Le «1er Salon du livre Mouloud Mammeri» d'Ath-Yanni (Tizi-Ouzou, 8-10 avril) aura tenu ses promesses en termes de symbolique, pour être dédié à une figure de la culture et de la littérature algériennes, d'affluence des visiteurs et de meilleure visibilité pour cette région de Tizi-Ouzou, se félicitent ses organisateurs, l'Association culturelle et de loisirs de jeunes (ACLJ), tout en promettant de «mieux faire» lors des prochaines éditions. «Pour une expérience inaugurale, nous pouvons qualifier de positif le bilan de cette édition du Salon. Cela, même si des lacunes existent mais que nous comptons néanmoins corriger lors des prochaines éditions. Je tiens à saluer, en particulier, l'adhésion et le sens civique dont ont fait preuve les invités et le public, grâce auxquels la manifestation a pu aboutir», a indiqué à l'APS, le chargé de communication de l'association, Makhlouf Boughareb. Tout en regrettant que des auteurs et conférenciers n'aient pu y être conviés ou que, parmi ceux qui l'ont été, n'aient pu honorer l'invitation, il fera savoir également que même si les choses se sont globalement bien passées, des écrivains ont trouvé des difficultés à écouler leurs livres en tamazghit, avant de rappeler que ce salon a été animé par près de 20 conférences thématiques et tables-rondes, des ventes-dédicaces pour une quarantaine d'auteurs et une présence de 17 maisons d'édition nationales. Et de faire observer «l'intérêt» manifeste autant des participants que du public qui, trois jours durant, ont sillonné les stands des exposants en quête de nouvelles publications ou de titres bien ciblés, tout en ne manquant pas de suivre avec un esprit critique et interrogatif les différentes conférences et autres tables-rondes. Les questions étaient particulièrement percutantes au sujet de certains faits historiques se rapportant à l'identité et la culture amazighes, a-t-on estimé. Des conférences de haute facture Entre autres interventions ayant suscité un intérêt particulier du public, celle du chercheur et linguiste Mohand Akli Sahli autour de «L'apport de Mammeri à l'écriture», à travers laquelle il a démontré dans quelle mesure l'illustre intellectuel qu'était Mouloud Mammeri a «posé les fondements et soubassements de la littérature amazighe, structuré le champ littéraire nouveau et tracé le chemin à d'autres auteurs algériens». «Mammeri a redonné vie à des textes passés sous silence et fait de tamazight une langue dotée d'une grammaire et aux caractéristiques universelles. Il a, au même titre que de Kateb Yacine, réussi à refléter l'imaginaire collectif en traduisant au français les poèmes kabyles anciens», fait-il remarquer, tandis que le journaliste et écrivain Younes Adli a communiqué autour de son ouvrage «Des Iguelidden (Rois) aux Sultans». Tout en rappelant que les Imazighen ont dirigé l'ancienne Egypte 235 années durant, il a souligné que «deux choses essentielles comptent chez ces derniers : la culture et la science». L'auteur de «Si Mohand Ou M'hand, errance et révolte», a tenu également à noter que «l'islam n'a jamais posé problème chez les Imazighen, si bien que demander à quelqu'un s'il faisait la prière ou pas était perçu par nos ancêtres comme une insulte», avant de plaider pour la sauvegarde et la préservation de notre identité et culture, à travers l'écriture : «Le plus important n'est pas tant de savoir ce qui a été écrit par le passé, mais ce que nous pouvons, aujourd'hui, laisser comme écrits aux futures générations», a-t-il commenté. Auteur de «Le mont des orfèvres», Belkacem Achite a disserté, quant à lui, sur le thème «Ath Yanni, entre hier et aujourd'hui». Une région dont il est originaire et dont il qualifie l'histoire, qui remonterait à il y a 1500 ou1600 ans, d'«humaine et d'une densité insoupçonnée». Et d'ajouter que ce territoire a été «une terre de repli, de brassage humain et axé sur le pouvoir économique, à travers les échanges commerciaux avec les autres». «Les Ath-Yanni sont apparus lorsque l'adversité les a amenés à s'unir face à des conflits liés à la terre et à la menace d'être submergés par autrui», fait-il observer, avant de relever «les alliances et les mésalliances» l'ayant marqué, au même titre que l'ensemble de la Kabylie. Evoquant l'apport de cette communauté lors de l'occupation française en Algérie, le conférencier a assuré que «des familles des Ath-Yanni ont participé, en 1916, à la défense d'El-Harrach et de Staouéli, alors que des femmes du village d'Ath-Lahcen ont joué un rôle particulier durant la Guerre de Libération nationale». Sur un autre registre, le Dr Mouloud Ounnoughéne a communiqué autour de son ouvrage «Dialogue des cultures musicales, mythe ou réalité», pour mettre en avant l'influence positive de l'orientalisme musical sur l'art occidental : «Aucune musique ne s'est développée à vase clos et ce dernier a marqué l'intérêt de toute une époque, notamment celle du XIXe siècle, par une série de représentations des cultures d'Afrique du nord», fera-t-il observer. Et de faire savoir que «Noubas, Maqâmes, thèmes berbères ou mélodies folkloriques locales ont été utilisés dans les compositions de divers chefs d'orchestre», citant notamment Camille Saint-Saëns, Félicien David, Nikolaï Rimski-Korsakov et Béla Bartok.