Scène La pièce égale le jeu des comédiens. Cela revient à dire que le jeu était remarquable, qu?il était la projection de la culture italienne, notamment le théâtre : la commedia dell?arte. Arlequin est un personnage de la comédie italienne, très connu dans le monde et largement répandu dans les esprits de chacun. Sa notoriété internationale, qui a traversé les siècles, il la doit à son habit composé de petits morceaux de drap triangulaires de diverses couleurs, et grâce aussi à son masque noir et à son sabre de bois nommé «latte» ou «batte». Ce personnage burlesque, extravagant mais à la fois habile et lucide, spontané et amusant, a fait rire le public algérois, mercredi, au Théâtre national algérien, dans «Arlequin serviteur de deux maîtres», une pièce qui, écrite en 1745 par le Vénitien Carlo Goldoni, a été présentée par la compagnie théâtrale italienne (Milan) Piccolo et ce, dans le cadre du festival culturel européen. La pièce peut d?emblée se résumer comme suit : grâce aux machinations «téméraires» de Arlequin, un couple d?amants, après de nombreuses vicissitudes, finissent enfin par se marier. Interprété par Ferruccio Soleri, un extraordinaire Arlequin depuis 1963, qui, encore aujourd?hui, à l?âge de 75 ans, perpétue ce personnage légendaire avec toujours entrain suscitant l?admiration de tous, Arlequin s?avère l?élément clé de la pièce, la menant ainsi de bout en bout, jusqu?au dénouement final. Sans lui et sans son intervention (providentielle) dans le déroulement des faits, la pièce aurait pris une autre tournure, peut-être tragique. C?est un personnage attractif ; il est, par ailleurs, attachant, généreux, bon, même s?il semble à première vue sournois et spéculateur. Il donne à la pièce un caractère humain, une signification à valeur universelle, profonde et intègre qui suscite réflexions autour de son personnage. Car il ne faut pas se fier à son apparence qui semble loufoque, suspecte, donc méfiante, mais il faut bien aller au-delà du visible, parce que c?est là qu?on parviendra à saisir l?essence même du personnage et à comprendre la pièce. Et comme il le dit si bien : «Rien, même la ruse, ne peut aller contre l?amour», c?est-à-dire contre les sentiments purs et la sincérité ; et grâce à son honnêteté et à sa bonté, l?amour a pu vaincre l?ignorance et la perfidie des hommes. Au plan esthétique, la pièce égale le jeu des comédiens. Cela revient à dire que le jeu était remarquable, qu?il était la projection de la culture italienne, notamment le théâtre : la commedia dell?arte. Ce théâtre se distingue par un jeu privilégiant l?improvisation, l?humour ainsi que la spontanéité. Les comédiens semblaient plus jouer leurs personnages que réciter, voire débiter leur texte. Ils les campaient avec souplesse, dans des attitudes aérées et un esprit typiquement authentique. Chacun apparaissait comme l?incarnation même de son personnage. Le jeu était fluide, avéré et proportionné ; une jolie interprétation théâtrale, colorée et saillante grâce au charisme des personnages, de la façon dont chacun récitait (avec un accent chargé de musicalité) le texte, et grâce aussi au décor et au costume, le tout constituait une belle fresque théâtrale.