A Hama, Homs, Deraa et Damas, en Syrie, les statues de Hafez et Bachar el-Assad, ces symboles d'un pouvoir oppressif qui a écrasé, asservi et massacré un peuple pendant des décennies, gisent à terre. Ce père et ce fils, qui ont transformé la Syrie en un champ de ruines et de douleur, ne dominent plus. Les images des statues déboulonnées résonnent comme des pages tournées dans l'histoire d'un peuple brisé mais jamais vaincu. Ces scènes sont historiques. Elles marquent la fin d'une ère de terreur et l'espoir d'un renouveau, dont les répercussions pourraient se faire sentir bien au-delà des frontières syriennes, jusqu'en Europe. Bachar, le « boucher de Damas », celui qui a allumé la mèche d'une guerre civile en 2011, a pris la fuite. Il laisse derrière lui un pays dévasté et un bilan inimaginable : plus de 306 000 civils tués, un taux glaçant de 1,5 % de la population totale. Douze millions de personnes déracinées, fuyant les bombes et la faim, errant dans leur propre pays ou en quête d'asile en Turquie, au Liban, en Allemagne. La Syrie n'était pas seulement le théâtre de cette tragédie. Elle a été le terreau du califat de Daech, groupe qui a exporté la terreur. Tout cela, avec la complicité implicite d'Assad, qui a su jouer de la peur et de la division pour préserver son pouvoir. Aujourd'hui, les rebelles ont triomphé. En une dizaine de jours, ils ont fait tomber un régime qui semblait indéboulonnable, porté à bout de bras par l'Iran, le Hezbollah, et la Russie de Poutine. Sans ces alliés, Assad serait tombé il y a dix ans. Mais sa chute, précipitée par l'affaiblissement de ses soutiens internationaux – en Ukraine, au Liban – marque-t-elle seulement la fin d'un règne ? Ou est-elle le signal d'un bouleversement plus vaste, annonçant une vague de changement dans toute la région ? Les groupes rebelles, notamment HTS, issus de la mouvance d'Al-Qaeda, dominent désormais. Leur leader, Al-Jalouni, tente de montrer une inflexion dans son idéologie, promettant le respect des civils. Mais l'avenir reste incertain. Qui prendra les rênes de ce pays martyrisé ? Assad sera-t-il jugé un jour par la justice internationale ? Rien n'est moins sûr. Pour l'heure, ce sont les visages des Syriens qui racontent l'histoire. Ces visages illuminés par un bonheur si rare qu'il semble irréel. Dans les rues des villes libérées et dans les camps de réfugiés, de Berlin à Istanbul, une seule image domine : celle d'un peuple qui, pour la première fois depuis des décennies, respire la liberté. Et cela, oui, cela n'a pas de prix. Dans les ruelles brisées d'Alep, le silence n'est jamais complet. Il est toujours ponctué par le sifflement lointain d'un missile ou par les pleurs d'un enfant qui cherche ses parents disparus. La Syrie, jadis un pays vibrant de culture et de vie, n'est plus qu'un champ de ruines, où l'espoir semble s'être évanoui sous les gravats. Les visages des Syriens racontent des histoires que les mots peinent à décrire : une mère qui serre contre elle son dernier enfant vivant, après avoir vu les autres emportés par une frappe aérienne. Un vieil homme qui titube parmi les débris, cherchant ce qu'il reste de sa maison, son regard perdu, vidé. Une petite fille aux cheveux emmêlés, les mains tremblantes, tendant une photo froissée de sa famille, maintenant réduite à des souvenirs. Ils sont des millions à fuir, portant sur leurs épaules des sacs légers mais dans leurs cœurs un poids que personne ne devrait supporter. Traversant des frontières hostiles, bravant des mers traîtresses, ils n'ont rien, sinon l'espoir ténu de retrouver un semblant de dignité ailleurs. Combien se sont noyés dans les eaux sombres de la Méditerranée, leurs noms à jamais inconnus ? Chaque jour, le monde regarde, souvent en silence, tandis que la Syrie s'efface lentement sous le poids de la guerre, des sanctions, et de l'indifférence. Mais derrière ces chiffres terrifiants se cachent des êtres humains, des enfants qui rêvaient d'école, des parents qui aspiraient à un avenir meilleur pour leurs petits, des jeunes qui, un jour, voulaient simplement vivre et aimer. La douleur du peuple syrien est une plaie ouverte sur la conscience du monde. Une souffrance si profonde qu'elle défie toute mesure, tout oubli. Et pourtant, malgré tout, on peut encore voir dans leurs regards une lumière fragile, celle d'un peuple qui, malgré tout, refuse de renoncer à l'humanité.