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Un t?moin intelligent de son temps
Jean de La Bruy?re (1645-1696)
Publié dans La Nouvelle République le 29 - 11 - 2008

Jean de La Bruyère, issu d'une famille bourgeoise, est né à Paris au mois d'août 1645 et mort à Versailles en mai 1696. Il est resté célèbre pour son œuvre unique et magistrale, les Caractères ou les Mœurs de ce siècle, écrite vers la fin de sa vie (1688), chronique essentielle de l'esprit qui prévalait, surtout en France, au XVIIe siècle.
Le parcours de sa vie
Son père est Louis de La Bruyère, qui avait la charge de contrôleur général des rentes, et d'Elisabeth Hamonyn. Il reçut une bonne instruction, et, à vingt ans, obtint le grade de licencié de droits à l'Université d'Orléans et, à l'issue de ses études, s'inscrit au barreau de Paris mais ne pratiqua pas. En 1673, il acheta une charge de généralités à Caen, charge qui rapportait beaucoup à cette époque, et conférait l'anoblissement mais une fois les formalités remplies, il retourna à Paris et ne reparut plus dans la ville normande. Il vendit, finalement, sa charge en 1686. Avant cela, en août 1684, il était nommé parmi les précepteurs du jeune duc de Bourbon, rejeton d'une très célèbre famille de la noblesse française, celle des Condé. Cet emploi a été confié à La Bruyère sur la recommandation de l'écrivain Jacques Bossuet (1627-1704), ce qui prouvait qu'il avait beaucoup de mérites.
Ce jeune duc de Bourbon était âgé de seize ans, et il venait d'achever sa seconde année de philosophie chez les jésuites. C'est avec deux jésuites encore, et avec un mathématicien Sauveur (1653-1716), que La Bruyère partagea le soin d'achever l'éducation du jeune prince, auquel il était chargé d'enseigner, pour sa part, l'histoire, la géographie et les institutions politiques françaises.
Malgré cela, les progrès de son élève étaient lents car il était assez médiocre. Au mois de juillet 1685, ce dernier épousa une fille de Louis XIV que le roi avait eu de Mme de Montespan (1640-1707), la célèbre favorite à la cour de France. On demanda, alors, à La Bruyère de donner ses leçons aux deux jeunes époux, mais le prince de Condé étant mort, la fonction éducative du duc de Bourbon fut considérée comme terminée. La Bruyère resta, néanmoins, toute sa vie, dans la maison de la grande famille aristocratique en qualité de gentilhomme du jeune duc, ou «d'homme de lettres», comme on disait à l'époque en échange d'une pension conséquente.
Ces nouvelles fonctions assez vagues laissaient heureusement à La Bruyère le loisir de travailler selon ses goûts et sa fantaisie, et elles lui permettaient d'observer à son aise ces grands personnages et ces courtisans vivant des subsides royaux et sous la botte du monarque et dont il devait faire plus tard de si mordants portraits. Bien sûr, il eut certainement beaucoup à souffrir du caractère insupportable de ces «altesses» au milieu desquelles il vivait, et tant décriées par la plupart des penseurs de ce siècle. Saint-Simon (1675-1755), dans ses Mémoires, les a dépeints sous de sombres couleurs comme celui (un gentilhomme) à propos duquel il disait : «Fils dénaturé, cruel père, mari terrible, maître détestable…», Un autre noble de la famille qui hébergeait La Bruyère, (les Condé), qui n'était autre que son élève même était dépeint ainsi : «Sa férocité était extrême et se montrait en tout. C'était une meule toujours en l'air, qui faisait fuir devant elle, et dont ses amis n'étaient jamais en sûreté, tantôt par des insultes extrêmes, tantôt par des plaisanteries cruelles en face, et des chansons qu'il savait faire sur-le-champ, qui emportaient la pièce et qui ne s'effaçaient jamais… Il se sentait le fléau de son plus intime domestique…». La Bruyère, qui était sociable et qui devait montrer le désir de plaire, souffrait énormément de la contrainte imposée dans cet environnement dans la tentative de défendre sa dignité. Il devait, ainsi, éviter les persécutions des membres de la classe aristocratique auxquelles étaient en butte les gens d'esprit.
Une œuvre magistrale
Au mois de mars 1688, La Bruyère publia, à Paris, la première édition des Caractères sous le titre sciemment choisi – pour éviter les ennuis – de : les Caractères de Théophraste, traduits du grec, avec les Caractères ou les mœurs de ce siècle. Le nom de l'auteur ne figurait sur aucune édition publiée de son vivant
Malgré que cette première édition contenait surtout des observations et très peu de portraits de personnages, le succès fut tout de suite colossal. Deux autres éditions parurent au cours de la même année, sans que La Bruyère n'eût le temps de les augmenter de façon notable. Par contre, les éditions des années suivantes. (1689, 1690,1692, 1693) – neuf en tout sur huit ans — reçurent des centaines de caractères. Le produit de la vente de son ouvrage n'enrichit point La Bruyère, qui, d'avance, en avait destiné – fait inédit — le produit à doter la fille de son éditeur, fortune qui était considérable selon certains chroniqueurs. Quoi qu'il en soit, ce sont 1 200 portraits s'étalant sur 16 chapitres qui sont consignés dans les Caractères qui conservent une valeur intemporelle indéniable On y trouve des tableaux des êtres humains, des maximes, des critiques à peine déguisées, des observations, toutes des remarques de la part d'un esprit sagace, critique et indépendant. Cela est dû à la longue fréquentation de La Bruyère, observateur amer mais génial, des hommes de son temps et surtout de la noblesse française qui ont donné matière à la rédaction de cette œuvre mémorable. Il y dénonçait les abus, l'esprit des arrivistes et des parvenus, les vices, les travers et les comportements de ses contemporains y compris le roi et les gens de la religion malgré qu'il soit un catholique convaincu, un royaliste modéré et un conservateur au plan social. Cela ne l'empêchait pas de dénoncer aussi les comportements des courtisans, leurs manies, l'hypocrisie, ainsi que la fausse dévotion des hommes tout en les tournant en dérision de façon constante. Dès le début de son ouvrage, La Bruyère avait pris soin d'avertir ses lecteurs que son œuvre a pour buts d'éduquer, d'instruire et de former ses contemporains par la satire et à corriger les mœurs par le rire. Fort de ce succès littéraire incontestable, La Bruyère se présenta à l'Académie française, en 1691, mais il ne fut pas reçu. Cela ne le découragea point car il se représenta deux ans plus tard, et il fut élu, en mai 1693. Le discours de réception -- le meilleur jamais lu par les récipiendaires -- qu'il prononça souleva des orages et il fut violemment attaqué dans certaines feuilles de presse comme le Mercure Galant, qu'il avait lui-même décrit auparavant «immédiatement au-dessous de rien», selon ses paroles surtout que son discours, faisait l'éloge des chefs du parti des Anciens écrivains et penseurs, comme Bossuet (1627-1704), Boileau (1636-1711), La Fontaine (1621-1695), et Racine (1639-1699). La Bruyère répliqua aux attaques du Mercure à sa façon, c'est-à-dire en incluant dans la préface de son discours un passage acerbe, et en publiant dans l'édition suivante de son livre le caractère d'un personnage, Cydias, qui peignait, justement, l'un de ses adversaires et que tout le monde reconnut rapidement et instantanément.
Au crépuscule de son existence
Les dernières années de la vie de La Bruyère furent consacrées à la préparation d'un nouvel ouvrage resté malheureusement inachevé et qui a été publié après sa mort, en 1699 avec des rajouts de celui qui s'était chargé de sa publication. Cet écrivain du courant classique et moralisateur mourut, en dépit de tout, pauvre et célibataire, à Versailles, le 11 mai 1696, d'une attaque d'apoplexie. Le grand penseur Bossuet qui l'estimait beaucoup disait de lui qu'il«était (d'ailleurs) un fort honnête homme, de très bonne compagnie, simple, sans rien de pédant, et fort désintéressé. Je l'avais assez connu pour le regretter, et les ouvrages que son âge et sa santé pouvaient faire espérer de lui.».
En conclusion...
La Bruyère était l'un des premiers écrivains à mettre en avant le «style» littéraire, incisif, âpre et concis. Ce style appliqué incite à la lecture à haute voix, donnant ainsi à cette activité le statut de jugement moral par l'effet rhétorique obtenu via la lecture orale sur les auditeurs - La Bruyère avait consacré au demeurant toute une section des Caractères aux effets souvent pervers de l'éloquence.démesurée. Nombre d'écrivains, plus tard, ont imité son style comme Marivaux (1688-1763), Balzac (1799-1850) etc. La Bruyère a critiqué les abus des hommes, mais respecté les institutions de son temps. Il reconnaît, d'ailleurs, que certains maux sont inévitables. Il avait, en plus, trop l'amour pour son art . Il est resté constamment celui de la plus mordante satire. Il y avait en lui un mélange singulier d'orgueil et de timidité, d'ambition secrète et de mépris pour les ambitieux, de dédain des honneurs et de conscience qu'il en était digne. Il ressentait, par ailleurs, profondément l'inégalité de son mérite et de sa fortune. Son grand grief contre la société française du XVIIe siècle -- société inégalitaire car société de classes (la noblesse et le clergé parmi les privilégiés, le Tiers état miséreux) -- est précisément de ne pas consacrer de place au mérite personnel. «Domestique» de ces Condé, orgueilleux et au caractère détestable, il eut plus qu'un autre à se plaindre de la morgue des grands et de leur injustice à l'égard d'hommes «qui les égalent par le cœur et par l'esprit et qui les passent quelquefois». Doué d'une sensibilité profonde et de beaucoup de délicatesse attestée par certaines de ses réflexions -- à travers son oeuvre les Caractères -- sur l'amour et sur l'amitié, il n'est pas étonnant s'il a fini, par conséquent, par concevoir quelque amertume contre l'injustice du sort et qu'il laissa entrevoir, à sa façon, dans son formidable livre.


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