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Les enjeux en matière d'asile et de migration
France- Europe
Publié dans La Nouvelle République le 23 - 10 - 2024

Forum réfugiés suivra avec attention la déclaration de politique générale du Premier ministre Français, en souhaitant qu'elle trace les perspectives de l'action gouvernementale de façon plus positive sur les questions d'asile et de migration que ne le laissent penser les récentes déclarations ministérielles. Nous regrettons d'ailleurs que les questions du droit d'asile et de la migration ne soient pas portées au niveau interministériel, ce qui favoriserait une approche basée sur les enjeux sociaux, économiques et internationaux de l'immigration.
L'annonce d'une Xè loi Asile Migration (alors que la précédente, partiellement censurée, n'est en application que par le biais de quelques décrets) constituerait un signal désastreux en direction de l'opinion publique, qui devrait plutôt participer à un débat apaisé en la matière.
De la même manière, nous partageons l'inquiétude d'autres structures de l'action sanitaire et sociale quant à un projet de modification de l'Aide Médicale d'Etat en Aide Médicale d'Urgence alors que tout démontre son inefficacité et sa dangerosité dans les domaines sanitaire, économique et du droit, alors que les soins constituent une protection collective.
Forum réfugiés, comme d'autres associations de solidarité, attend également que le Premier ministre réaffirme le respect par la France de ses engagements internationaux en matière de droits fondamentaux, qui constituent le socle de toute réflexion et d'action dans le domaine de l'asile et de la migration. Or, l'écart entre la proclamation de ces droits et leur effectivité s' accroit déjà comme en témoigne le Pacte Asile Migration européen. En matière d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, il faut écarter le recours massif à des OQTF que l'on sait majoritairement inexécutables et à la rétention dans des conditions indignes, qui portent atteinte aux droits des personnes sans rien améliorer de l'efficacité des retours des personnes dangereuses. Dans la continuité de la note de plaidoyer publiée en juin dernier qui détaille 35 mesures concrètes, Forum réfugiés continue de plaider pour une approche cohérente avec les besoins des demandeurs d'asile et avec l'intérêt de notre pays, appuyée sur : l'accueil des demandeurs d'asile : plus de la moitié des demandeurs ne sont pas hébergés dans le dispositif dédié et se retrouvent sans abri avec de nombreuses conséquences douloureuses
l'intégration des réfugiés : la réduction des crédits compromet les ambitions de la France dans ce domaine et la dynamique engagée. la prise en charge de la santé mentale : érigée en grande cause nationale pour 2025 par le Premier ministre, cette offre de soin pour les exilés est pourtant largement insuffisante. Au-delà de la Déclaration de Politique Générale, l'examen du projet de loi de finances 2025 sera décisif : les crédits votés doivent être à la hauteur des enjeux et adaptés aux besoins d'un accueil digne et respectueux des personnes.
Sylvie Guillaume, Présidente de Forum réfugiés conclut : «l'exécutif et les parlementaires sont appelés à bâtir des politiques publiques d'asile et d'immigration fondées sur l'expertise et les pratiques issues de la société civile, loin des postures simplificatrices déconnectées des enjeux et réalités qui imprègnent trop souvent le débat public dans ce domaine et le dénaturent».
Rétention administrative en France : un débat public imprégné d'idées reçues
L'arrivée de Bruno Retailleau, nouveau ministre de l'Intérieur nommé le 21 septembre 2024, a été marquée par une nouvelle irruption dans le débat public de discussions politiques et médiatiques autour de la rétention administrative des étrangers. Ces dernières ont à nouveau révélé les approximations et idées reçues dans ce domaine, nécessitant ainsi le rappel de quelques points factuels.
Les déclarations du nouveau ministre de l'Intérieur et les réactions auxquelles elles ont donné lieu, sur le sujet de la rétention administrative des étrangers, s'appuient en partie sur des fait et analyses éloignés du cadre juridique ou des pratiques constatées dans ce domaine (notamment pas les associations présentes dans ces lieux qui produisent chaque année un rapport commun). Quelques brefs rappels s'imposent pour envisager des politiques publiques pertinentes dans ce domaine.
La rétention administrative n'est pas un dispositif pénal
L'objectif initial de la rétention administrative est de maintenir à disposition de l'administration des étrangers en situation irrégulière en vue de leur éloignement. Il s'agit d'organiser matériellement le retour (récupérer les affaires personnelles, réserver un billet d'avion etc.) et de s'assurer de l'accord du pays visé pour accueillir l'étranger. L'irrégularité du séjour ne constitue pas une infraction pénale et elle peut résulter de situation très diverses (incluant des cas dans lesquels l'étranger n'a pas pu renouveler son titre de séjour en raison de défaillances des autorités administratives). Le manque de discernement dans l'édiction des mesures d'éloignement mène parfois l'administration à placer des personnes qui peuvent disposer d'un droit au séjour et ne devraient donc pas être retenus. La perspective d'un éloignement (reposant sur l'analyse des possibilités effectives de retour et l'absence de motifs justifiant un droit au séjour en France) et les obstacles à la mise en œuvre d'un retour volontaire demeurent les éléments principaux qui peuvent justifier un placement en rétention. Ce dispositif n'a pas pour vocation à priver de liberté une personne sur la base de sa dangerosité ou pour prolonger une mesure pénale déjà effectuée sanctionnant des atteintes passées à l'ordre public. Ces dernières années, les orientations politiques (dont certaines ont été consacrées par la loi du 26 janvier 2024) ont cependant fait de la « menace à l'ordre public » un critère prépondérant des placements en rétention (voir notre article de mai 2023). Cela a pour conséquence principale d'accroître la tension au sein des centre de rétention administrative (CRA) sans améliorer l'efficacité des politiques d'éloignement : s'il ne peut être éloigné, l'étranger sera libéré de ce lieu où sa présence n'est plus justifiée, après des périodes de rétention longues qui privent par ailleurs les préfectures de possibilités de placements à cause d'une indisponibilité de places et d'un défaut de rotation. La loi précitée a également élargi la possibilité de placement pour des personnes en demande d'asile (voir notre article de décembre 2023), indépendamment des perspectives d'éloignement mais la constitutionnalité de cette disposition (qui n'a pas été examinée par le Conseil constitutionnel) demeure incertaine.
La rétention n'est pas le dispositif le plus efficace pour éloigner les étrangers en situation irrégulière
L'idée selon laquelle il serait indispensable de recourir à la rétention pour éloigner les étrangers en situation irrégulière est solidement ancrée, alors que d'autres dispositifs plus efficaces mais aussi moins coûteux pourraient être envisagés. C'est notamment ce que souligne un rapport présenté en juin 2019 par les députés Jean-Noël Barrot (devenu depuis ministre de l'Europe et des Affaires étrangères du nouveau gouvernement) et Alexandre Holroyd. À travers l'analyse de données chiffrées, et sur la base d'expériences menées par d'autres pays européens, ce document rappelle l'inefficacité de la rétention pour éloigner, son coût très élevé et la nécessité de revoir la politique des retours volontaires pour améliorer le taux d'exécution des décisions d'éloignement.
(A suivre…)
Samir Sabek
Les arguments soulignés par ce rapport et connus depuis plusieurs années déjà, ont notamment amené le législateur européen à consacrer, à travers la directive dite « Retour » datant de 2008 et transposée dans le droit français, la primauté du retour volontaire sur la coercition. Revoir ce cadre pour le rendre plus coercitif n'aurait ainsi, a priori, pas d'impact sur l'efficacité de notre politique d'éloignement.
Les associations présentes en rétention participent simplement à l'application du cadre légal
La loi française prévoit que « l'étranger maintenu en rétention bénéficie d'actions d'accueil, d'information et de soutien, pour permettre l'exercice effectif de ses droits et préparer son départ » (article L.744-9 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile). Pour la mise en œuvre de cette disposition, un texte réglementaire précise que « le ministre chargé de l'immigration conclut une convention avec une ou plusieurs personnes morales ayant pour mission d'informer les étrangers et de les aider à exercer leurs droits » avec également la mention selon laquelle « la personne morale assure, dans chaque centre dans lequel elle est chargée d'intervenir, des prestations d'information, par l'organisation de permanences et la mise à disposition de documentation » (article R. 744-20 Ceseda).
Le Conseil d'Etat, dans une décision de novembre 2009, a interprété ce cadre juridique en précisant que «l'Etat ne peut conclure une telle convention qu'avec des personnes morales présentant des garanties d'indépendance et de compétences suffisantes, notamment sur le plan juridique et social, pour assurer le bon accomplissement des missions d'accueil, de soutien et d'information prévues par la loi ». Le cadre juridique actuel ne permet donc pas de confier cette mission à un service de l'Etat qui serait rattaché au ministère de l'Intérieur, comme évoqué par Bruno Retailleau. Ces missions sont actuellement confiées, dans le cadre d'un marché public, à cinq associations qui sont réparties dans l'ensemble des CRA en métropole et outre-mer. Leur rôle, conformément aux dispositions juridiques précitées, n'est pas d'empêcher ou de faire obstacle à l'éloignement, mais de veiller à l'application du cadre légal. Celui-ci étant particulièrement complexe, cet accompagnement est nécessaire pour rendre effectif l'exercice des droits et notamment le droit fondamental à un recours contre les décisions administratives ou judiciaires. Les associations n'ont aucun pouvoir décisionnaire sur le sort accordé à l'étranger placé en CRA, cette responsabilité étant confiée aux juridictions administratives et judiciaires. En pratiques, ces dernières sanctionnent souvent des pratiques de l'administration ou des services de police contraires au cadre légal : en 2023, plus de la moitié (52,4%) des étrangers placés en CRA ont été libérés par décision d'un juge en France métropolitaine. Les échecs à l'éloignement des étrangers qui sont surtout dus à l'incapacité des administrations préfectorales à obtenir les laissez-passer des consulats des pays d'origine ne peuvent donc pas être imputés à l'association dans son rôle d'accompagnant des personnes retenues.
Allonger la durée de rétention n'augmente pas significativement le taux d'éloignement
La durée maximale de placement en rétention n'a cessé de s'allonger, passant progressivement de 7 jours au moment de la création de ce dispositif en 1981 à 90 jours (3 mois) dans la dernière loi sur ce sujet en 2018. Cette durée maximale peut par ailleurs être étendue à 180 jours (6 mois) pour les étrangers condamnés à une peine d'interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou soumis à une mesure d'expulsion pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées. La durée moyenne de rétention a augmenté en conséquence, atteignant 28,5 jours dans le CRA de l'hexagone en 2023, soit presque deux fois plus que cinq ans auparavant. En 2024, dans certains CRA elle est parfois de près de 40 jours. Globalement, l'allongement de la durée maximale de rétention n'a pas produit d'effet significatif sur l'effectivité des retours depuis ces lieux. L'écrasante majorité des éloignements ont lieu dans les premiers jours (81% dans les 45 premiers jours et 8% au-delà de 60 jours en 2023), lors desquels l'administration est rapidement fixée sur la possibilité de renvoi. L'allongement de la durée moyenne de placement a pour principal effet de porter des atteintes disproportionnées aux droits des personnes, avec des privations de liberté parfois inutilement longues, et de limiter les possibilités de placement (et donc d'éloignement) en réduisant le taux de rotation dans les CRA.
L'efficacité de la politique d'éloignement repose principalement sur la délivrance des laissez-passer consulaires
Pour éloigner un étranger en situation irrégulière qui ne disposerait pas d'un passeport (document permettant à la fois de justifier sa nationalité et autorisant à voyager), les autorités françaises sont tenues de solliciter un laissez-passer consulaire auprès du pays visé pour le renvoi (voir notre article de janvier 2019). L'ensemble des Etats sont en effet souverains, comme l'est la France, pour décider qui est autorisé à entrer sur son territoire : en l'absence de passeport, la délivrance de laissez-passer consulaire est donc indispensable. Elle ne dépend pas directement des autorités françaises (qui peuvent néanmoins activer des leviers diplomatiques dans ce domaine) et le renforcement des dispositifs coercitifs de retour n'a pas d'impact significatif sur ce volet.
Quelle mise en œuvre en France du Pacte européen sur la migration et l'asile ?
Alors qu'une réforme d'ampleur du cadre juridique de l'asile à l'échelle européenne a été adoptée en mai 2024, à travers les textes constituant le Pacte sur la migration et l'asile, sa mise en œuvre ne doit intervenir pour l'essentiel qu'en 2026. D'ici fin 2024, les Etats doivent établir un plan national en ce sens adressé à la Commission, ce qui pose de nombreuses questions quant à l'adaptation du cadre juridique français.
L'adoption définitive du Pacte sur la migration et l'asile de l'Union européenne au printemps 2024, après plusieurs années de négociations, constitue le point de départ d'un long processus devant mener à la mise en œuvre de ces dispositions par les Etats membres.
Une période de transition de deux ans est prévue pour l'essentiel des textes composant ce Pacte, qui devront être appliqués à partir de l'été 2026. La Commission européenne a publié en juin 2024 un plan commun de mise en œuvre (voir notre article de juillet 2024 à ce sujet) qui précise les attentes vis-à-vis des Etats membres dans l'élaboration de leur plan national de mise en œuvre, notamment imposé par les règlements dits « Gestion » et « Procédure ».
Dans un premier temps, la France comme les autres Etats est tenue d'envoyer à la Commission un projet de plan national de mise en œuvre en octobre 2024, le plan national définitif devant être transmis au plus tard le 12 décembre 2024. Ces démarches doivent s'appuyer sur une structure nationale de coordination pilotée par un coordinateur national, et les Etats sont invités par la Commission « à solliciter et à associer les partenaires sociaux, les autorités locales et régionales et d'autres parties prenantes, en particulier les représentants d'organisations de la société civile, au moyen de consultations et d'échanges réguliers ».
Au-delà de ces modalités d'élaboration du plan national, quels sont les points clés que les autorités devront étudier pour décliner le Pacte et son ensemble complexe de plusieurs centaines de pages à l'échelle nationale ?
Concernant la réforme du règlement Eurodac, la prise d'empreinte à partir de 6 ans (contre 14 ans auparavant) nécessitera une formation spécifique des agents préfectoraux pour réaliser cette collecte de manière adaptée aux enfants, comme exigé par le règlement. L'usage de la coercition pour le recueil de l'ensemble des données biométriques devrait être écarté dans le plan national, au regard notamment des exigences constitutionnelles portant sur la liberté individuelle.
La mise en œuvre du nouveau règlement sur le filtrage et la refonte des normes sur les procédures d'asile qui l'accompagne est entourée de nombreuses interrogations portant sur les personnes à qui ce dispositif sera appliqué (uniquement celles appréhendées au moment du franchissement des frontières ou également sur le territoire).
Aux frontières extérieures, le dispositif de filtrage aura probablement pour principale conséquence une adaptation du cadre actuel régissant les zones d'attentes. Les autorités françaises devraient ainsi être amenées à repenser les durées d'enfermement, la nature des décisions administratives pendant cette période, les modalités de recours, le dispositif d'accompagnement juridique et social et les exigences en matière d'identification des vulnérabilités. Cela devrait constituer une occasion de revoir les conditions matérielles d'accueil dans ces lieux au regard de ce nouveau contexte.
Les autorités devront faire des choix importants quant à l'usage de mesures de privation de liberté aux différents stades du parcours des personnes étrangères, à éviter notamment pour une mise en œuvre du d'asile conforme aux recommandations du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en la matière. Elles devront par ailleurs déterminer qui sera en chargé du mécanisme indépendant pour surveiller le respect des droits fondamentaux dans le cadre de ce nouveau dispositif.
En matière d'accueil des demandeurs d'asile conformément aux dispositions de la nouvelle directive dans ce domaine, mais aussi au regard des exigences figurant sur plusieurs autres textes, le plan national devra préciser comment seront évaluées les vulnérabilités (le nouveau cadre étant plus exigeant en la matière) et comment les besoins particuliers seront pris en compte. Le cadre régissant l'accès au travail des demandeurs d'asile devra être revu pour assurer l'effectivité de ce droit, au regard des nouvelles dispositions avec lesquels notre droit actuel n'est pas conforme. Il faudra par ailleurs prévoir un dispositif d'apprentissage de la langue dès la demande d'asile, comme prévu par le Pacte.
Des choix devront être fait également concernant l'adaptation des procédures d'asile, conformément au nouveau règlement sur ce sujet. Afin de respecter les délais contraints de ces différentes phases dans la mise en œuvre du règlement, il sera nécessaire de prévoir des moyens humains et matériels suffisants, ainsi qu'une montée en compétences via la formation des personnes impliquées dans cette procédure. Plusieurs dispositions du nouveau règlement, sur l'extension des cas d'irrecevabilité et l'assouplissement de la notion de « pays tiers sûr », pourraient être considérés inconstitutionnels et donc non applicables en France. Le règlement Procédure porte par ailleurs plusieurs reculs concernant le caractère suspensif du recours en matière d'asile, qui parait cependant inadaptée à la structure institutionnelle française et à la répartition des compétences entre les autorités administratives et juridictionnelles de l'asile.
Sur le dispositif de répartition des demandeurs au sein de l'Union européenne, un règlement dit « Gestion » remplacera le règlement Dublin tout en en conservant les principales orientations. Le plan national devra notamment indiquer comment seront appliquées les quelques améliorations relatives à la prise en compte des liens des demandeurs avec les Etats membres. Les autorités devront par ailleurs fixer le délai de recours contre les décisions de transfert, avec une marge de manœuvre comprise entre 1 et 3 semaines par le nouveau règlement.
Le plan national pourra préciser les engagements de la France concernant les mécanismes de solidarité (relocalisation et réinstallation). En fin, un pan entier du plan devra préciser comment seront prises en compte les vulnérabilités particulières des demandeurs d'asile dans la procédure de filtrage mais aussi au cours de la procédure d'asile.
Politique extérieure de l'UE en matière d'asile : développer les voies d'accès légales pour élargir l'espace de protection
Le 23 février 2018, à Bruxelles, les chefs d'Etat et de gouvernement des Etats membres de l'Union européenne se réuniront pour une réunion informelle et pour une Conférence de haut niveau sur le Sahel. A cette occasion, Forum réfugiés-Cosi rappelle que la coopération avec les pays tiers sur les questions migratoires ne doit pas conduire l'Europe à se décharger de ses responsabilités en matière d'accueil et de protection des personnes en besoin de protection internationale.
Forum réfugiés-Cosi appelle les autorités européennes à honorer leurs engagements internationaux en matière d'accueil et de protection, y compris lorsque les personnes se présentent spontanément aux frontières européennes. Les mesures visant une application systématique et obligatoire des concepts de « pays tiers sûrs » et de « pays de premier asile » dans le droit européen, et l'instruction de demandes d'asile en dehors du territoire européen pour des personnes manifestant leur besoin de protection au sein des Etats membres ou à leurs frontières, doivent être abandonnées.
Des atteintes majeures au droit d'asile
Le 23 septembre 2020, la Commission européenne a présenté une communication accompagnée de plusieurs textes législatifs et de recommandations. Forum réfugiés-Cosi fait part de ses vives inquiétudes au regard de plusieurs de ces orientations, qui doivent désormais être débattues par les Etats membres et par le Parlement européen.
Malgré des éléments intéressants sur le développement des voies légales et le renforcement des politiques d'intégration, les propositions de la Commission, sur lesquelles nous reviendront de manière plus complète, introduisent de nombreuses restrictions dans l'accès à la procédure d'asile, et remettent gravement en cause la possibilité pour chaque personne d'être entendue pour faire valoir ses craintes de persécution au cours d'une procédure d'asile juste et équitable, quel que soit son pays d'origine.
La Commission propose ainsi d'instaurer pour tous les demandeurs d'asile une procédure de pré-filtrage obligatoire, applicable à la frontière mais aussi sur le territoire des Etats membres. L'objectif visé est d'orienter les demandeurs d'asile ressortissants de pays pour lesquels le taux de reconnaissance moyen à une protection internationale est inférieur à 20% vers une procédure accélérée présentant de garanties procédurales fortement abaissées. Pour la Commission, ces procédures devraient être menées dans des lieux de privation de liberté. Ce nouveau dispositif serait étroitement connecté à la procédure de retour, en cas de rejet de la demande d'asile, procédure qui serait conduite dans ce même contexte coercitif.
Par ailleurs, si la mise en place d'un nouveau système de solidarité et de répartition, en remplacement de l'actuel règlement Dublin, comporte quelques éléments intéressants, il demeure marqué par une marge de manœuvre trop importante laissée aux Etats.
Forum réfugiés-Cosi rappelle la nécessité d'élaborer une politique européenne d'asile répondant aux besoins de protection internationale de toutes les personnes arrivant aux frontières européennes, dans le respect des droits fondamentaux inscrits dans le droit européen et international. L'ensemble du processus d'adoption de ces nouvelles normes sera suivi avec attention par Forum réfugiés-Cosi, au regard des positions de l'association sur ce dossier.
Pour Forum réfugiés-Cosi, il est indispensable d'élargir – et non de déplacer – l'espace de protection en développant les voies d'accès légales. Les autorités européennes doivent accroître le nombre de places allouées à la réinstallation et renforcer ces dispositifs en garantissant des moyens financiers suffisants. D'autres voies d'accès additionnelles doivent par ailleurs être développées pour répondre à ces besoins par le biais de la délivrance de visas humanitaires ou d'étude, l'application de la réunification familiale et le parrainage privé.
Il est urgent de remplacer l'approche actuelle de la coopération avec les pays tiers, qui vise à maintenir les personnes en besoin de protection dans ces pays, par une approche protectrice, responsable et durable. L'Union européenne doit rappeler fermement son attachement au droit d'asile et aux droits fondamentaux qui s'y rattachent, tels que garantis par la Convention de Genève de 1951, la Charte des droits fondamentaux de l'UE et la Convention européenne des droits de l'Homme.


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