Décidément, la condamnation des journalistes continue de plus belle dans la wilaya de Mascara, où tout article un brin critique peut se retourner contre son auteur ou ses auteurs pour des considérations politiques, personnelles ou religieuses. Une certaine mouvance islamiste qui s'est retrouvée frustrée par sa confortable avancée dans la cour des grands, a encouragé des énergumènes responsables, imams et autres marionnettes d'enclencher une certaine haine contre des confrères. C'est, donc, cette fonction critique du journalisme au niveau de la wilaya de Mascara, qui a conduit des responsables et autres potentats locaux qui fomentent le black-out ou la rétention de l'information, à brutaliser le champ médiatique, d'où la perversité de ce système flou. Les récents procès au niveau de la wilaya de Mascara ont démontré que la répression utilise d'autres moyens qu'aucun code ne peut changer. Si la peine de prison pour diffamation a été supprimée, elle a été «remplacée»par de fortes «amendes». Les journalistes et correspondants de la presse indépendante sont ainsi exposés à des plaintes se soldant pour la plupart, par des amendes tellement élevées ; ce qui a contraint des journaux fragiles de l'Ouest à lâcher leur correspondant. La liberté de la presse conquise s'est vite trouvée paradoxalement asservie et confrontée à de nouvelles menaces. Là où même des mesures favorables à la liberté d'expression sont formellement garanties, on dénote tout de même des violations flagrantes et répétées des entorses à son application. Si le syndicat et le pouvoir reconnaissent certaines avancées, pour les «journalistes de l'Algérie profonde», loin des rédactions centrales, vivant des conditions de pauvreté et de peur, où malheureusement, il n'y a pas de compromis à trouver sur la liberté d'expression. Ainsi, six confrères de la presse indépendante, et la liste reste ouverte, sont condamnés à des peines de prison très lourdes à l'exemple des chefs du bureau d'El-Watan, d'El-Khabar, d'Annahar El-Djadid, ainsi que les correspondants de Minbar El Qouraa, Ouest Tribune et Sawt-El-Gharb. Pour le chef du bureau d'El-Watan, Souag Abdelouahab, qui totalise deux affaires, dont l'une datant de 2006, où notre confrère a relaté les circonstances de l'interdiction de la célébration du Mawlid Ennabaoui par l'imam de la mosquée d'El-Hassanine, sise dans la commune de Mamounia, et distante d'environ de deux kilomètres du chef-lieu. En effet, l'imam, de tendance salafiste, sous le fallacieux prétexte que cet important événement qu'il a qualifié purement et simplement «d'hérésie», au su et au vu de tous le monde. L'irascible imam en question fera en sorte d'annuler cette fête religieuse sans que les responsables concernés ne bougent le petit doigt. L'imam, un intouchable, paraît-il, dans la foulée, dépose plainte contre l'auteur de l'article qu'il a jugé diffamatoire à son encontre, des faits relatés qui, pourtant, sont incontestablement «avérés». Aussi, il est important de souligner que l'imam récidiviste, a refusé de se conformer aux instructions de sa tutelle sur la «prière de l'absent», au sujet des deux diplomates algériens, enlevés et assassinés en Irak. En effet, selon les informations qui ont circulées à l'époque, l'imam a qualifié la mort des deux diplomates de légitime sur la terre du «djihad». Cette affaire, l'une des plus retentissantes, demeure toujours en instruction. La seconde affaire est la reprise d'un communiqué émanant de l'union générale des travailleurs algériens, section de l'hôpital de la daïra de Mohammadia, qui fait état de l'abondon du secteur, le tout enveloppé dans la gestion gabegique des biens publics, les décisions illégitimes, etc. En guise de réponse, ou plutôt d'excès de zèle, le directeur de la santé et de la Population de la wilaya de Mascara dépose plainte contre le chef du bureau d'El-Watan pour diffamation. Ce dispositif juridique malléable à outrance, qu'est la diffamation, se présente au niveau de la wilaya de Mascara comme une chape de plomb qui pèse sur la presse et condamne les journalistes, les moins dociles, les moins cotés en bourse des salons feutrés des responsables. Dans cette seconde affaire, le chef du bureau d'El-Watan, au cours de son passage devant la barre, le procureur près le tribunal du chef-lieu a requis une peine de six (06) mois de prison ferme et cinquante mille (50 000) dinars d'amende. Le verdict qui est tombé ce lundi 13, après une longue semaine d'attente, a finalement acquitté purement et simplement le chef du bureau d'El-Watan, Souag Abdelouahab. Pour le chef de bureau d'El-Khabar, Houari Mohamed et le correspondant, Bouamama Benaoumeur du quotidien arabophone édité a l'Ouest, en l'occurrence Minbar El-Qoraa, poursuivi pour «outrage à corps constitué», seront placés sous contrôle judiciaire. Le juge d'instruction de la première chambre, au cours de leur mise en examen, a abandonné finalement la première accusation pour la substituer en «diffamation». La genèse de l'affaire remonte à la première quinzaine du mois de mars, quand les deux confrères ont fait état d'une affaire de corruption de trottoir, où un policier exerçant dans la sûreté de daïra de Tighennif a, paraît-il, «croqué» une somme de mille dinars (1 000) à un particulier. Malgré un démenti paru dans les deux journaux, suite à une injonction du procureur général près le tribunal du chef-lieu. Au cours de l'audience, le chef de bureau d'El-Khabar, fut condamné à deux mois de prison avec sursis, assortis d'une amende de 25 000 dinars en plus d'une autre somme de 25 000 dinars (solidaire). Idem pour le correspondant de presse Minbar El Qoraa, qui fut condamné à verser la même somme d'argent et que son journal l'a abandonné à son triste sort. Quant à l'affaire du correspondant de presse Aïssa Bouazza, du quotidien arabophone Ennahar El Djadid, qui avait publié un article sur la création d'une association religieuse à tendance «chrétienne», qui a vu le jour dans la petite localité de Mamounia, distante de deux kilomètres du chef-lieu. L'irascible imam de la mosquée El-Hassaïne qui ne porte pas la presse dans son cœur, récidive au vu et au su de tous, par un prêche incendiaire contre l'auteur de l'article en particulier et la corporation en général. Avant ce énième dépôt de plainte de l'iman contre le correspondant d'Ennahar El Djadid, une quête d'argent a été organisée au niveau de la maison des jeunes de cette commune d'obédience Flniste, où des députés, élus, notables et autres pseudos de la société civile ont pris part pour se faire de l'argent facile et porter l'affaire devant la justice, en déposant plainte contre Aïssa Bouazza. Au cours du procès qui s'est déroulé au tribunal du chef-lieu, le ministère public a requis une amende conséquente contre notre confrère, en plus d'une autre somme dite de dommages et intérêt, soit unemodique somme de soixante mille dinars (60 000). Deux autres correspondants de presse, Soltani Mokhtar de l'Ouest Tribune et Djabar Abdelhak de Sawt El Gharb, ont été condamnés a une année de prison ferme, assortie d'une amende de dix (10) millions de centimes, en plus d'une autre somme de vingt (20) millions de centimes au titre de dommages et intérêt dans une affaire de diffamation et dont un industriel de la daïra de Sig a déposé plainte. Il convient, cependant, de souligner que même lorsque les règles déontologiques et professionnelles sont respectées, les quelques journalistes étiquetés injustement au niveau de la wilaya, sont et seront toujours confrontés au «dilemme» permanent dans lequel ils se trouvent, à savoir : entre la propre sécurité physique des journalistes sévèrement menacés et leur responsabilité sociale. Contacté, maître Dilem Youcef, avocat au Barreau d'Alger, avocat conseil du Syndicat national des journalistes (SNJ), n'est pas allé par trente-six chemins, en nous déclarant : «Ce qui se passe dans la wilaya de Mascara est renforcé par une aisance particulière en matière procédurale qui a contribué à favoriser l'enclenchement d'un nombre considérable de procès et peines dans le cadre d'une interminablesérie qui n'a pas de fin. Aussi, il est important de souligner que le délit de presse n'existe pas dans le code pénal, à moins que l'on veut à tout prix nous faire inculquer que cette profession rime avec délit, ce qui est complètement fallacieux. Pour cela, et dans l'état actuel de la succession des choses et au vu de la législation en vigueur, il va falloir choisir une conception intelligente, durable quant à l'accès et le rapprochement vers une sortie de la crise. Un dialogue interne au sein de la corporation s'impose, pour permettre de régir la profession d'une manière référentielle.» Devant ces condamnations répétitives, le Syndicat national des journalistes, bureau de la wilaya de Mascara, ne se fait guère d'illusion d'une relation presse-justice au beau fixe, et demande de mettre fin aux diverses condamnations qui sont symptomatiques du harcèlement judiciaire dont sont quotidiennement victimes les journalistes et autres correspondants.