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Manifestations populaires et perspectives
Publié dans La Nouvelle République le 21 - 03 - 2019

L'intervention s'est articulée autour de quatre axes directeurs : les différentes constitutions de 1963 à 20162, rarement appliquées, les différentes logiques de pouvoir de 1963/2019 assis sur le monopole et la rente, cinq scénarios envisagés et enfin les perspectives.
Les différentes constitutions de 1963 à 2016
Au préalable, je salue la a maturité politique et les marches pacifiques sans violence, ayant donné une leçon au monde entier où les partis politiques toutes tendances confondues n'ont joué aucun rôle pour la mobilisation. Saluons nos forces de sécurité tous corps confondus, qui ont su gérer d'une manière moderne ces évènements qui doivent être médités profondément par les partis du pouvoir et leurs satellites – faiblement représentatifs, pour ne pas dire non-représentatifs – ainsi que par toute l'opposition, qui s'est trouvée hors circuit, souvent déconnectés des réalités sociales vivant de réunionites dans des salons ou de communiqués. La forte mobilisation du 22 février et celles du 8 et 15 mars implique de bien analyser les aspirations de la société, pas la société civile rentière vivant dans les salons mais celle que l'on a vue dans la rue composée de la majorité de la jeunesse et des femmes. Dans ce cadre, comment ne pas souligner la passivité de la majorité des organisations tant politiques que civiles pro-régimes qui se targuaient d'avoir des millions de voix pour le candidat-président.
Comment ne pas souligner la passivité du gouvernement pour ne pas dire sa démission, certainement tétanisé qui a été incapable d'aller vers la population pour entendre ses doléances comme le font les dirigeants d'autres pays. Ces remarques s'adressent également aux partis et organisations de l'opposition, dont certains responsables sont là depuis plus de 20 ans et n'ont pas à donner de leçons d'alternance, la leçon donnée à certains dirigeants par la jeunesse chassés, qui ont voulu récupérer ce mouvement, qui ont été hués, devrait servir de leçons. Au moment où le monde traverse des bouleversements politiques, sociaux et économiques, où l'Algérie est interpellée par plus de 70 % de sa population revendiquant de véritables réformes démocratiques, condition d'un développement harmonieux et durable face à l'implacable mondialisation, nous devons rendre un grand hommage à notre jeunesse qui n'a pas connu le drame des années 1990-1999, impliquant un autre discours proche de ses préoccupations..
Les propositions qui suivent sont contenues dans l'ouvrage collectif sous ma direction regroupant juristes, politologues, sociologues et économistes «Réformes- Démocratie, et Economie de marché paru en janvier 2005 en deux volumes (500 pages) A Casbah Editions reprenant les axes directeurs du programme de l'Association nationale de développement de l'économie de Marché-ADEM (agrément ministère intérieur 63/62) «Réformes et Démocratie» paru en langue nationale, en anglais et en français en 1992 largement diffusé au niveau international(USA/Europe) et au niveau national dans El Watan- le Soir d'Algérie le Quotidien d'Oran –El Khabar entre 1993/1995 dont le professeur Abderrahmane Mebtoul fut président de 1992 à 2016 et dont bon nombre de contributions entre 2000/2019 sont parues dans au niveau national et international (revues et presse).
Si l'on prend toutes les constitutions de 1963 à 2016, ne devant pas confondre volonté politique de changement avec le cadre juridique, l'Algérie ayant promulguée certaines lois les plus belles du monde mais rarement appliquées, exemple la lutte contre la corruption, aucune n'a été respectée à la lettre, par les différents régimes. Pendant les suspensions temporaires de certaines constitutions, 1965, les années 1990, les régimes a continué à promulguer des lois qui ont engagé tant le fonctionnement interne de la société que les accords internationaux.
- Constitution algérienne 1963 a consacré l'unicité du pouvoir révolutionnaire et affirmé le règne sans partage du parti unique, le FLN en l'occurrence suspendue en 1965 où l'instance suprême fut le conseil de la révolution
- Constitution de 1976 avec l'option socialiste et l'affirmation de son caractère irréversible
- En juillet 1979, nous avons quelque amendements constitutionnels toujours avec le primat du parti unique FLN pour ramener le mandat présidentiel à cinq ans, introduire la possibilité de nommer non pas un, mais plusieurs vice-présidents de la République, ce qu'il ne fera pas, la nomination d'un Premier ministre qui «assiste le Président dans la coordination de l'activité gouvernementale et la mise en œuvre des décisions prises en Conseil des ministres
- Janvier 1980, autre révision, pour élargir les prérogatives de la Cour des comptes.
- Constitution de 1989 comme résultante des évènements d'octobre 1988 provoquant un profond bouleversement de la scène politique: fin de l'hégémonisme, du parti FLN et larges prérogatives au premier ministre qui devient Chef du gouvernement et responsable devant le parlement. Cette constitution a été suspendue après le départ du président Chadli Bendjedid, remplacé par un haut comité de l'Etat HCE et un pseudo parlement désigné le conseil consultatif dont bon nombre de ministres de l'opposition aujourdhui en faisaient parti et parlent du respect de la constitution constitutionnalité.
Constitution algérienne 1996 avec un nouveau régime parlementaire avec introduction du bicaméralisme, soit Assemblée populaire nationale et Conseil de la nation (sénat), constitutionnalisation des partis politiques après avoir été association à caractère politique et limitation de mandats présidentiels à deux mandats. Amendement en 2002, qui s'inscrit dans le registre de la revendication identitaire ayant marqué les années 2001 et 2002 dans la région de Kabylie. Le président Bouteflika décrétant Tamazit comme langue nationale".
Amendement en 2008 dont le principal ayant concerné l'article 74 qui dispose que le "président de la République est rééligible" sans limitation de mandats et substitue la fonction du Premier ministre à celle du Chef du gouvernement. La révision constitutionnelle de 2016 qui limite le mandat à deux s'articulant autour des axes directeurs suivants : la consolidation de l'unité nationale, le renforcement de l'Etat de droit et de la démocratie, l'amélioration de l'organisation et du fonctionnement de certaines institutions et tamazight élevée au rang de langue nationale et officielle avec création de l'Académie algérienne de la langue amazighe, placée auprès du président de la République. Et en cette année 2019, après les évènements récents l'on parle encore d'une nouvelle constitution.
Les différentes logiques de pouvoir de 1963/2019 :monopole et rente
Entre 1963 et 2019 la nature du pouvoir n'a pas changé de fond mais seulement de formes selon les liens dialectiques, rente, monopole et logique rentière pour preuve directement et indirectement 98% des recettes en devises provenant de Sonatach, qui est l'Algérie et l'Algérie c'est Sonatrach. Pour comprendre cette logique il faut se référer à une transition plus ou moins réussie qui est le Mexique, objet d'ailleurs de ma thèse de doctorat d'Etat soutenue en 1974 avec le régime populiste de Zapata assis sur une grande société hydrocarbures Promex qui a su dépasser cette situation, et une expérience récente première réserve pétrolière mondiale, le Vénézuéla pays en semi faillite qui est toujours en statut quo.
Pour le cas algrein ce sont toujours des militaires soit de carrière ou assimilés aux commissaires politiques qui ont été président avec l'appui de l'armée légitimité révolutionnaire, Benbella, Boumédiène, Chadli, Boudiaf, Kafi, Zeroual et Bouteflika.
De la période de 1963/1977 à la crise de 1990/1999 c'est l'hymne à la liberté chanté en I963 dans les rues de l'ensemble de l'Algérie indépendante, les espoirs suscités par le socialisme spécifique à l'algérienne, la nationalisation des fermes des colons par l'autogestion qui devait élever la production, restauré les paysans dans leur dignité, mais aussi les luttes de pouvoir entre l'Intérieur et l'Extérieur. Le 19 juin I965, le Président élu auparavant est destitué et c'est le discours du sursaut révolutionnaire du fait que l'Algérie serait au bord de la faillite. Il fallait la redresser, grâce à un pouvoir fort qui résisterait aux évènements et aux hommes, à travers trois axes : la révolution industrielle, la révolution agraire, et la révolution culturelle, en prenant comme base le plan économique du programme de Tripoli qui repose sur la dominance du secteur d'Etat, comme fer de relance de l'économie nationale, à travers les grosses sociétés nationales.
Ceux sont les discours triomphants de constructions des usines les plus importantes du monde, du bienfait de la révolution agraire, garantie de l'indépendance alimentaire, de l'école et de la santé pour tous et de la promesse solennelle que nous deviendrons, horizon 1980, le Japon de l'Afrique avec les lancements du plan triennal 1967-1969,du premier quadriennal 1970-1973 et du second quadriennal 1974-1977. Et voilà qu'après la mort du Président après une longue maladie et une lutte de pouvoir qui se terminera par un compromis, et la venue d'un nouveau président, qu'en 1980, nous apprenons de la part des responsables politiques que cette expérience a échoué et que la période passée était une décennie rouge. Les nombreuses commissions dont les résultats sont jetés dans les tiroirs après des exploitations politiques contribueront à ces dénonciations. Du fait de la compression de la demande sociale durant la période précédente et surtout grâce au cours élevé du pétrole, les réalisations porteront sur les infrastructures, la construction de logements et l'importation de biens de consommation finale avec le programme anti-pénurie avec la construction sur tout le territoire national des souks El Fellah grandes surfaces commerciales relevant de l'Etat.
L'Algérie ne connaît pas de crise économique selon les propos télévisés d'un ex- Premier ministre, qui touchait en ces moments les pays développés avec un baril en termes de parité de pouvoir d'achat 2019, équivalent à 90/95 dollars. Et avec la crise de 1986 comme par enchantement c'est le slogan de l'homme qu'il faut à la place qu'il faut et au moment qu'il faut. avec la naissance d'une nouvelle constitution en 1989 qui introduit des changements fondamentaux dans notre système politique qui avait un caractère monocratique depuis l'indépendance conférant ainsi à notre système politique un caractère pluraliste. Elle était cependant porteuse d'une vision hybride de la société, dans la mesure où des articles renvoyaient à des options politico-économiques et politico-idéologiques contradictoires.
(Suite et fin)
Professeur des universités, expert international Abderrahmane Mebtoul


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