A la faveur du conflit militaire à Ghaza du 7 octobre 2023, de la mort du jeune Thomas Perotto à Crépol, le 19 novembre 2023, du vote sur la loi immigration du 26 janvier 2024 qui proposait de porter atteinte au droit du sol à l'Assemblée nationale et surtout de la séquence des élections européennes du 9 juin 2024 puis des législatives anticipées du 30 juin – 7 juillet 2024 où l'on n'a pas hésité à parler de fin de la double nationalité, l'extrême-droite française et la droite réactionnaire ont pu poser de nouveaux jalons pour mettre en œuvre leur projet de société néocoloniale en France. Précédant de quelques mois Mohamed Ben Salman, l'ancien Premier ministre qatari, Hamad Bin Jassim Al Thani, avoua en 2018, après son éviction du pouvoir, que le Qatar avait dépensé 137 milliards de dollars dans la séquence du Printemps arabe, notamment pour détruire la Syrie, mais aussi déstabiliser les dernières républiques arabes progressistes non encore totalement sous tutelle occidentale comme l'Egypte, la Lybie, la Tunisie, le Yémen et le Soudan. V. Le projet de l'Establishment de mise en place de la société néocoloniale en France via la diabolisation des populations immigrées : le « COINTELPRO » (Counter Intelligence Program) français Le projet d'institutionnalisation d'un statut de sous-citoyen pour les immigrés musulmans, maghrébins et particulièrement algériens s'est progressivement mis en place au cours des 40 dernières années. Il a été déclenché par la « marche des Beurs » de 1983. Celle-ci a provoqué un vent de panique au sein de l'Establishment français qui réalisait que les jeunes Français maghrébins, ayant grandi en France, revendiquaient une plus grande protection contre les violences racistes et, en filigrane, un statut de citoyen à part entière, que leurs parents, héritiers du système colonial, n'avaient jamais réclamé. A terme, tout comme aux Etats-Unis, ces enfants d'immigrés allaient formuler une demande d'émancipation économique et sociale, pouvant se transcrire en revendication politique de prendre pleinement leur place dans la société française. Et, tout comme aux Etats-Unis, une telle revendication était insupportable à l'oligarchie droitière, raciste et colonialiste, mais aussi par réaction de « classe » privilégiée ressentant cette revendication comme une remise en cause insupportable de leurs privilèges. En réaction à ce mouvement, une fraction très puissante de l'Establishment français, réactionnaire et imprégnée de schémas colonialistes, s'est inspirée de la répression menée par son homologue américain à l'égard du mouvement des droits civiques des Noirs aux Etats-Unis à partir des années 60 en mettant en place ce que l'on peut appeler le programme « COINTELPRO » à la française contre les Maghrébins. La répression de la communauté noire aux Etats-Unis par l'establishment américain : de COINTERLPRO au « gangsta rap » Effrayés par la force des revendications du mouvement des droits civiques de la communauté noire américaine pour la fin des lois discriminatoires, l'égalité civique, la justice et l'émancipation économique et sociale, l'Establishment américain a lancé, dès les années 60, un plan en trois volets pour contrecarrer le mouvement des droits civiques, via le FBI de Edgar Hoover, le gouvernement raciste et suprémaciste blanc de Nixon ainsi que la CIA et l'appareil judiciaire : – Une répression politique : avec une totale mauvaise foi, le FBI d'Edgar Hoover, appuyé par le gouvernement de Richard Nixon, a faussement prétexté la nature communiste des mouvements des droits civiques et leur potentiel soutien par l'URSS soviétique pour les cibler dans le plan secret COINTELPRO du FBI contre la subversion communiste et soviétique aux Etats-Unis. Dès lors, le FBI et les polices locales se sont engagés dans une lutte implacable à leur encontre (surveillance de leurs membres, infiltration par des agents doubles ou provocateurs, répression et dynamitage de l'intérieur), allant même jusqu'à assassiner les principaux leaders de ce mouvement (Malcom X, Martin Luther King ou Fred Hampton, le charismatique leader des Black Panthers de Chicago, ainsi que 26 autres membres de l'organisation) ou les pousser à l'exil (Eldridge Cleaver des Black Panthers). Cette surveillance et répression policière de tous les instants ont cassé la dynamique d'émancipation politique des Noirs américains et surtout le risque de revendications futures d'une plus grande égalité économique et sociale, qui demeure la crainte majeure des Establishments et oligarchies au pouvoir. – Une répression policière dans le cadre de la lutte contre la drogue : selon le témoignage de John Ehrlichman, conseiller de Nixon, le véritable objectif de la « guerre contre la drogue » lancée par le gouvernement Nixon dans les années 70 était, sans jamais les désigner explicitement, de cibler les Afro-Américains en ancrant l'association Homme noir – drogue – dealer – violence dans l'esprit des Blancs américains. Etait notamment visé le réservoir électoral républicain, ce qui permettait de faire d'une pierre deux coups : d'une part, faire monter le sentiment d'insécurité des Blancs américains à l'égard des Noirs, perçus comme une « classe dangereuse » et, d'autre part, rendre la fraternité entre communautés impossible, notamment pour freiner la possibilité d'une insertion sociale et économique des Noirs par un logement dans un quartier décent ou un emploi bien rémunéré, que seuls les Blancs pouvaient leur procurer. En amont de cette « guerre contre la drogue », la CIA a été mobilisée pour inonder les quartiers majoritairement habités par la population noire de drogues dures provenant du « triangle d'or asiatique » (à la faveur de la guerre du Vietnam) ; les quantités de drogue dure déversées dans les quartiers noirs n'ont cessé d'augmenter avec l'ajout de celles d'Amérique latine dans les années 80 (via le plan CONDOR) puis celles d'Afghanistan (après le départ des Soviétiques, puis après l'occupation de 20 ans de l'Afghanistan suite au 11 septembre 2001). Ces flots gigantesques de drogue ont créé une économie de la drogue dans ces quartiers impliquant une proportion très importante de la population noire, ce qui a accentué la ghettoïsation de ces quartiers : les conditions de vie s'y sont terriblement dégradées et ces quartiers se sont déshumanisés sous l'effet d'une violence endémique, ce qui a créé une coupure immense avec le reste des ensembles urbains et, au-delà, du pays. En aval de la « guerre contre la drogue », la « guerre policière » et la « guerre judiciaire » contre la drogue s'est focalisée sur les petits dealers, eux aussi majoritairement Noirs, en épargnant presque totalement les consommateurs blancs des « beaux quartiers », alors que la législation des années 70 criminalisait tout autant le deal que la consommation de drogues. Mohsen Abdelmoumen