Dans ce «Meilleur des mondes» (tout à fait différent de celui d'Aldous), la société est sans cesse admirable d'abnégation et de sollicitude. Les polices d'assurances sur la vie ou la mort assurent un matelas confortable en cas de coups durs. Les polices urbaines entravent amoureusement les suspects présumés avec des menottes garnies de mousse pour éviter d'abîmer leurs poignets si fragiles. Plus personne ne fume, les inconscients qui abusent encore de drogues dures ou douces se voient aussitôt amputés de leur bonus, ils paieront leurs soins médicaux au prix fort. Loin de nous ce cauchemar ! Toute personne est tenue de désigner son médecin traitant, son psy de service, et son mécanicien en chef. Les multiples radars routiers et les limitateurs de vitesse ont fait «chuter» les accidents dans les statistiques. Les chiens (les nôtres errent en toute liberté) de plus de 30 centimètres de haut sont sommés de porter muselière ou alors leurs crocs sont limés, de toute façon des dents pointues ne leurs sont d'aucune utilité pour manger de la pâtée en boîte certifiée par des diététiciens inféodés aux multinationales. Les prisons sont enfin en nombre suffisant pour que chaque détenu ait sa cellule individuelle, avec alarme incendie et caméra de surveillance haute résolution. Les personnes trop âgées, hydratées sous perfusion s'il le faut, meurent lentement et sûrement dans les draps propres de leurs chambres récurées tous les jours par des produits désinfectants, détartrants, détergents et autres agglutinants. Leurs corps et leurs cerveaux délabrés trouvent la paix éternelle dans un environnement exempt de toute vie microbienne non déclarée. Les handicapés moteurs ou cérébraux ont droit à un accès prioritaire aux fantastiques emplois tels que prospecteur téléphonique avancé, chercheur d'information commerciale sur internet, etc. Loin de nous ce cauchemar. Heureusement que ça se passe ailleurs.