Il est 19 heures, le convoi des journalistes est prêt pour accompagner les migrants africains dans leur périple de retour à leurs pays d'origine. Du complexe touristique de Zeralda, où vivaient les migrants, a commencé le voyage. Une aventure pleine d'émotions mais surtout de solidarité, l'une des qualités qui fait de l'Algérie une patrie hors du commun. Ils étaient plus de 300 entre femmes, enfants et hommes, prêts à quitter le pays qui les a accueillis ces dernières années. Eux, qui ont fui la guerre, la famine et toutes formes de misère, ont trouvé refuge dans une Algérie qui a, elle aussi, longtemps souffert du terrorisme, du colonialisme, et quoi de plus fort que de vivre les mésaventures des autres pour ressentir la souffrance qu'ils subissent. Le départ était programmé la nuit pour atténuer les effets de la chaleur estivale, malgré le fait que des bus climatisés, attendaient migrants, journalistes et délégation du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales, ainsi que le Croissant-Rouge Algérien (CRA). C'est la 82ème opération de rapatriement que l'Algérie organise pour les migrants subsahariens. Malgré toutes les commodités qui lui ont été offertes pendant des mois passés, l'Algérie s'est retrouvée dans l'obligation de les rapatrier, après concertation avec les gouvernements des pays de ces migrants. Dans le centre de Zeralda, tout le monde a eu droit à un dîner avant de démarrer pour un long voyage par route jusqu'à Tamanrasset, là où les autorités des pays concernés attendaient leurs ressortissants. Il est 21 heures quand les bus démarrent, accompagnés d'un impressionnant dispositif sécuritaire. Plusieurs véhicules de police, de la Gendarmerie nationale, et de la Protection civile assurent l'escorte. En fait, le gouvernement algérien a pris toutes les dispositions nécessaires, que ce soit sécuritaire ou autres, pour le bon déroulement de chaque opération de rapatriement. La sécurité semble, faut-il le noter, une priorité parmi ces mesures au profit des migrants d'abord, mais aussi des journalistes et de toute la délégation. D'Alger jusqu'à Laghouat, à plus de 400 km de la capitale vers le sud du pays, le trajet a duré plusieurs heures avec tous les arrêts effectués pour diverses raisons dont le besoin de faire halte sous un soleil brûlant, malgré toutes les commodités disponibles dans les moyens de transport. A 6 heures du matin, au centre de Transit de Laghouat, était présente toute la délégation attendue par une forte équipe du Croissant-Rouge Algérien (CRA), mobilisée spécialement pour cette mission, ainsi qu'un renfort en services de sécurité et de la Protection civile. Les migrants ont profité des sanitaires pour prendre leurs douches et nettoyer leurs vêtements. Un petit déjeuner, des gâteaux, des jus et des cafés leur ont été servis par la suite. Après cette heure de pause qui n'a fait que du bien pour tout le monde, les bus ont rebroussé chemin pour gagner la ville de Ghardaïa, prochaine étape de l'aventure. Pendant la brève pause, nous avons pu côtoyer quelques migrants et accueillir des témoignages sur leurs aventures. Sur les visages de quelques-uns, on pouvait facilement voir la tristesse et la déception de quitter un pays qui leur est cher. Un pays qui a pu atténuer, un tant soit peu, leur misère, D'autres visages affichaient une joie relative liée peut-être au fait de retrouver terres et proches. Qui dit que la vérité sort de la bouche des enfants, dit vrai puisque Ismaïl, un petit garçon de 5 ans, nous le confirme. Il se lavait aux sanitaires près de sa maman, quand nous lui avons demandé ce qu'il pensait de l'Algérie et de ce retour vers sa patrie. Pour Ismaïl, en toute spontanéité et innocence d'un enfant : «l'Algérie cheba» (l'Algérie est belle), avec un sourire qui montre ses belles dents blanches. Il était juste ébloui de l'accueil réservé par les autorités locales de Laghouat là où il s'est gavé de gâteaux avant de repartir pour la ville de Beni M'zab. Encore quelques heures de route pour ce convoi, sous l'œil de l'Organisation Internationale de la Migration (OIM) représentée par son chef de mission en Algérie, Pascal Reyntjens, l'opération se déroule convenablement malgré quelques soucis de panne de bus, situation à laquelle les autorités concernées ont prévu d'autres de réserve. Les volontaires du Croissant-rouge sur la brèche Si l'on demandait à chaque personne faisant partie de ce périple, quelle est la personne qui t'a marquée durant cette mission humanitaire, il aura certainement au bout de sa langue un nom de l'équipe du Croissant-Rouge. Ses membres ont tous été salués pour le travail honorable, téméraire, parfait qu'ils ont fait tout au long du voyage sans se lamenter. Hind est un bel exemple, la vingtaine, cette jeune universitaire, se donne corps et âme dans son travail de volontaire au Croissant-Rouge. S'occupant de la délégation des journalistes, Hind ne lâchait pas «ses frères» à chaque arrêt que faisait le convoi, elle présentait son aide. Sur ses yeux, on peut lire courage, patience, humanité, un mélange de tendresse et de force. Ne profitant que de quelques petites heures pour dormir, pour d'autres, il leur arrivait de dormir quelques minutes pour récupérer. Les jeunes du Croissant-Rouge ont été remarquables par leur aide qu'ils apportaient aux enfants, femmes, vieux et vielles migrants africains. Entre celui qui apportait de la nourriture, de l'eau, qui nettoyait, qui faisait de l'ordre, qui s'occupait des petits bobos, pleines de tâches mais une seule équipe solide dont les membres sont très attachés l'un à l'autre, comme une famille. A voir ou à lire les rapports qui attaquent l'Algérie sur sa politique envers les migrants, c'est une attaque qui va droit à l'encontre du travail fait par le Croissant-Rouge, ces jeunes qui ont tout laissé et qui donnent tout pour s'occuper des migrants, pour qu'à la fin on dise que l'Algérie traite mal les migrants subsahariens. A Tamanrasset, ville où les migrants africains se sont installés au centre d'hébergement, Hind avait déjà adopté par sa tendresse, et son regard doux avec ses grands yeux bleus, un bébé nigérien, aux petits soins avec lui, cela a donné une image pleine de sens, forte en émotion. Hind semble très triste que l'aventure touche presque à sa fin. Effectivement, c'est de là que devrait aller le convoi des migrants africains vers la dernière ville Ain Guezzam où les autorités nigériennes attendaient leurs ressortissants. «Ce n'est qu'un au revoir» Après plus de 44 heures de route, le convoi est arrivé à Tamanrasset vers 19 heures, une longue route mais pour la bonne cause. Le wali et les élus locaux étaient présents pour accueillir la délégation au centre d'hébergement de la wilaya. Des chalets bien équipés, une cantine, des aires de jeux attendaient les migrants où ils allaient se reposer pendant 48 heures avant le départ vers leur pays d'origine, le Niger. Daoud, un enfant de 4 ans, était déjà sur l'aire de jeux dès sa descente du bus, il était juste émerveillé par l'espace. Sa maman, occupée à visiter les lieux, heureuse de trouver cet endroit pour se dégourdir les jambes, se reposer après de longues heures de route. Les migrants, une fois installés, ont eu droit à leur dîner à la cantine, de l'eau aussi était, à portée de main quand ils le voulaient, les éléments du Croissant-Rouge répondaient toujours présents, ils n'ont pas fermé l'œil, restants au petit soin avec les migrants. 48 heures de repos passées, voilà l'heure du départ arrivée. Lundi soir, les bus étaient prêts pour raccompagner les migrants aux frontières algéro-nigériennes, là où les autorités du pays voisin les attendaient. C'était un autre moment fort en émotion, des enfants qui courraient partout dans le centre d'hébergement, d'autres étaient très calmes comme Khadija. Une petite fille aux yeux noirs très grands, son calme était tellement frappant dans ses beaux yeux. Selon son papa, Khadija était triste, essayant maintes fois de l'aborder, elle ne voulait pas parler, elle ne faisait que regarder. A quelques mètres d'elle, des enfants jouent, chantent. Pour Isac, il est content de reprendre le bus. La vingtaine, Isac est un jeune nigérien qui s'était installé en Algérie depuis plus d'une année. «Aujourd'hui, je suis content de revoir ma famille, mais ce n'est qu'un au revoir, je vais revenir en Algérie, pays où je me sens plus heureux que chez moi.» Les éléments du Croissant-Rouge étaient toujours là et ce, depuis le départ du jeudi soir sans avoir droit au moindre repos. Ils ont poursuivi leur noble mission jusqu'au bout pour enfin raccompagner les migrants vers l'autre côté de la frontière tout en leur assurant un supplément en nourritures et soins notamment. Pour leur part, les familles nigériennes concernées par l'opération de rapatriement, quittent le dernier centre algérien d'hébergement pour emprunter des bus confortables à destination du Niger. Une destination qui ne semble pas finale puisque des fenêtres, nous regardons ces enfants partagés entre sourires et larmes, faisant signe d'au revoir à la main, avec des regards différents mais tous prometteurs : «Nous reviendront un jour…»