«Arlequin, serviteur de deux maîtres», célèbre une comédie populaire italienne, marquée par la naïveté, la ruse et l'ingéniosité de ses personnages masqués, a été présentée, jeudi soir à Alger, par la «Compagnie du Piccolo Teatro de Milan», devant un public nombreux. Mise en scène par Giorgio Strehler (1921-1997) sur un texte écrit en 1745 dans le registre de la «Commédia Dell'Arte», par le Vénitien, Carlo Goldoni (1707-1793), cette £uvre comique de trois actes, rendue en Italien avec un sous-titrage français défilant en haut de la scène, a été présentée à l'Opéra d'Alger Boualem-Bessaïh dans le respect strict de la conception de Strehler. Apparue au XVIe siècle, la Commedia dell'arte, ou théâtre interprété par des gens de l'art (c'est-à-dire par des comédiens professionnels), est un genre populaire qui se caractérise par des «personnages stéréotypés aux caractères hiérarchisés», jouant «masqués des situations burlesques», dans une discipline d'acteur, où les comédiens, par l'improvisation, sont tout le temps «dans l'urgence, à la recherche de leur survie», avait expliqué Antonio Fava, lors de masters-class sur la Commedia dell'arte, encadrées en 2013 au Théâtre national Mahieddine Bachtarzi (TNA). Fille unique de Pantalon, un riche marchand vénitien, Clarisse vit les derniers arrangements en vue de son mariage avec Silvio fils du docteur Lombardi, lorsqu'intervient Arlequin, pour annoncer la visite de son nouveau maître Federigo Rasponi, premier fiancé de Clarisse, pourtant supposé mort à Turin, assassiné dans une embuscade. Plongée d'abord dans la stupeur, l'assemblée découvrira après que le nouveau maître d'Arlequin, n'est autre que Béatrice, la sœur de Frederigo Rasponi qui s'est dissimulée dans ses accoutrements et qui, en réalité, était à la recherche de son amant Florindo Aretusi, accusé d'être l'assassin de Federigo Rasponi. Arlequin, se faisant solliciter par Florindo Aretusi, s'invente un clone et accepte de le servir, devenant ainsi le valet de deux amants qui se cherchent, bousculant l'autorité des maîtres et bouleversant les amours Occupant tous les espaces de la scène avec le souci de faire jouer les accessoires (chaises, tables, ustensiles de cuisine, luminaires, journaux intimes et différents costumes dans deux grandes malles) comme de véritables partenaires, la quinzaine de comédiens, dans des accoutrements de l'époque, propres aux différents personnages de la Commedia dell'arte, ont brillé par un jeu intense aux échanges directs, dans une dramaturgie aux aphorismes pertinents et au rythme ascendant et soutenu. En fonction des différentes situations, l'agencement intelligent et esthétique du corps dans ses moindres gestes et mouvements avec une mimique expressive du visage a considérablement soutenu le verbe en action, dans des rôles emballés, burlesques mais mesurés, rendus dans la grâce, le pas élancé et le jeu élégant. La scénographie, œuvre du grand Ezio Frigerio, gardée elle aussi intacte par la Compagnie du Piccolo Teatro de Milan, a été conçue sur un fond neutre, avec au milieu de la scène, un jeu de rideaux annonçant l'espace de chaque situation, monté sur une estrade où était centralisé le déroulé de la trame, rendue, durant trois heures, en trois parties, annoncées par les douze coups du brigadier et séparées par trois entractes. Dans de brèves interventions, six musiciens ont servi à ponctuer les moments importants de la pièce, que le public, qui a beaucoup interagi avec les comédiens, a hautement appréciée, applaudissant chaque fin de situation. «Arlequin de Goldoni est un héritage de la tradition culturelle italienne, avec un masque qui a le don d'être universel, appartenant, à la fois, au monde académique et à la sensibilité populaire», peut-on lire sur le document de présentation du spectacle. Produit par la Compagnie du Piccolo Teatro de Milan, la comédie populaire, «Arlequin, serviteur de deux maîtres», déjà présentée en 2005 au Tna, a été organisée dans le cadre du programme culturel italien, «Italia, Culture, Meditteranéo», sous l'égide du ministère de la Culture et en collaboration avec l'Opéra d'Alger.