Le bilan des inondations de Ghardaïa a été revu à la hausse confirmant, malheureusement, les prévisions données par les journalistes sur la foi de témoignages recueillis sur place : 43 morts et 86 blessés. Certes, dans la comptabilité macabre des victimes de l'imprudence et de l'imprévoyance, les accidents de la circulation sont plus meurtriers : en une semaine, du 1er au 7 octobre, 54 personnes ont trouvé la mort et 850 autres ont été blessées sur les routes en Algérie. Mais les catastrophes dues aux intempéries donnent sans doute une image plus impressionnante. A Ghardaïa, ce mercredi 30 septembre, jour de l'Aïd, le flux d'eau estimé à 900 m3/s, a été, en fait, plus important, atteignant 1 250 m3/s, une crue exceptionnelle, cinquantenaire, selon les experts. Les flots déversés par des oueds des wilayas limitrophes dans l'oued M'zab, ont atteint 8 mètres par endroits. En quelques minutes, le déferlement des eaux en furie a provoqué un torrent de boue qui a entraîné dans sa course folle des personnes qui ne pourront pas être secourues et perdront la vie, des véhicules, des troncs d'arbres, du bétail, des objets divers et autres matériaux. Les dégâts matériels occasionnés par ces inondations ont été estimés à 5 milliards de DA. A titre d'exemple, la presse a rapporté que le parc animalier, situé dans l'enceinte de la direction des forêts de Ghardaïa, a été emporté par le torrent de boue avec toute sa faune composée de gazelles, autruches, mouflons, faisans, les perdrix, cailles, paons, oies, pintades, poules chinoises, canards mais aussi sa flore constituée de plus d'un million de plants de diverses essences. S'il y avait eu les trois ouvrages envisagés de longue date, dans les années 90, pour réduire le débit d'eau en cas de crue, les dégâts auraient pu être insignifiants. Ce retard avait commencé à être comblé. En mai 2006, le ministre des Ressources en eau, M. Abdelmalek Sellal, s'était rendu en visite de travail dans la wilaya de Ghardaïa pour y inspecter ces projets, qualifiés d'importants, en cours de réalisation depuis 2004. La construction du barrage de Oued El Ma Labyadh a pu, heureusement, retenir 20 millions de m3 d'eau, et réduire le débit, donc les dégâts. Les deux autres barrages devaient être mis en construction avec, en plus, le renforcement de l'oued Mzab de part en part. Une enveloppe de 6,5 milliards de DA a été allouée pour la réalisation de ces trois barrages. Dans l'immédiat, l'heure est à la réparation des dégâts pour effacer les séquelles et relancer les activités dans les zones touchées. Une première enveloppe de 20 milliards de DA a été débloquée pour la reconstruction et pourrait être revue à la hausse selon les besoins exprimés par les différents secteurs. Promesse a été faite que l'ensemble des sinistrés seront relogés au plus tard le 31 décembre. C'est l'Etat qui prendra en charge, à travers le Fonds national des calamités naturelles et risques technologiques majeurs, les aides aux sinistrés non assurés et les aides complémentaires légales aux sinistrés assurés, y compris parmi les opérateurs économiques. Quelque 60 déclarations de sinistres ont été déposées auprès de la Caisse régionale de mutuelle agricole (CRMA) de Ghardaïa (50 dossiers de véhicules, 5 dossiers de cas de décimation de cheptel dans et 5 dossiers d'assurance sur les habitations et locaux). C'est un nombre dérisoire. A Ghardaïa, il y a environ 500 contrats d'assurances contre les risques de catastrophes naturelles (Catnat) alors que ce nombre devrait se situer au moins entre 15 000 et 20 000. En dépit de son caractère obligatoire, la Catnat enregistre un niveau de couverture faible, au niveau national, de l'ordre de 5 %. En parallèle, des mesures légales d'aide fiscale au profit de tous les opérateurs, y compris les commerçants et les artisans, ont été prises. Un conseil interministériel hebdomadaire est consacré au suivi de la situation et de la mise en œuvre des dispositions prises dans le cadre du statut de zones sinistrées accordé à huit communes de la wilaya de Ghardaïa. Un programme de protection et de réhabilitation des terres agricoles dans les zones inondables de Ghardaïa notamment la vallée du M'zab a été annoncé par le ministère de l'Agriculture et du Développement rural, pour préserver dans le futur les exploitations agricoles des risques d'inondation et de toute autre calamité naturelle. Il n'y a pas que Ghardaïa, plusieurs villes d'Algérie connaissent de façon cyclique des inondations dévastatrices. Des pertes humaines ont été enregistrées récemment dans les wilayas d'Aïn Defla, Djelfa, M'Sila et des dégâts matériels importants dans d'autres wilayas comme Béchar. Dans les années 50, des crues de cette ampleur se sont produites dans les mêmes régions, mais n'avaient pas fait de victimes, ce qui montre que les erreurs d'aménagement sur les berges et le long des oueds aggravées par l‘insuffisante protection contre les crues et l'érosion (pas de digues, pas d'entretien des habitations, déforestation) ne sont pas étrangères aux catastrophes. A Ghardaïa, les constructions illicites édifiées près des berges de l'oued M'zab, zone inondable, ont été emportées par les eaux. Le chef du gouvernement vient de rappeler qu'aucune construction n'est tolérée au niveau des lits et berges des oueds. L'heure est donc également à la prévention et à l'aménagement. Depuis la catastrophe de Bab El Oued, en novembre 2001, les inondations sont devenues un risque naturel de premier plan auquel il faut appliquer une politique de prévention pour éviter le pire. L'Etat vient de débloquer une enveloppe financière de 50 milliards de DA (c'est-à-dire plus de 600 millions d'euros au cours actuel) pour prévenir les villes des inondations liées aux changements climatiques. L'annonce en a été faite par le ministre des Ressources en eau. Ce programme touchera douze villes particulièrement menacées par les crues torrentielles. Sidi Bel-Abbès où, signale-t-on, Oued Mekerra, en dépit des ouvrages réalisés, continue de constituer une menace, figure sur la liste qui sera étendue aux grands centres urbains sujets aux perturbations climatiques et donc au risque d'inondations. La wilaya d'Alger poursuit son programme de prévention comprenant notamment l'étude d'aménagement de l'oued El-Harrach avec l'installation d'un système d'alerte, étude d'aménagement de l'embouchure de l'oued El-Hamiz et l'étude d'aménagement de l'oued Réghaïa ainsi que les études de protection contre les inondations de plusieurs communes avec la réalisation d'ouvrages de protection contre les risques d'inondation et l'aménagement des anciens oueds asséchés qui les traversent. Il y a urgence.
