Après 25 jours de vacances forcées, les étudiants marquent leur retour à l'université par une nouvelle sortie observée dans les rues de la capitale Alger et dans plusieurs autres wilayas du pays. En plus de manifester comme ils le font chaque mardi, depuis plusieurs semaines contre le système politique, les étudiants ont clamé en bloc le rejet de la désignation du président du Conseil de la nation d'Abdelkader Bensalah, chef d'Etat par intérim pour une durée de 90 jours, en attendant d'organiser les élections présidentielles. Cette mobilisation a été surtout motivée par une sensation de frustration et de déception suite à la nomination de Bensalah à la tête de l'Etat alors que le peuple s'attendait à un scénario inverse. Démission d'Abdelkader Bensalah et désignation par le mouvement populaire de représentants indépendants pour guider la période transitoire, conformément aux articles 7 et 8 de la Constitution. Ce qui n'a pas été le cas. Depuis la démission de l'ex-Président Abdelaziz Bouteflika, il y a 8 jours et la constatation de la vacance définitive du poste du président de la République, le sentiment d'incertitude et d'inquiétude hante l'esprit des Algériens qui appréhendent un scénario violent et dramatique, maquillé par l'aspect pacifique de la mobilisation, tant saluée et louée par l'opinion internationale. Engagés et déterminés à poursuivre leur lutte dans le calme, les étudiants n'ont pas manqué de motivation ni d'audace en dépit d'une présence extraordinaire des forces de la police qui a envahi les rues de la capitale pour empêcher le mouvement de prospérer. Accompagnés des enseignants et du collectif des avocats, les étudiants sont sortis en force hier à Alger et dans plusieurs régions du pays. Des dizaines de milliers d'étudiants ont investi en grandes pompes les grandes places des villes du pays, en réaction à la désignation de Bensalah et pour confirmer leur résolution à provoquer un changement dans le pays et chasser les tenants du pouvoir. Considérant la désignation de Bensalah en tant que chef d'Etat comme une atteinte et un défi aux mouvements populaires, les étudiants ont envahi les rues et ont observé des rassemblements devant les sièges des wilayas de leur région. Contrairement aux marches précédentes organisées et menées dans le calme, celle d'hier a été marquée par le recours des forces de l'ordre à l'usage des canons à eau et des bombes lacrymogène visant à disperser et réprimer le mouvement des étudiants. Sans paniquer et verser dans la violence et l'anarchie, les étudiants entassés devant la Grande-Poste, à Alger et à la place Maurice Audin, ont continué à crier au départ de Bensalah et des restes du pouvoir. « Il faut innover dans la contestation et aller vers le débat public pour trouver des solutions à la crise», a martelé Nasser, qui s'est dit «choqué» par cette désignation de Bensalah comme chef d'Etat, ignorant plus de 7 semaines de manifestations populaires. Il n'était pas le seul à exprimer sa confusion, plusieurs autres étudiants «déçus» par cette nouvelle se disent «prêts à poursuivre leur lutte jusqu'au départ du système politique». «Désormais nous allons élire la rue notre lieu de contestation qui s'étalera sur tous les jours de la semaine. Le vendredi demeurera un symbole de la révolution populaire », signe Rami, noyé et emporté par le mouvement de la foule. En attente du vendredi, les étudiants appellent à sévir et envahir quotidiennement la rue pour protester contre «le mépris envers le peuple», a balancé Sarah, avocate qui a pris part au mouvement des étudiants aussitôt dans la journée. Samira Takharboucht