Le Sahara africain, par sa surface immense (plus de six millions de km2), est le plus vaste désert du monde. Malgré sa nature hostile, son climat aride et l'absence presque totale de pluviométrie – et donc de ressources hydriques – il n'a jamais constitué une entrave aux mouvements de populations ni d'obstacles entre ses différentes parties. De nombreuses villes-oasis le jalonnent et sont disséminées dans les points d'eau qui jalonnent sa vastitude immense. Beaucoup de ces dernières avaient joué un rôle certain à travers les périodes historiques dans tous les domaines de la civilisation avant de péricliter par la suite. Parmi ces agglomérations sahariennes, Aoudaghost occupe une place à part et son nom est intimement lié à la grande épopée des échanges en tous genres qu'a connus cette grande contrée durant les IXe et XIIIe siècles. Un grand centre caravanier du Sahara méridional Au sud-est de la Mauritanie actuelle, dans la région appelée le Hodh et au débouché d'un massif montagneux gréseux comme il y en a tant dans ces immensité désertiques, existe un site historique, celui de Tegdaoust, pratiquement identifié comme étant celui de la grande cité caravanière, Aoudaghost. Elle est également connue sous les noms d'Awdaghast, de Taghaost, de Taghaoust… Cette cité saharienne aurait été fondée au Ve siècle par les Berbères sanhadjas de la grande tribu des Lamtouna, ancêtres des Touareg, ces seigneurs du désert qui avaient réussi à adopter leur vie aux dures conditions du Sahara. De petite oasis perdue au milieu d'une nature hostile, Aoudaghost ne tarda pas avec le temps à devenir le plus grand centre caravanier du Sahara méridional durant plus de deux siècles. Elle se développa très vite et se transforma en point de départ et d'arrivée des caravanes transsahariennes qui reliaient le Maghreb au pays du Soudan comme on appelait – à cette époque – la région africaine située au sud du Sahara. Aoudaghost comptait sans doute entre 5 000 et 6 000 habitants. C'était une belle ville construite en pierre. Des puits fournissaient de l'eau en abondance et, aux environs, s'étendaient des cultures de céréales, de légumes, d'arbres fruitiers et même des vignobles. La ville abritait de très nombreux artisans et constituait la plaque tournante du commerce entre les nomades sahariens et les sédentaires de l'empire du Ghana. Au IXe siècle, Aoudaghost faisait figure de grande capitale grâce à l'importance du commerce transsaharien, favorisé par la sécurité que font régner les principaux chefs sanhadjas. Très tôt, ce trafic caravanier était dominé par les Lamtouna appartenant au groupe de cette confédération tribale. Eleveurs nomades, habiles commerçants, excellents guerriers islamisés par l'arrivée des conquérants musulmans, les Lamtounas, par leur connaissance du milieu géographique où ils vivaient, dominaient la région sans rivaux et de façon incontestable et incontestée. Ville de contact entre l'Afrique blanche et l'Afrique noire, ville métisse, Aoudaghost était passée au Xe siècle sous le contrôle de l'empire du Ghana. En 1054, les Almoravides s'emparent de la ville qui prospéra quelques temps avant de perdre son rôle commercial de façon sensible jusqu'au XIVe siècle. Aoudaghost aurait été visitée au Xe siècle, notamment, par le voyageur et géographe arabe Ibn Haoukal qui ne cacha pas son admiration pour cette grande cité saharienne. Description d'Aoudaghost par El-Bekri (1068) Au sujet de cette ville, un autre géographe et explorateur musulman El-Bekri avait écrit : «On atteint, au bout d'une journée, une montagne élevée qui domine Aoudaghost... Cette ville, située dans une plaine sablonneuse, est grande et peuplée; elle est dominée par une vaste montagne pelée et stérile. La ville renferme une mosquée centrale et d'autres mosquées ; à chacune sont attachés des docteurs chargés d'enseigner le Coran. Tout autour des murs sont des jardins de palmiers. Les terres à blé sont cultivées à la bêche et arrosées avec des seaux en cuir... Les concombres y réussissent très bien. Il y a des petits figuiers et quelques pieds de vigne. Les jardins de henné sont d'un bon rapport. Partout, on voit des puits d'eau douce. Les bœufs et les moutons sont si nombreux qu'on peut acheter dix béliers pour une pièce d'or ; le miel, en abondance vient du pays des Noirs. Les habitants sont très à l'aise et fort riches. Le marché est toujours plein de monde. La foule est belle, et les voix si bruyantes, qu'on n'entend pas ce que dit son voisin. C'est la poudre d'or qui sert de monnaie: l'argent est inconnu. La ville a de belles maisons mais les gens ont toujours le teint jaune, à cause de la fièvre et du paludisme. Comme au Magheb, les maisons sont fermées sur l'extérieur, avec souvent trois pièces principales, dont une grande pièce avec pilier central, et deux autres, plus prtites de part et d'au Malgré la distance on importe le blé, les dattes et les raisins secs des pays musulmans... » Les habitants d'Aoudaghost La population d'Aoudaghost se composait, selon El-Bekri, de gens de «l'Ifriqiyya, de Barqa, du djebel Nefoussa, des Lewatas, de Zenètes et des gens de Nefzaoua, avec quelques émigrés d'autres régions. On y trouve des femmes noires qui sont d'excellentes cuisinières et qu'on vend, chacune, pour au moins cent pièces d'or.» Ville métisse, la population d'Aoudaghost regroupait des Berbères maghrebins et tripolitains islamisés. Ces Berbères constituaient la classe dirigeante de la ville. La population noire était très nombreuse également. D'après El Bekri, «un seul particulier avait à son service un millier de domestiques et même plus».