Pour le 8ème vendredi consécutif, les Algériens sont sortis dans les rues de la capitale, Alger et dans plusieurs autres villes du pays pour réclamer la rupture avec le système politique. Le mouvement est en exacerbation depuis trois jours suite à la désignation d'Abdelkader Bensalah, à la tête de l'Etat. Depuis, les manifestants ne quittent pas la rue, même de nuit. La journée d'hier a été marqué par une présence imposante des manifestants à Alger. Elle était forte en émotion. Les protestataires ont bravé les barrages de la gendarmerie qui a bloqué tous les axes routiers menant à la capitale. Une mesure sécuritaire pour ralentir et empêcher les contestataires d'autres wilayas de rejoindre ceux d'Alger. Une démarche préventive, selon certains. « Le temps n'est plus à la faveur du peuple, les sorties de vendredi deviennent une pause récréation. Il faut passer aux chose sérieuses. Il ne reste à peine 86 jours pour décider de notre sort politique », explique Rabah, juriste. Souciant de l'avenir de ses enfants qui l'accompagnaient chaque vendredi. Ils étaient arrivés à 8h00 à la grande poste. En quelques heures, une marée humaine a convergé vers ce lieu culte. La manifestation de ce vendredi 8 avril, est une continuité pour celle de la nuit d'avant. Depuis le 22 février, les protestations massives contre le pouvoir en place ne faiblissent pas, malgré les changements politiques opérés à l'initiative populaire. Des changements contestés en bloc par le peuple qui ne reconnait ni le nouveau gouvernement, ni Bensalah comme chef d'Etat, bien que cette solution réponde à une logique constitutionnelle avérée. Ce qui a motivé cette nouvelle sortie où les manifestants réclament l'activation des articles 7 et 8 de la Constitution, le reconnaissant comme unique source du pouvoir. « Depuis l'application de l'article 102 est un leurre. Les revendications du peuple ignorés », déclare Amir, jeune avocat, brandissant sa pancarte où l'on peut lire : « Un gouvernement illégitime, sans l'approbation du peuple pas de légitimité ». Des slogans que nous pouvions discerner sur la plupart des affiches brandies à cette occasion. Vers midi, Alger sature. La foule se densifie sous la pression des forces de l'ordres, mais avance fermement vers les escaliers de la grande poste assiégées depuis le matin par la police. Quelques minutes plus tard, ce bouclier se délie, libérant la place aux manifestants. Un geste salué par les protestataires. « Regardez le drapeau algérien, emblème de l'indépendance » criait une dame, dans la foule, rendant hommage, aux militaires décédés dans le crash d'avion survenu le 11 avril 2018 à Boufarik. « Nous sommes toujours en deuil. Nous avons perdu 257 enfants », ajoute-t-elle. C'est la journée de toutes les causes. 14h30, la tension monte d'un cran entre les manifestants et la police, à la placette Maurice Audin et de Tafourah. Du gaz lacrymogène et des jets d'eau ont été utilisés pour disperser les manifestants. Pour éviter des débordements, un collectif de jeunes appelait au calme. « Sylmia, pacifique, gardez votre sang froid, notre devise et le pacifisme », criait, un coordinateur. Peu à peu, le calme recouvre sa place. « Plusieurs personnes, surtout les jeunes, tentés de riposter », déplore-t-il. Voulant emprunter les boulevards menant vers le siège de la Présidence, la foule a été quadrillée. Tous les axes verrouillés. « Ces restrictions témoignent de la crainte du pouvoir », souligne, Kader, un syndicaliste qui exhorte, « à l'abandon de toute tentative de manipulation visant à déstabiliser le mouvement ». « Sentez la fraicheur de cette brise », dit Nadia, assise aux côtés d'autres personnes à rédiger leurs aspirations sur une tribune créée à la placette Maurice Audin. « Il flotte dans l'air un vent de liberté et de démocratie, mais le chemin est encore très long », ajoute-elle. Cette huitième journée de mobilisation a été marquée, également, par la présence de certaines personnalités publiques qui ont traversé la foule compacte, certains hués et d'autres salués. Les avis divergent, pour certains ces personnes portent sur leurs épaules tous les espoirs de ceux qui veulent voir partir le pouvoir, de ceux qui rêvent d'un futur meilleur tandis que pour d'autre ce ne sont que des opportunistes. « Le temps n'est plus en notre faveur, le peuple doit opter pour une solution politique en urgence, sinon nous irons à la dérive », commente, Nassim, cadre financier. 17h10, la foule se disperse, sans incident majeur. Mais, la détermination de revenir à la rue envahit l'esprit des manifestants. Samira Takharboucht