Alors que les jeûneurs, libres de leurs mouvements, menus et recettes se permettent tous ce qu'ils veulent durant le Ramadhan et que l'on impose aux malades des régimes alimentaires à la limite de celui médicalement prévu, des praticiens se permettent de travailler au gré de leur bon vouloir en livrant à leur triste sort d'autres malades. Ce qui donne un air d'anarchie dans les structures sanitaires publiques. A l'exemple de ceux relevés dans divers hôpitaux. Il a fallu la menace de licenciement du directeur d'un des hôpitaux à Annaba au moyen d'une note de service, pour prétendre à une reprise en mains. Mais apparemment ce n'est que partie remise, sachant que les mêmes praticiens réfractaires à l'ordre établi envisagent de revenir à l'offensive dans les prochains jours. Cette situation de «travailler au gré de l'humeur» des praticiens a tendance à se généraliser. C'est que dans les secteurs hospitaliers, la tendance au travail à des horaires applicables au gré de la volonté de certains praticiens s'affiche résolument avec des services médicaux livrés à l'abandon dès le début de l'après-midi. Elle est aussi signalée, à un degré moindre, dans les services paramédicaux et autres cliniques. Une catégorie différente de jeuneurs est contrainte de se soumettre à la volonté des effectifs. En ces lieux censés être en constante alerte pour répondre aux besoins d'assistance paramédicale, les efforts matériels et financiers consentis par l'état sont synonymes de désillusions. La prise en charge de la restauration et l'hébergement dans les structures hospitalières de l'état se fait avec un dilettantisme exacerbé. Le minimum est fait pour assurer le nécessaire en commodités dans la prise en charge des malades. De la chorba à base de «fleurs d'ange» poussiéreux au poulet mal cuit qu'il soit en morceaux frits, sautés ou cuits à moitié, cet aliment a toujours la côte. Particulièrement auprès des enfants admis en pédiatrie. Les repas mal préparés dont on laisse les pattes et abats incommodes jusqu'au dessert immangeable parce que mal lavé battent la mesure de l'état d'esprit qui règne dans les cantines. Celui qui caractérise l'environnement direct du malade par le corps médical et paramédical, à l'heure de la restauration notamment. Une tournée dans les cantines des hôpitaux et autres cliniques dont la gestion est sous contrôle de l'Etat impose de dire que la situation dans la prise en charge quotidienne de l'hébergement, la literie, la restauration, l'hygiène, l'entretien des équipements médicaux appellent à une révision en profondeur de la gestion des structures hospitalières. Ces derniers mois, elles s'étaient exprimées avec l'apparition de la crise sanitaire due au coronavirus. Ce dernier est révélateur de l'injustice sociale. En effet, toutes les mesures annoncées depuis le 23 mars 2020 semblent tomber sous le sens. La réaction d'une partie de la population, notamment dans les centres urbains et leurs périphéries, donne à réfléchir. Au-delà de la crise sanitaire, se profile celle sociale et économique majeure. Elle risque d'affecter gravement le pays les prochaines années. C'est ce que constatent de nombreux praticiens. Un premier indice en a été perceptible au lendemain de l'apparition du virus lorsque les pharmacies de garde ont été prises d'assaut par des citoyens en quête du moindre cachet pour se prémunir contre les premiers symptômes du coronavirus. Cette réaction révèle l'énorme fossé social creusé par un système de santé qui impose d'être revu. Pour nombre de praticiens, celui en place est défaillant. Chacun en connaît les fragilités qui risquent de handicaper la lutte contre le Covid-19. Elle est aggravée par la corruption. De récentes études révèlent la persistance de ce mal qui sévit toujours dans le milieu médical et hospitalier sous l'impulsion de fournisseurs privés. Enfermés dans un corporatisme malsain et s'exprimant sous le sceau de l'anonymat, des praticiens nient cette évidence en dépit des nombreux témoignages de victimes. D'autres l'acceptent comme une conséquence normale de conditions de travail harassantes, du manque de matériel ou du faible taux de rémunération des effectifs paramédicaux. Des praticiens émettent cependant des satisfécits à l'endroit des professionnels de la santé dévoués et intègres qui ne cessent de se préoccuper de la prise en charge des malades. Ils estiment, cependant que l'Etat doit être plus présent sur la scène médicale pour jouer son rôle de garant du bien-être des malades. C'est ce qu'ils tentent de démontrer en appelant à l'octroi d'un budget conséquent au secteur de la santé. «Annuellement, ce budget est insuffisant. Une alimentation quotidienne presque figée est imposée aux malades. Elle est assurée sur la base d'une loi des finances à réviser. Ce qui est en contradiction avec les déclarations officielles qui affirment que la situation est maitrisable. Le citoyen s'interroge sur la réelle capacité d'accueil des hôpitaux et du paramédical. En bref, sachant que la population a le droit de savoir ce qui l'attend, cela implique une communication régulière et professionnellement mieux informée». Nos interlocuteurs dénoncent également une «précarité sociale au quotidien», en rappelant les razzias sur les rayons des grandes surfaces et les spéculations de tous bords, notamment sur les prix des produits de première nécessité dès le début du confinement dans le pays. «Des mesures correctives ont été prises, suite aux dénonciations des consommateurs, et il faut espérer que cette surveillance continue, même hors temps de crise ». Mais il pointe également du doigt l'incompatibilité des mesures de confinement avec les activités informelles du commun des citoyens.