Impotente sur une chaise roulante, l'air jovial, elle commence son récit : «Ici, dans cette maison, tous les membres de la famille avaient épousé l'esprit nationaliste et nous avons pour guide, notre frère aîné, qui, animé d'une foi inébranlable, nous prodiguait conseils et prudence pour lutter contre l'ennemi. En rejoignant l'ALN dans les monts du Zaccar, au début de l'année 1955, nous avons pris le relais et à partir de cette date, notre maison est devenue un refuge et un lieu de réunion des djounoud. Des figures bien connues y ont séjourné, comme les officiers El Ouahrani, Hamdane Batel, chef de katiba, Omar Ramdane, Mustapha Ferroukhi, Si Tadjeddine, chef de commando, Slimane El Ghoul. Je servais d'agent de liaison pour la fourniture d'effets vestimentaires et de médicaments. Beaucoup de jeunes filles ont séjourné dans ce merkez avant de rejoindre les maquis, dont les sœurs Farouzi, Atika Mazari, les sœurs Belecheheb. Notre famille avait une autre maison à Sidi Sbaâ, dans la région de Zougala, qui servait de PC à l'ALN. Toutes les opérations ont été préparées dans ce refuge, comme l'attaque des colons à Khemis Miliana, la fusillade d'un bar fréquenté par des parachutistes à Miliana, l'embuscade de Aïn Sultan avec la mort de huit colons. Le 3 juin 1960, j'ai participé à une opération de commando qui fut une réussite, j'ai suivi un fidai et en arrivant au grand marché de Souffay, je lui ai remis un pistolet qui a servi à neutraliser un indicateur qui avait fait beaucoup de mal à la population. Dénoncée par un traître, j'étais arrêtée le 15 septembre 1960 et après 14 jours de tortures inimaginables, je fus transférée à la prison de Chelef et libérée le 15 mars 1962. Je n'oublierai jamais ces jeunes garçons et filles qui, à l'appel du devoir, ont rejoint les rangs de l'ALN et sont tombés au champ d'honneur pour la libération du pays. Les jeunes d'aujourd'hui devront prendre l'exemple pour défendre la mémoire de nos chouhada et bâtir une Algérie belle et prospère.» Voilà l'histoire de El Hadja Baya, militante, torturée et emprisonnée avec le numéro d'écrou 2369.