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En 1960, un guet-apens a coûté la vie à un groupe de harkis à Gammat, dans la région de Barbacha
Mémoire de la Guerre d'Algérie
Publié dans La Nouvelle République le 23 - 01 - 2025

Le récit qui va suivre est un témoignage évocateur, relaté d'une main de maître par l'écrivain et authentique moudjahid, Bekka Ouari, natif de Kendira dans la wilaya de Béjaïa. Il nous raconte ici, les péripéties d'une guerre pas comme les autres. Oui, une Révolution où des patriotes authentiques combattaient des supplétifs, issus pourtant des mêmes douars mais, vêtus eux, des treillis de la honte.
Le temps passe vite et même trop vite, qu'il nous balaie tel des débris encombrants, pour nous éloigner de ces espaces transformée, le temps d'une grandiose cérémonie en une immense aire où, la liesse chante la joie et l'envie de vivre sous les caresses d'une Algérie libre et prospère. Ce tableau mythique du 5 Juillet 1962 avait vu ce jour-là, un peuple noyé dans l'émotion, en proie à une vive exaltation, émaillée de chants révolutionnaires, de danses folkloriques et de youyous initiés par nos mères et sœurs, sorties ce jour-là de leurs terriers aux fins de savourer, sous le soleil d'un été printanier, les moments fastes d'une indépendance arrachée au prix de plusieurs milliers de martyrs. Oui au fait, cette date tant attendue par les rescapés de Bigeard, Massu et consorts avait en réalité, un goût pareil à un pamplemousse sanieux. Amer jusqu'au fond de l'amertume, au regard du nombre exaspérant de veuves horripilées et d'orphelins analphabètes, répertories au lendemain de cette guerre sans nom. Ceci bien entendu, sans compter le nombre de sans-abris, issus de villages en ruine, entièrement ravagés par l'aviation ennemie.
Une réalité historique à laquelle chacun de nous, devrait s'atteler afin de remettre la maison Algérie sur des rails. En dépit des années qui nous séparent de cette date phare, les blessures d'hier, (Souffrances morales et physiques), ont tendance à renaître de nouveau. Elles sont là à nous fixer des yeux, comme pour vouloir nous confier que les blessures d'hier demeurent à ce jour autant béantes que douloureuses. Ce sentimentque chacun d'entre nous pourrait en durer après lecture du témoignage de l'écrivain et authentique moudjahid Ouari Bekka, dans son livre « Parcours d'un maquisard de la wilaya III Zone I », suscite autant d'émotions quant à l'engagement patriotique et à la ténacité qui ont caractérisé nos moudjahidine le long de cette guerre d'usure. L'évocation des lieux (Villages et lieux-dits) ainsi que les nomsde Mousseblines d'un côté et des traitres et autres défaitistes qui activaient dans le camp adverseserait à mon sens, une preuve tangible, servant à illustrer les multiples prouesses guerrières de nos farouches combattants. Il faut dire que M. Bekka Ouarien, en sa qualité de moudjahid et d'auteur, avait si bien préparé sa pâte avant de la proposer à la dégustation.
En mettant à profit ses connaissances du terrain et sa détermination à ne reculer devant rien, M. Ouari a non seulement gagné la confiance d'une génération avide de connaître le passé authentique du pays mais surtout, pour avoir abordé majestueusementun sujetà la base très complexe. Parcourant donc cette œuvre d'histoire, un chapitre parmi tant d'autres, révélant l'exécution d'une manœuvre tactique militaire dressée par nos héroïques combattants, aura attiré mon attention. J'ai donc marqué une halte pour m'informer davantage sur les méthodes utilisés par nos guerriers pour réussir pareille manœuvre. En lisant ce premier paragraphe, j'ai croisé le nom d'un moudjahid, commerçant de son état, très connu pour son dévouement et ses actes de bienfaisance en direction de sa patrie. Il revenait de Béjaïa, à bord de son camion, chargé de marchandises. C'était, M. Sadji Amar, un homme connu pour ses actes magnanimes, aussi bien en direction des démunis que des maquis environnants. Sur ce même tronçon qui relie Béjaïa à Barbacha, un barrage de contrôle avait été mis en place par un groupe de Harkis en faction. Sur ce lieu même, il fut approché par l'un des éléments du groupe, assisté de l'officier de service. Après une courte discussion où on l'avait sommé d'aller décharger la marchandise et de revenir illico presto, déplacer le groupe de brutes vers Tizi-Oufella, un petit bourg situé à environ une dizaine de kilomètres de là. De crainte d'être exposé lui et sa famille à la vindicte des forces coloniales, M. Sadji n'avait d'autres choix que de s'exécuter tout en veillant à ne pas être la cause qui pourrait engendrer des pertes en vies humaines dans les rangs de nos valeureux combattants. Au retour du village, les brutes monteront à bord accompagnés d'un officier de la SAS et de son garde du corps, à bord d'une Jeep de service.
Un fois leur mission achevée, le convoi est de retour. Un retour très complique pour ces brutes qui ignoraient la couleur de la surprise qui les attendait. Chemin faisant et, à une courte distance du point d'arrivée, ils avaient été accueillis par une salve de feu nourris émanant des éléments du groupe de choc dirigé par Amar Ibelloutene, responsable du secteur de Gammat. Il faut souligner que bien avant l'entame de cet affrontement, un ordre avait été donné aux combattants, de veiller à ce que leurs tirs n'atteignentpas le chauffeur du camion qui n'était autre que M. Sadji, qui aurait pris le soin de les alerter au départ du convoi. Un guet-apens au demeurant très réussi ce jour là, puisque un nombre important de ces traîtres en compagnie de leur officier de service, avaient tous été tués. Les rescapés, parmi eux, avaient pris la fuite vers la forêt, abandonnant sur les lieux, armes et munitions. «En dépit des précautions prises par nos combattants, pour éviter toute mauvaise surprise, nos maquisards avaient pu ce jour là échapper à un carnage, tout fait. Hormis la grave blessure à l'abdomen dont fut victime le chauffeur du camion et qui faisait partie des nôtres, aucune perte en vie humaine n'avait été enregistrée. Devant la gravité de la blessure de M. Sadji, les Moudjahidine n'avaient d'autres choix que de faire signe à un citoyen de passage pour le transporter à dos de son baudet, vers l'infirmerie de Barbacha, puis transféré à Béjaïa où il s'en était sorti après quelques jours d'hospitalisation. Pour conclure, nous pouvons dire que la plupart des opérations réussies avaient de tous temps été l'œuvre des personnes étrangères aux bataillons, surveillés de près par les forces ennemies.
Au-delà du sacrifice de soi, ce rebelle de 27 ans, avait mis tous ses biens au service de son pays. Outre ces gestes de bienfaisance en direction des démunis, il ne lésinait sur aucun moyen pouvant être un équilibre de réussite aux grandes batailles que livraient sans cesse nos moudjahidine contre l'occupant français. A souligner que M. Sadji Amar, rappelé à Dieu en 1994, ne disposait jusque-là même pas de carte de reconnaissance de Moudjahid. Pourtant, plusieurs moudjahidines et frères de combats l'avaient sollicités à recouvrer ses droits consistant à bénéficier des avantages offerts à cette catégorie de citoyens, mais, principe oblige, il avait de tous temps décliné la demande tout en les remerciant au passage. Pour lui : « il ne s'est pas sacrifié pour l'abattage d'une meute de chacals. Il s'était rebellé contre un occupant ingrat qui voulait s'accaparer de la terre et de ses richesses. » Une logique que nous aurions aimé entendre chez bien d'autres.


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