Cette présente contribution est une synthèse de mon intervention suite à l'invitation des organisateurs du programme prévisionnel de la 2ème édition de la Conférence Internationale des ONG africaines, Membres de l'Ecosoc des Nations Unies, qui se tient au Centre International de Conférences Abdelatif Rahal -Alger du 19/21 novembre 2018, regroupant plusieurs organisations et personnalités africaines, Concernant les flux migratoires, il s'agira de poser les véritables problèmes pour avoir de véritables solutions loin de la démagogie et de la surenchère car le sujet est complexe, la responsabilité étant partagée entre les dirigeants du Nord (récemment les flux migratoires vers les USA) et concernant notre zone géographique, entre les Européens et Africains. L'immigration désigne aujourd'hui l'entrée, dans un pays ou une aire géographique donnée, de personnes étrangères qui y viennent pour un long séjour ou pour s'y installer. Le mot immigration vient du latin in-migrare qui signifie «rentrer dans un lieu». En marge de ce phénomène existe celui de la double nationalité et du nomadisme La notion d'immigré repose sur les déclarations de lieu de naissance et de nationalité L'émigré est celui qui a quitté l'endroit où il se trouvait pour un autre endroit, un autre Etat, afin de s'y installer durablement. Une migration humaine est un déplacement du lieu de vie d'individus. C'est un phénomène probablement aussi ancien que l'humanité dont le nombre augmente de 2 % par an. Il mesure un stock et comprend la migration volontaire et la migration forcée. Les migrations internes aux pays sont également en augmentation, mais on parle alors plutôt de déplacements de populations. Les statistiques montrent que les très grandes vagues migratoires ont écemment diminué, au profit d'une tendance à l'immigration choisie favorable à l'exode des cerveaux et compétences des pays pauvres, au détriment de ces derniers. Les caractéristiques du phénomène migratoire actuel sont la diversification des pays de provenance et de destination, ainsi que les formes prises par la migration. On estime que le rapatriement de capitaux dans les pays d'origine en provenance des pays d'accueil est au moins égal si ce n'est très supérieur à la quantité d'aides financières apportées par les pays dits «riches» aux pays plus pauvres. Si aujourd'hui la majorité des migrants se déplacent par des voies régulières, le phénomène migratoire est marqué par une montée en puissance de la migration forcée, essentiellement causée par les conflits intra-étatiques et le changement climatique. Selon les pronostics les plus optimistes, émanant de nombre d'institutions des Nations unies en charge des questions migratoires, d'ici 2050, le nombre de personnes déplacées pourrait bondir à 6 millions/an, au minimum. La cause étant les dérèglements climatiques, les phénomènes météorologiques extrêmes, la baisse des réserves d'eau, la désertification, la hausse du niveau de la mer et la dégradation des terres agricoles. Selon les experts internationaux elle peut avoir plusieurs causes : - économique : la recherche d'un emploi, d'une prospérité plus grande, de meilleures conditions de travail. C'est la principale cause d'émigration actuelle ; - politique : la fuite d'un régime oppressif ; - religieux : l'espoir d'une terre d'accueil plus tolérante ; - climatique : le goût pour un environnement météorologique différent (en général plus chaud et plus ensoleillé) et fiscal : la volonté de se placer dans un légal et financier plus favorable. Ce phénomène joue particulièrement pour les strates les plus élevées de la société et en faveur paradis fiscaux. Nous sommes à l'ère de la mondialisation où les flux migratoires sont une réalité concrète. Les migrations se sont globalisées, les mêmes causes, urbanisation et métropolisation du monde, pression démographique, chômage, information, et transnationalisation des réseaux migratoires. Les catégories de migrants et de pays sont devenues plus complexes, la mondialisation des migrations s'accompagnant d'une régionalisation des flux migratoires. A l'échelle mondiale, les migrations s'organisent géographiquement où des complémentarités se construisent entre zones de départ et d'accueil. Celles-ci correspondent à des proximités géographiques, à des liens historiques, linguistiques et culturels, à des réseaux transnationaux construits par les migrants, et des passeurs (forme d'esclavage) qui forment un espace formel ou informel de circulation, accompagné ou non de facilités institutionnelles de passage. Les migrations ont plus que triplé depuis le milieu des années 1970 : 77 millions en 1975, 120 millions en 1999, 150 millions au début des années 2000, près de 300 millions en 2017. Cela traduit les facteurs de la mobilité pour différentes rasions : écarts entre les niveaux de développement humain, crises politiques et environnementales, productrices de réfugiés et de déplacés, baisse du coût des transports, généralisation de la délivrance des passeports, rôle des media, prise de conscience que l'on peut changer le cours de sa vie par la migration internationale. Le réchauffement climatique, dont la responsabilité en incombe aux pays riches et certains pays émergents, qui frappera de plein fouet l'Afrique 2025/2030/2040 accentuera cet exode. Ces différents facteurs accentuent la bipolarisation entre trois mondes, les pays riches, les pays émergents, et les pays pauvres poussant ces derniers à l'exode et comme on le constate journellement au suicide collectif (des milliers de morts en mer). C'est que les démographes considèrent que les migrations seront une importante variable d'ajustement d'ici 2050, échéance à laquelle 2 ou 3 milliards d'individus supplémentaires sont attendus sur la planète, alors que les effets des modifications climatiques se feront probablement déjà sentir et que certaines zones ne pourront plus nourrir une population supplémentaire. Eviter la désinformation : l'immigration est avant tout intra africaine Premier faux mythe entretenu en 2018, celui de nombreux migrants africains qui se dirigeraient massivement vers l'Europe alors que le flux global Afrique et hors Afrique a nettement baissé entre 2015/2018. Si l'on se réfère aux chiffres Frontex dans son rapport mensuel de mai 2018, la situation migratoire actuelle aux frontières de l'Europe en 2018 est en nette baisse en référence à l'année 2015, mais concerne de moins en moins l'Afrique, depuis les accords entre Rome et les garde-côtes libyens conclus en juillet 2017, bien que la pression persiste. Comme en Méditerranée orientale, les arrivées de migrants par la route des Balkans se sont taries en 2016 après la conclusion de l'accord avec la Turquie. Toutefois, Frontex relève actuellement l'émergence de nouvelles routes secondaires via l'Albanie, le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine, mais aussi de la Serbie à la Bosnie. Jusqu'en 2017, la Méditerranée centrale était la principale route empruntée par les migrants pour atteindre les côtes européennes via l'Italie et les mouvements actuels qui s'expliquent par une hausse récente de la pression migratoire dans ces pays, ainsi qu'à la frontière entre la Bosnie et la Croatie. Néanmoins, depuis le pic de 2015, où 1,82 million de passages avaient été enregistrés par Frontex les franchissements illégaux des frontières européennes en 2017 ont été d'environ 204.734 passages illégaux, et les chiffres de 2018 montrent que la tendance est encore en baisse, pouvant retrouver des niveaux similaires à ceux de 2009, où 104.599 passages avaient été détectés. Mais l'Europe fait face à une recrudescence des «flux secondaires», c'est-à-dire des déplacements de migrants illégaux à l'intérieur même de l'espace Schengen.. Ainsi, selon les chiffres d'Eurostat, les États membres ont toujours autant de difficultés à contrôler les flux secondaires, l'Allemagne étant un cas emblématique: après avoir accueilli 1,1 million de migrants en 2015, accordé l'asile à près de 150.000 étrangers en 2015 et à 445.000 étrangers en 2016, seulement 55.000 migrants ayant effectivement quitté le territoire, mais ces étrangers qui ont quitté l'Allemagne n'ont pas délaissé l'Union européenne pour autant, beaucoup sont allés dans des pays limitrophes comme la France, la Belgique ou les Pays-Bas. Second faux mythe ,dans les imaginaires, mettant en avant la migration vers l'Europe alors que cette migration se fait surtout à l'intérieur du continent à travers plusieurs pôles. Il existe un premier pôle autour de la Côte d'Ivoire, un pays peu peuplé et qui avait besoin de main d'œuvre pour exploiter ses richesses agricoles, attirant des populations en provenance du Mali, du Burkina Faso, et de la Guinée voire du Sénégal. Le second pôle s'est construit autour du Nigeria qui a drainé des populations originaires notamment du Ghana, du Bénin, attirée par la rente pétrolière. Et puis, il y a ce troisième pôle autour du Sénégal, ancienne capitale de l'AOF attirant les ressortissants de tous les pays voisins comme la Guinée, le Cap-Vert pour des raisons historiques. Le dernier pôle est lui concentré autour de l'Afrique du sud avec les mines d'or, de diamant qui ont attiré énormément de ressortissants du Zimbabwe, de Mozambique et plus récemment de l'Afrique centrale et de l'Ouest. En plus d'être intra-africaine, la migration est d'abord rurale-rurale, frontalière. Concrètement, moins de 14% (36 millions) sur les 258 millions de migrants dans le monde ont été recensés en 2017 par les Nations unies sont Africains. Autrement dit, la diaspora africaine s'élève à 36 millions d'habitants sur une population de 1,2 milliard de personnes. Mieux, seulement 13% de la migration régulière dans le monde est africaine et à peine 3% de la population africaine sont concernés par la migration, notamment vers l'Europe contrairement à certains discours. Donc, selon ce rapport «l'Africain est celui qui émigre le moins dans le monde. Et même lorsque l'Africain émigre, c'est beaucoup plus dans sa sous-région, 88 % de la migration africaine se fait à l'intérieur de l'Afrique. Dans des régions comme l'Afrique de l'Ouest, ce taux dépasse les 90%. Selon l'ONU, sur les 36 millions d'Africains qui sont ont quitté leurs pays en 2017, 19 millions, soit près de 53%, sont restés sur le continent. L'Afrique a de son côté accueilli 5,5 millions de personnes venues d'ailleurs. La contribution des migrants internationaux au produit intérieur brut est importante pour certains pays. Elle est de 19% en Côte d'Ivoire en 2008, 13% au Rwanda en 2012, 9% en Afrique du Sud en 2011, mais seulement 1% au Ghana en 2010. Pour la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique en matière de mouvements intra-régionaux, 15 millions de migrants se déplacent en Afrique subsaharienne et 10,1 millions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Ces derniers, quel que soit leur niveau de compétence et de qualification, 35 % d'entre eux étant hautement qualifiés, avec un niveau d'études supérieur et avancé, avec un écart salarial moyen entre les travailleurs locaux et les migrants est de 20 à 30%. Généralement, les migrants intra-africains vont des campagnes vers les villes et aussi, de plus en plus, vers les pays frontaliers pour des raisons économiques, politiques ou sécuritaires. En Afrique australe par exemple, à cause du chômage, la mobilité des compétences et du travail depuis et vers cette région et également à l'intérieur s'est intensifiée. Aujourd'hui, ces flux restent principalement informels et irréguliers, ce qui empêche les pays de tirer tous les avantages de la mobilité de main-d'œuvre. Après ces migrations qualifiées d'économiques, il y aussi les mouvements de réfugiés et les déplacements forcés car les guerres civiles et les crises humanitaires de ces dernières années. Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), en 2013, le Mali était le premier pays d'origine des réfugiés et des déplacés internes en région. Pour l'Organisation mondiale pour les migrations (OIM) de 2017 sur les 15,5 millions d'Africains vivant en dehors de leurs pays respectifs en Afrique, 6 millions sont au Sahel alors que le Maghreb en accueille 320 000, l'Algérie quant à elle accueillie, selon les estimations de la société civile, entre 50 000 et 70 000 Africains sub-sahariens sur son territoire et avec les dernières expulsions, ce chiffre a sans doute encore baissé. Concernant l'Afrique, une étude récente (2016) met en relief les flux intra-africains. Où s'expatrient-ils ? - Afrique de l'Ouest, 5.927.519 personnes - Afrique de l'Est, 4.583.385 personnes - Afrique australe, 2.761.732 personnes - Afrique centrale, 2.039.776 personnes - Maghreb, 319.954 personnes. Les premiers pays de départ : - Burkina Faso, 1.425.661 dont, 1.294.323 en Cote d'Ivoire - RD Congo, 1.192.697 dont 303.580 en Ouganda - Soudan, 1.190.255 dont 552.391 au Soudan du Sud . - Mali, 902.272 dont 356.019 en Côte d'Ivoire. Les premiers pays d'accueil : - Côte d'Ivoire, 2.093.354 dont 1.294.323, Burkina Faso - Afrique du Sud, 2.23.732 dont 475.403 Zimbabwe - Nigeria 1.076.442 dont 351.985 Bénin - Ethiopie, 1.063.000 dont 375.202 Sud Soudan. (Suite et Fin) A.Mebtoul