Début avril 2016, Rachid Makhloufi accordait une interview à France 24. Mais avant cette sortie médiatique, Jeune Afrique, dans l'une de ses livraisons, évoque la vie footballistique de ce géant du football algérien qui n'est autre que Rachid Makhloufi. Il évoque la rencontre à Tunis entre deux grands footballeurs, Roger Lemerre et Rachid Makhloufi où l'Espérance de Tunis affrontait (été 2003) le Canon de Yaoundé au stade d'El-Menzah. Dans la tribune d'honneur, un spectateur attentif» : «Rachid Mekhloufi, le Zidane des années 1957-1970». Et voilà que débarque l'entraîneur français Roger Lemerre, responsable de la sélection de Tunisie. Embrassades chaleureuses. «Rachid ! Ô Rachid ! Tu m'en as fait voir quand tu jouais à Saint-Etienne et moi à Sedan…J'étais défenseur à l'époque. Lors du premier match, tu t'es engagé sur la droite, je t'ai suivi, le ballon s'est retrouvé à gauche. Je n'ai rien compris. La deuxième fois, j'ai essayé de faire attention. En vain, ce fut le même scénario. La troisième fois, je me suis dit : «Je ne le suivrai pas !» Mais le ballon est parti de nouveau à gauche. «J'ai enfin compris : tu avais des yeux derrière la tête !» Cette entrée en matière nous renvoie à cette interview de France 24, qui a été aussi importante à lire puisqu'elle permet à tout un chacun de revivre les grands moments de ce géant du football africains. La première question était : «À l'époque, vous étiez attaquant pour l'équipe de Saint-Etienne et vous étiez présélectionné pour participer à la Coupe du Monde de 1958 avec l'équipe de France. Votre carrière a débuté sous les meilleurs auspices. À aucun moment vous n'avez hésité lorsqu'on vous a proposé d'intégrer l'équipe du FLN ?» Sa réponse était tout aussi tactique que technique : «Le FLN savait que les jeunes respectaient les anciens», disait-il, avant de raconter comment il a rejoint l'équipe nationale. «Ils m'ont donc envoyé deux garçons de Sétif. Deux footballeurs, Abdelhamid Kermali de l'Olympique Lyonnais et Mokhtar Arribi du RC Lens sont venus me voir la veille d'un match contre Béziers et ils m'ont expliqué : «Nous allons partir en Tunisie pour former une équipe». Comme j'effectuais alors mon service militaire, j'ai répondu : «Mais Mokhtar, je suis militaire, je suis passible du tribunal !». Il m'a alors dit : «Mais après, qu'est-ce que tu en as à faire ?» C'est une réaction qui m'a étonné. J'ai compris que ce n'était pas le moment de discuter». Un bref résumé qui démontre son attachement au pays et rien ne pouvait lui faire changer d'avis. Lors de ce match, il a été blessé à la tête, perdu connaissance et envoyé à l'hôpital, et il croyait que c'était le meilleur endroit pour être oublié par ses amis. «Le lendemain matin, Kermali et Arribi étaient devant la porte de sa chambre. Je suis sorti en pyjama de l'hôpital. Je leur ai dit que je ne pouvais pas partir, car mon passeport était au siège de Saint-Etienne. Il a fallu qu'on y aille pour le récupérer. On était pressé : il fallait qu'on passe rapidement la frontière suisse, car les autres footballeurs algériens étaient déjà passés en Italie. Je ne savais pas trop où on allait, mais Kermali et Arribi m'ont donné confiance». Dans cette interview, il explique qu'il n'était au courant de rien, de cette équipe qui se mettait en marche. «Une équipe qui allait se former, – une grande équipe !», qui a donné un spectacle merveilleux dans tous les pays qui nous ont reçus. Avec l'équipe du FLN de 1958 à 1962, il a joué 83 rencontres sur plusieurs continents. Que garde-t-il comme souvenirs ? «Je peux dire «merci mon Dieu» de m'avoir donné cette équipe, parce qu'il me semble que sans elle, j'aurais été incapable de vous parler comme je le fais aujourd'hui. Les contacts qu'on a eus avec des chefs d'Etat, des révolutionnaires, des peuples, des journalistes, m'ont ouvert l'esprit. Et puis j'arrive dans cette équipe, avec des joueurs d'expérience : les Ben Tifour, Bouchouk, Brahimi...Ce sont des gens qui te mettent dans le circuit, dans la tête et dans les pieds. Je peux les remercier et puis d'un coup comme ça, je suis devenu un artiste, un métronome ! Cela a servi ma carrière». Sélectionneur des Fennecs dans les années 1970 et 1980, Makhloufi parle des choix des binationaux ? «C'est un peu difficile. En tout cas, je sais que je ne prendrai jamais un joueur en équipe nationale s'il n'y croit pas, et souvent malheureusement, c'est un choix qui est beaucoup plus dicté par la carrière. Je me souviens de Benarbia (Ali Benarbia, international algérien et ancien joueur de l'AS Monaco et du PSG). Il attendait qu'Aimé Jacquet le sélectionne. Il n'a pas été appelé, il est finalement venu vers nous. Qu'est-ce cela veut dire ? Il faut que ce soit un choix du cœur. C'est une équipe nationale, c'est quelque chose de profond, qui entre dans les veines. On ne peut pas jouer avec une équipe d'Algérie ou de France, comme si on était au PSG ou à Sétif».