La faisabilité du projet du gazoduc Nigeria- Europe, doit tenir compte des nouvelles mutations gazières mondiales pour évaluer sa rentabilité car les lettres d'intention ne sont pas des contrats définitifs. Comme le démontre une importante étude de l'IRIS du 19 août 2021, le gazoduc reliant le Nigeria à l'Europe, principal client qui doit se prononcer également sur ce projet, est l'objet d'enjeux géostratégiques importants pour la région. D'où l'importance, en ces moments de tensions budgétaires, d'avoir une vision économique réaliste.L'idée d'un gazoduc reliant le Nigeria à l'Algérie a germé dans les années 1980 le 03 juillet 2009 a été signé un protocole d'accord pour la réalisation de ce projet avec l'Algérie, En juillet 2016, à l'occasion du 27e sommet ordinaire de l'Union africaine le Nigéria réaffirme sa volonté d'engager le lancement du gazoduc trans-saharien, prévus d'être détenu à 90 % par Sonatrach et la NNPC, et à 10 % par la Compagnie nationale du pétrole du Niger. Le 22 septembre 2021, le ministre du Pétrole de la République du Nigéria, Timipre Sylva, a annoncé que son pays allait entamer la construction d'un gazoduc pour transporter le gaz nigérian vers l'Algérie. Le 18 février 2022, une feuille de route est enfin approuvée par les représentants du Niger, de l'Algérie et du Nigéria. Suite à l'approbation des décisions de la précédente réunion tenue à Niamey, au Niger, le 16 février 2022 qui avait défini une feuille de route pour réaliser ce chantier, le 21 juin 2022, une réunion tripartite Algérie-Niger-Nigéria s'est tenue dans la capitale du Nigeria, regroupant les ministres en charge de l'Energie des trois pays s'inscrivant dans le cadre de la reprise des discussions au sujet du projet du Gazoduc Transsaharien (TSGP)où les ministres ont examiné l'état d'avancement des décisions prises lors de la précédente réunion et les prochaines étapes devant aboutir à la réalisation du projet, selon le même communiqué officiel qui ont convenu d'actualiser l'étude de la faisabilité de ce projet. Cependant il faut signaler l'ambiguïté du Nigeria vis à vis de ce projet. Selon plusieurs agences internationales en date du 2 mai 2022, le ministre nigérian du Pétrole a déclaré officiellement que le Nigéria et le Maroc sont à la recherche de fonds pour financer le méga projet de gazoduc visant à acheminer le gaz nigérian à l'Afrique du Nord et à l'Europe qui prévoit de se libérer à terme du gaz russe dont la part est à plus de 40%, alors que selon le ministre algérien de l'Energie, propos repris par l'APS, le 17 février 2022, ce projet transite par l'Algérie. Le Nigeria qui a également signé plusieurs protocoles d'accord avec le Maroc, doit avoir une position claire et choisir soit l'Algérie, soit le Maroc. Le projet du gazoduc Nigeria Algérie, selon une étude de l'Union européenne, en termes de rentabilité économique est plus rentable que celui du gazoduc passant par le Maroc, 5660 km, un coût estimé à environ 20 milliards de dollar pour une durée de réalisation entre 4/5 ans alors que celui du Maroc durera entre 8/10 ans pour un coût approchant les 28/30 milliards de dollars. Ce projet passe par plusieurs pays instables longeant la côte Ouest Africaine, traversant ainsi 14 pays : Nigéria, Bénin, Togo, Ghana, Côte d'Ivoire, Liberia, Sierra Leone, les trois Guinée, la Gambie, le Sénégal, la Mauritanie et le Maroc. En plus, pour la réalisation de ce projet, il faut l'accord de la France pour traverser les Pyrénées. Par contre, la longueur du gazoduc trans-saharien Nigéria Algérie, est de 4 128 kilomètres avec une capacité annuelle de trente milliards de mètres cubes, partant de Warri au Nigeria et devant aboutir Hassi R'Mel en passant par le Niger, et du fait des tensions avec l'Espagne ,devant être raccorder à l'Italie et la France pour parvenir à l'Europe. Cependant le choix définitif du tracé peut répondre à d'autres objectifs qu'économiques, rentrant dans le cadre e la géostratégie et le choix définitif reviendra à l'Europe principal client. C'est que le secteur de l'Energie au Nigéria est marqué par le poids dominant de l'industrie pétrolière et gazière, procurant 75 % des recettes du budget national et 95 % des revenus d'exportation et les réserves prouvées de gaz naturel sont estimées à 5.300 milliards de mètres cubes gazeux. Les réserves de pétrole sont évaluées selon la déclaration du ministre algérien de l'Energie début 2020 à 10 milliards de barils et entre 2200 et 2500 milliards de mètres cubes gazeux pour le gaz traditionnel. La production est passée de plus de 1,5 millions de barils/j entre 2007/2008 à environ 950.000 barils, 1 million /j les exportations se situant à environ à 500.000 barils/j et pour le gaz les exportations étaient de 65 milliards de mètres cubes gazeux à seulement 43 milliards de mètres cubes gazeux en 2021, du fait du désinvestissement, de la faiblesse de l'investissement direct étranger, et de la forte la consommation intérieure : près de 40/50% de la production pour le pétrole et le gaz entre 2019/2021 et devant s'accélérer entre 2022/2030, laissant peu pour les exportations, dossier liée la politique des subventions dossier très sensible ( voir étude réalisée sous la direction du professeurs Abderrahmane Mebtoul assisté des cadres de Sonatrach et du bureau d'études américain Ernst & Young, pour une nouvelle politique de subventions des carburants 8 volumes MEM Alger 2008). Rappelons qu'actuellement, les exportations de l'Algérie se font grâce au GNL qui permet une souplesse dans les approvisionnements des marchés régionaux pour 33% et par canalisation pour 67%. L'Algérie possède trois canalisations. Le TRANSMED, la plus grande canalisation d'un looping GO3 qui permet d'augmenter la capacité de 7 milliards de mètres cubes auxquels s'ajouteront aux 26,5 pour les GO1/GO2 permet une capacité de 33,5 milliards de mètres cubes gazeux. Il est d'une longueur de 550 km sur le territoire algérien et 370 km sur le territoire tunisien, vers l'Italie. Nous avons le MEDGAZ directement vers l'Espagne à partir de Beni Saf au départ d'une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux qui après extension en février 2022, la capacité a été portée à 10,5 milliards de mètres cubes gazeux. Nous avons le GME via le Maroc dont l'Algérie a décidé d'abandonner, dont le contrat s'étant achevé le 31 octobre 2021, d'une longueur de 1300 km, 520 km de tronçon marocain, la capacité initiale étant de 8,5 milliards de mètres cubes ayant été porté en 2005 à 13,5 de milliards de mètres cubes gazeux, le contrat ayant expiré le 31 octobre 2021 et n'ayant pas été renouvelé. Aussi le projet du gazoduc Nigeria Algérie est stratégique pour l'Algérie, selon différents rapports du ministère de l'Energie afin de pouvoir honorer ses engagements internationaux en matière d'exportation de gaz. Et ce afin d' assurer les équilibres financiers avec la forte consommation intérieure où horizon 2030 la consommation intérieure risque de dépasser les exportations actuelles expliquant la décision récente du président de la République du 21 novembre 2021 d'axer sur les énergies renouvelables pour subvenir à la consommation intérieure (extrapolation de 40% pour la consommation intérieure horizon 2030). La rentabilité du projet Nigéria- Europe, suppose cinq conditions. Premièrement, la mobilisation du financement, alors que les réserves de change sont à un niveau relativement faible au 01 janvier 2021, pour l'Algérie de 44 milliards de dollars pour 45 millions d'habitants, le Maroc 36 milliards de dollars pour 37 millions d'habitants et le Nigeria 33 milliards de dollars pour 210 millions d'habitants. Le Nigéria et l'Algérie traversent une crise de financement, devant impliquer des groupes financiers internationaux, l'Europe principal client et sans son accord et son apport financier il sera difficile voire impossible de lancer ce projet. Deuxièmement, l'évolution du prix de cession du gaz où la faisabilité est liée à l'étude du marché du prix du gaz, ce qui pourrait, selon Sonatrach , « influer sur la prise de décision de lancer un tel investissement » d'où la démarche de lancer une étude du marché pour déterminer la demande sur le gaz avant de trancher sur l'opportunité de s'engager dans ce projet. Cette faisabilité implique la détermination du seuil de rentabilité en fonction de la concurrence d'autres producteurs, du coût et de l'évolution du prix du gaz. Troisièmement, la sécurité, le projet traversant plusieurs zones alors instables et qui mettent en péril sa fiabilité avec les groupes de militants armés du Delta du Niger qui arrivent à déstabiliser la fourniture et l'approvisionnement en gaz. Il faudra négocier pour le droit de passage (paiement de royalties) donc évaluer les risques d'ordre économique, politique, juridique et sécuritaire. Quatrièmement, pour la faisabilité du projet NIGAL la demande future notamment européenne principale client, sera déterminante, la dépendance pouvant atteindre près de 70 % de la consommation totale d'énergie, soit 70 % pour le gaz naturel, 80 % pour le charbon et 90 % pour le pétrole, selon les estimations de la Commission européenne. A.M