La veille au soir, alors que 200 fidèles étaient rassemblés dans ce lieu de prière, quelque 80 personnes y auraient fait irruption. «Elles ont forcé le passage et se sont emparées du micro, après une bousculade. Elles ont, alors, adressé des menaces et des anathèmes à l'adresse de l'imam, le traitant de «mécréant», «d'apostat», et affirmant : «on va liquider son cas, à cet imam des juifs» (allusion au responsable de la mosquée, Hassan Chalghoumi)», a rapporté un conseiller de la conférence des imams. La mosquée, un bâtiment simple, de couleur orange, est situé au fond du parking du centre commercial Drancy Avenir. Il y a deux entrées, celle, à droite, des femmes, et celle, à gauche, des hommes. Le blanc, pétant, des murs et du carrelage offre un contraste avec le temps gris. Quelques hommes se tiennent debout, à l'une des entrées, probablement pour éviter l'afflux des nombreux journalistes. Une dizaine de femmes prennent des cours de langue arabe dans une salle prévue à cet effet. En montant les escaliers donnant accès la salle de prière des femmes, je tombe sur l'imam Chalghoumi. Je le salue, et tente de le retenir pour lui poser des questions : «écoutez, je ne peux pas vous parler», me dit-il, d'une voix à peine perceptible. Cet homme, silhouette élancée, pas loin de mesurer 1m90, semble un peu paniqué.Hassan Chalghoumi s'est prononcé en faveur d'une loi interdisant le port du voile intégral. Il est, en outre, fortement engagé dans le dialogue des religions, en particulier avec la communauté juive et le rabbin Michel Serfaty. Il avait reçu, dans sa mosquée, le président du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives), Richard Prasquier, organisation honnie par une partie des musulmans depuis la guerre de Gaza, il y a un an. L'imam a l'intention de porter plainte, après le coup de force de lundi : «Ils souhaitent ma mort, quelqu'un veut me liquider», a-t-il déclaré, mardi, sur Radio Orient. Un membre de l'association de la mosquée me tient ces propos : «je veux que ce qui s'est passé hier (lundi) se sache». Selon cet homme, d'une quarantaine d'années, qui a souhaité garder l'anonymat, d'autres membres de l'association, eux, préfèrent que l'affaire ne s'ébruite pas. Une jeune fille, d'origine égyptienne, se met à parler avec lui. Elle lui dit, de façon à ce que j'entende : «Il ne s'est rien passé hier (lundi), j'étais là jusqu'à 20 heures et je n'ai rien vu». Elle poursuit en arabe, pensant que je ne comprendrai pas. L'homme me traduit une petite partie de ce qu'elle vient de lui dire : «ça doit rester entre musulmans». L'imam Chalg houmi réapparaît, remontant, accompagné du gardien de la mosquée. J'essaie d'obtenir deux mots de ce dernier. Mais il se tait. Lui aussi semble avoir peur. Ce n'est pas la première fois qu'on s'en prend à Hassan Chalghoumi. En 2006, son domicile a été saccagé, après son appel aux musulmans du monde entier à respecter la mémoire juive, au mémorial de Drancy. En janvier 2009, pendant l'opération militaire d'Israël à Gaza, sa voiture a été vandalisée. Hassan Chalghoumi finit par se confier un peu : «je ne suis pas contre la burqua, me dit-il. Simplement, je ne pense pas que les femmes qui portent le voile intégral peuvent vivre une vie sereine ici, en France. Il y a tellement de vrais problèmes, et on s'intéresse à un bout de tissu. Pour moi, la vie (en France) n'est pas adaptée à une femme portant la burqua». Hassan Chalgoumi, les yeux cernés, paraissait fatigué. Ses nuits doivent être courtes.