Les têtes d'affiches de la bande sont en prison (toutes ?). Il y en a certainement plus dehors que dedans. La contre-révolution «made in bladi» a beau être dispersée aux quatre coins des pénitenciers du pays, cela ne l'empêche pas de mener des actions de concertation avec ses soutiens toujours en liberté. Nous l'avons tous vécu cet été. Pénuries sciemment organisées de liquidités au niveau des PTT, coupures intempestives et lenteurs exaspérantes d'internet, électricité défaillante, gestion hasardeuse de la ressource en eau à usage de consommation humaine sont venus éclairer, à la lumière blafarde des incendies nocturnes à multiples foyers, les arrière-pensées de la bande. L'inspiration est partout identique. Epuiser, comme au Venezuela, les services de l'Etat en charge de ces secteurs sensibles, exaspérer la population afin de la pousser à la révolte aveugle et malheureusement improductive dont espèrent profiter des forces politiques qui se présentent sous la figure du chevalier blanc. Cela nous rappelle furieusement ces protestations nocturnes lors du Hirak, chargées (par qui ?) de mobiliser les policiers la nuit afin de voir s'effondrer la première institution républicaine civile de la nation, le jour. Ils ont échoué hier. Peuvent-ils réussir aujourd'hui ? C'est que le sabotage ne prend pas uniquement la forme d'actions évidentes même pour le plus naïf des citoyens. Il se noue aussi dans la reproduction sophistiquée et incessante des impératifs de court terme tant les puissances qui furent défaites cherchent à organiser une dispersion du potentiel de la haute administration centrale de la réforme féconde, dans des questions secondaires, multipliant les urgences sociales, laissées enfouies à dessein par des dynamiques rentières, comme autant de mines pour empêcher les solutions salvatrices, celles du long terme, de se réaliser. N'est-ce pas là, la méthodologie qui fut employée avec les anciens retraités et handicapés protestataires de l'ANP ? L'objectif est clair. Toute mesure cherchant à restaurer la planification, la réflexion, les effets de long terme est combattue vigoureusement. La stratégie de la contre-révolution se veut tacticienne escomptant sur une reprise du «Hirak béni» – qui ne reviendra plus à la vigueur première qui était la sienne – pour faire échouer la démarche de réforme constitutionnelle ainsi que celles, mises en œuvre, dans les domaines économiques et sociaux, pour rompre avec la logique des rentiers du système. La rente se préoccupe essentiellement d'une seule chose. La maximisation des profits, celle du commerce du pétrole et du gaz soit directement de manière détournée et la minimisation des dépenses sociales, économiques et culturelles. Aujourd'hui, elle cherche à retarder autant que faire se peut toute entreprise de restructuration décisive qui autorise la consolidation des valeurs ajoutées pour la nation. C'est là son objectif central. Ce dernier peut prendre la forme, comme au Venezuela, d'une tentative de coup d'Etat à blanc adossé à une protestation sociale de grande ampleur s'appuyant sur les classes moyennes en s'habillant des atours d'un mouvement révolutionnaire. C'est ce que préconise en filigrane le PAD (Pacte de l'Alternative Démocratique) dont l'inspiration idéologique la place en candidat privilégié d'une telle option. Mais le «parti de la démocratie» est divisé et mieux encore, les fractions patriotiques en son sein (comme le FFS) refusent, à leur honneur, de se prêter à de telles manipulations. Le candidat de cette mouvance, son paravent en quelque sorte, autour duquel tous se sont ralliés, au pas cadencé, en bons petits soldats «démocrates» est l'ex-général Ali Ghediri, aujourd'hui en prison. Cet ancien officier supérieur, candidat aux élections présidentielles de décembre 2019, en charge des ressources humaines au sein de l'ANP lorsqu'il était encore en fonction (et donc du dossier des retraités de l'ANP et des handicapés de la décennie noire) a-t-il fait preuve de légèreté alors qu'il était aux affaires pour résoudre définitivement un tel dossier ? Ou est-ce sciemment qu'une telle situation fut laissée au pourrissement ? Il est difficile de répondre à une telle question sans une investigation rigoureuse afin de ne jeter la pierre à personne. En tous cas, faisons le constat irréfutable que c'est encore à la Présidence et aux services spécialisés de l'ANP de traiter un dossier rendu inextricable à souhait. On chercherait à occuper les capacités des compétences sincères au sein de notre haute administration aussi bien civile que militaire dans une feinte dilatoire que l'on ne s'y prendrait pas autrement au moment où le temps nous est compté. La «venezuelisation» de l'Algérie ? Prenons une seconde hypothèse de travail pour bien comprendre la mentalité de notre adversaire rentier. Il n'a échappé à aucun Algérien que le président de la République Si Abdelmadjid Tebboune n'a pas hésité, après enquête, à démettre des responsables de la distribution de l'eau, des télécommunications, du service postal, des walis et des secrétaires généraux de wilaya défaillants dans leurs engagements au service du citoyen. Peu ont prêté une attention suffisante aux limogeages dans l'armée, du Général Rachid Chouaki, grand partisan de la coopération militaire avec... les Emirats Arabes Unis et du Général Abdelkader Lachekham, chargé de la guerre électronique et, par ricochet, ayant la haute main sur les fréquences radios indispensables à l'amélioration de la qualité du service de téléphonie mobile. Les faits sont têtus et il serait difficile de mettre sur le compte du hasard le limogeage de l'un juste avant la libération des fréquences enfin souverainement décidée par le ministre des PTT. In fine c'est la mise en œuvre d'une numérisation, levier de la réforme multiforme demandant de grandes capacités de bandes passantes qui était visée. Le Président propose mais c'est son administration aussi bien civile que militaire (la rente ne fait aucune distinction entre les uns et les autres) qui semble vouloir disposer. Lorsque des intérêts ou tout simplement des positions de pouvoir sont en jeux alors l'attitude rentière prend le pas sur la libération des énergies salvatrices. Il en va ainsi dans tous les domaines de la nation, des plus grandes affaires aux plus petites choses. Mais cela est sans compter sur la légitimité de l'action présidentielle qui n'est pas non plus dénuée de toute adresse. Si nous jugeons peu probable un scénario à la vénézuélienne, l'accumulation de situations laissées en jachères en toutes intentions pour mieux cultiver la subversion antiétatique et imposer des directions antipopulaires procède d'une technique de guérilla qui ne veut pas dire son nom. Elle n'est pas nouvelle en Algérie. Il suffit de se remémorer les agitations sociales en Kabylie ou en pays mozabite, systématiquement instrumentalisées dans un passé récent par les fractions rentières désormais neutralisées pour saisir le mode opératoire de ces procédés subversifs. Ils préfèrent au coup de poing, la diffusion sournoise, cherchant systématiquement à construire un rapport social protestataire. C'est la marque d'esprits habitués à frapper sans se dévoiler, à contraindre sans ordonner, privilégiant les embuscades, évitant les affrontements de rase campagne. C'est précisément ce fonctionnement que de longues années d'abondance financière ont érigé en système de gouvernance. On achetait la paix sociale comme on s'offrait les patrons, à grands recours d'enveloppes inefficaces de dinars pour la première, à coups de généreux abreuvements en devises pour les seconds. On préférait l'ingénierie de l'esquive sociale aux réponses franches et populaires de revendications légitimes, porteuses de développements. Quant aux véritables réformes, elles furent indéfiniment rejetées aux calendes grecques avec le résultat que nous connaissons aujourd'hui, au détriment de tous et au profit d'une infime minorité cherchant à imposer l'agenda de ses intérêts étroits, hier par la ruse, aujourd'hui par la force du harcèlement des couches les plus paupérisées ou les plus fragiles sur les plans identitaires. Il faut innover ! L'activisme urgentiste – un œil sur le compteur de la dépréciation de nos ressources financières en banque centrale, l'autre fixé sur le cours de la bourse pétrolière pendue aux décisions américaines, saoudiennes ou russes – a fini par convaincre ceux qui louchent au sein de notre administration que rien ne peut se faire sans injections massives de capitaux alors qu'en réalité tout peut s'établir à partir de l'exploitation efficiente et intelligemment accompagnée de nos propres ressources présentes en abondance : la jeunesse éduquée, le soleil, l'eau, l'énergie et l'économie de la connaissances en toutes filières. Il nous a toujours manqué un volontarisme politique, marque de fabrique du Président Houari Boumediene, assimilé bien hâtivement à un collectivisme contre nature par les milieux réactionnaires. C'est ce désintéressement qui anime à nouveau l'instance exécutive à son plus haut niveau et qui soulève un véritable espoir dans le pays profond. La mise en branle du développement des «zones d'ombre», présentes aussi dans les cités, en est le carburant électoral essentiel et sain. Cependant, cette vigueur enfin retrouvée ne doit pas confondre activisme et activités fécondes. La première est de nature rentière, improductive, répétitive. La seconde se plait dans les ruptures fécondes comme celle par exemple, audacieuse pour son époque, de la Camel, transformant notre méthane en gaz liquéfié pour inventer l'avenir. Nous avons en réalité un besoin impératif d'idées neuves, de nouvelles manières d'envisager nos déploiements économiques que cela soit dans le secteur primaire agricole, que secondaire industriel ou tertiaire des services dans une vision d'intégration globalisante entre les différents niveaux d'activités. C'est ainsi que nous pourrons le plus sûrement déjouer les embuscades des mercenaires de l'argent surfacturé, subventionné, qui multiplient les coups de mains dans l'espoir de voir tomber l'exécutif issu des élections les plus démocratiquement organisées dans notre pays depuis 1962. Pour cela, il est nécessaire de sortir au plus vite des visions court termistes, piège tendu par les rentiers, de s'atteler à la promotion des projets structurants (pétrochimie, barrage vert, finance islamique, réforme bancaire pour la réorientation des conditions du crédit favorisant l'émergence de classes moyennes laborieuses et industrieuses, soutien des productions agricoles et des industries agro-alimentaires, transparence des marchés publics, numérisation administrative etc.) en s'appuyant sur deux facteurs de force de l'Algerie nouvelle : l'ANP en étaiement de l'Etat National, le pacifisme en consolidation irrépressible de la judiciarisation de l'ensemble des rapports sociaux qui s'expriment dans la société. Pour cela, le processus de réforme politique doit impérativement être mené à son terme, à marche forcée si nécessaire. Les cinq ans du mandat présidentiel de Si Abdelmadjid Tebboune sont cruciaux. Ils doivent poser les fondations solides de dynamiques qu'il sera difficile et long de remettre en cause. Autant il est nécessaire de se méfier du court terme dans l'activité gouvernementale d'animation et d'orientation du programme présidentiel, autant il est impératif pour l'agenda politique de s'appliquer en concentrations pragmatiques afin de progresser, étape après étape, de manière prosaïque, comme des sapeurs en charge de frayer un chemin à la démocratie véritable, celle de la majorité populaire, pour réussir chantier après chantier, la réforme constitutionnelle, celle du code électoral, puis les législatives et enfin les municipales, le tout dans l'agenda le plus resserré possible. La rénovation de la scène médiatique qui ne peut se résumer à celle de l'ANEP ou à la numérisation de ses supports doit faire l'objet de mesures spécifiques, à l'image du soutien dont elle bénéficie dans les grandes démocraties occidentales, mais loin du populisme démagogique et intéressé se fixant comme critère qualitatif le nombre de revues là où il est nécessaire de promouvoir le professionnalisme dans l'art d'informer. C'est ainsi en bout du compte que nous tiendrons à distance les ennemis du peuple, par l'organisation partout où cela est possible de constructions favorisant les rapports sociaux populaires pour isoler les contrebandiers de la République.