeuses les plus suivies en Algérie mais parmi les plus critiquées. Sa confiance en elle et l'encouragement de son entourage lui a permis de dépasser toutes sortes d'attaques, il y a même ceux qui lui ont souhaité «la mort». Malgré cela, Amira dédie une partie de son succès à ses harceleurs, elle dit que tellement elle est critiquée, les gens qui ne la connaissaient pas, cherchaient après elles juste par curiosité et ont fini par aimer le contenu qu'elle présente. Ce n'est pas le cas de Sonia, une youtubeuse qui avait, pourtant, beaucoup de succès mais qui a fini par abandonner. «J'ai été menacée de mort», dit-elle en se rappelant de «la pire année qu'elle a vécu où elle se trouvait harcelée 24 heures/24». Deux ans après avoir quitté la toile et le monde des influenceurs, Sonia se dit toujours «paranoïaque de cette expérience». Se rappelant des débuts, elle dit : «Je savais que j'étais une cible, mais je ne me rendais pas compte que j'étais victime de harcèlement.» Cette chasse en ligne a bouleversé ses attitudes quotidiennes. «Pendant une année, je n'étais plus du tout concentrée dans mon travail et mon statut social commençait à se détériorer, j'ai fini par lâcher pour le bien de mon futur professionnel», dit-elle, expliquant que maintenant elle suit une thérapie pour s'en sortir. Les femmes les plus touchées Cible privilégiée, les femmes. Pour la psychologue, Docteur Hadji, «les victimes sont plus de femmes que d'hommes parce que la femme est beaucoup plus sentimentale, elle se retrouve prise au piège, surtout en relation de couple». Presque comme le cas de Meriem, la jeune Sarah, universitaire était pendant presque deux ans à la Fac, cible d'harcèlement en ligne. Elle dit qu'il s'agit d'un prétendant qui la traquait à chaque sortie des cours, lui demandant ses cordonnées pour qu'il puisse s'engager dans une relation avec elle. N'étant pas intéressée, Sarah dit avoir commencé à recevoir des menaces sur ses réseaux sociaux, quelques semaines après que cet homme avait commencé à la traquer dehors. Après avoir fait sa petite enquête, cet inconnu a pu avoir son compte facebook, ses photos qui étaient en public, a, par la suite créé un compte au nom de Sarah se faisant passer pour elle et a commencé à lui créer des problèmes avec son entourage. En parallèle, il lui faisait le chantage qu'il n'arrêterait pas jusqu'à ce qu'elle accepterait d'envisager une relation avec lui. «J'ai vécu un calvaire en silence», dit-elle, jusqu'au jour où elle a décidé de tout raconter à ses parents. «Ce jour-là, j'ai regretté toute cette période où je souffrais en silence, quand on est harcelé, il faut en parler à son entourage, ne pas avoir honte.» Pensées suicidaires Cyberharceler blesse et parfois tue. Sonia avoue avoir déjà eu des idées suicidaires. Par chance pour elle, ses harceleurs se sont peu à peu lassés de son cas depuis qu'elle a quitté Youtube. Les cas de suicide en raison de ce harcèlement en Algérie sont rares, voire inexistants. Pour Docteur Hadji, cela a un rapport avec la religion. «Heureusement pour nous qu'en Algérie, la religion est plus prépondérante, ce qui fait que les cas de suicides sont inexistants.» Malgré cela, le médecin psychologue avertit contre les séquelles de ces agressions en ligne sur les personnes et la société et fait un appel général pour des campagnes de sensibilisation pour ce phénomène qui se propage de plus en plus.