Le sol algérien aura subi les avaries de la nature mais aussi, hélas, de l'homme. Défi à la mesure des grandes ambitions du président Houari Boumediene, la réalisation du «barrage vert», lancée en 1969, aura imprégné et façonné toute une génération. Le projet était, en effet, à la fois exaltant et exalté. Sur 3 millions d'hectares menacés par une lente mais inexorable désertification, il fallait implanter une barrière d'arbres, longue de 1200 km et large de 20 km qui devait servir de bouclier naturel à l'Algérie du Nord. Le Sahara, qui est, on le sait, le plus vaste et le plus aride des déserts du monde, recèle nos plus grandes richesses, le pétrole et le gaz, mais constitue 84% de notre territoire. Non seulement, il menace plus de 32 millions d'hectares de zones steppiques, dont la végétation a constamment périclité, au cours des dernières décennies, mais il fait peser sur le devenir de la population une menace des plus inquiétantes si rien n'est entrepris pour freiner la progression de l'érosion. Car le projet du barrage vert, s'il fut une réalité pleine de promesses jusqu'au début des années 80 et s'il n'a, à ce jour, jamais été abandonné de manière officielle, n'en est pas moins occulté par les dirigeants du pays, depuis une vingtaine d'années. C'est que le temps n'est plus aux projets pharaoniques pour lesquels l'armée mobilisait plus de 20.000 jeunes dans le cadre du Service national. Tel fut le cas du «barrage vert», porté par l'enthousiasme de la Révolution agraire, et tel fut aussi le cas d'autres projets à l'heure de la planification socialiste triomphante. Sitôt refermée la parenthèse des années du terrorisme, qui ont eu un impact dont on n'a pas encore situé la gravité quant au préjudice causé à la faune et à la flore nationales, l'administration en charge des forêts a repris ses activités et tente de relancer le chantier du reboisement, malgré de nombreux aléas dont les incendies enregistrés chaque été ne sont pas les moindres. Le tableau est, pourquoi le nier, on ne peut plus préoccupant. Au Sahara même, les périls sont d'ordre multiple et ont trait à l'ensablement de nombreuses localités, voire des infrastructures, à la remontée des eaux salines ou usées, selon les endroits, qui entraînent un dépérissement accéléré des palmeraies, à un tarissement des ressources hydriques, même si les responsables du ministère en charge du secteur veulent être optimistes et annoncent des réserves non renouvelables de quelque 40 milliards de mètres cubes. Le sol algérien aura subi, au sud comme au nord, les avaries de la nature (climat, désertification, etc.) mais aussi, hélas, de l'homme qui a saccagé de nombreuses parcelles arables. Des zones comme la Mitidja ou la plaine de la Seybouse (Annaba), pour ne citer que celles-ci, ayant jadis figure de paradis agricole, sont désormais ravagées par le béton et les industries polluantes, réalisées au mépris des enjeux primordiaux de l'environnement et de la sauvegarde des sites. On chiffre le dommage irrémédiable à un demi million d'hectares de terres agricoles définitivement perdues du fait de la salinisation. Ce à quoi il convient d'ajouter les 200.000 hectares engloutis par une urbanisation anarchique et sauvage. L'Algérie est mandatée par l'ONU pour drainer l'ambition de la lutte contre l'avancée des déserts, eu égard à sa situation et à son action. Elle a été désignée par l'organisation internationale comme capitale de l'Année des déserts et de la désertification et elle abrite, en ce 17 juin, la Journée mondiale relative à ce défi. C'est que le défi n'a jamais cessé d'être crucial pour notre pays qui s'est engagé dans un effort, certes, méritoire, de construction de barrages et d'unités de dessalement et qui a même ressorti des oubliettes le chantier «prioritaire» du barrage vert dont on espère qu'il sera achevé en 2020. Reste que le vrai défi demeure entier, qui a trait à une stratégie nationale à long terme d'aménagement du territoire, une feuille de route qui fait cruellement défaut à la politique gouvernementale de l'environnement.