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De complément utile à rivale risquée de la médecine moderne
La phytothérapie
Publié dans La Nouvelle République le 01 - 04 - 2010

Elles sont de plus en plus nombreuses les boutiques qui se spécialisent dans la vente de plantes médicinales, ce qui n'a rien de bien original sauf que, lentement mais sûrement, la simple opération de vente des produits cède la place à des «consultations» et pratiques proches, à s'y méprendre, de l'acte médical en vigueur chez les médecins ou en milieu hospitalier.
Pourtant, avertissent des agents de la puissance publique, si l'activité de vente d'herbes médicinales relève de la pratique commerciale normale, la transformation de ces commerces en cliniques médicales est «illégale».
Pour M. Boukehnoune Abdelhamid, le directeur général de contrôle économique et de la répression des fraudes au ministère du Commerce, la vente d'herbes médicinales est, juridiquement, «une activité commerciale normale qui relève du code d'activité, et n'est soumise à aucune licence, mais la pratique du traitement et de la conversion de ces magasins en cliniques médicales n'est pas autorisée légalement».
Des chiffres recueillis par l'APS auprès du Centre national du registre de commerce, montrent qu'à fin 2009, l'Algérie comptait 1 926 vendeurs spécialisés dans la vente d'herbes médicinales, dont 1 393 sédentaires et 533 ambulants. La capitale en abritait, à elle seule, le plus grand nombre avec 199 magasins, suivie de la wilaya de Sétif (107), de Béchar (100) et d'El-Oued avec 60 magasins.
La phytothérapie complète le médicament mais ne le remplace pas
Ces dernières années, de plus en plus de personnes fréquentent les magasins de vente des herbes naturelles et médicinales, dans l'espoir d'une guérison par la grâce de la nature surtout si la médecine moderne s'est montrée, pour de multiples raisons, impuissante à guérir le mal dont elles souffrent.
Mais le plus inquiétant, selon les médecins, est que certains patients préfèrent s'adresser directement à ces commerces au premier malaise sans en référer à un spécialiste ni même effectuer les analyses biologiques nécessaires pour déterminer le type de maladie qui les affecte. Le Dr Ahmed Abou bakr, cardiologue, admet que la médecine naturelle ou médecine alternative comprend un large éventail de branches, y compris la phytothérapie, qu'elle est une pratique ancienne et qu'elle est considérée comme partie intégrante de la médecine moderne, mais avertit qu'elle ne doit surtout pas s'y substituer.
D'autres spécialistes mettent en garde aussi contre le fait que la plupart des plantes vendues ne sont pas soumises à des contrôles de qualité, d'autant que certaines d'entre elles peuvent être dangereuses à la consommation et souvent avec effet retardé.
Le Dr Mohamed Bekat Berkani, président de conseil de l'Ordre des médecins algériens, confirme et signale que les herbes médicinales «peuvent être efficaces mais dans certains cas seulement», tels un léger rhum ou une fièvre passagère.
Il ajoute que certaines de ces plantes, même si elles sont d'extraction naturelle, peuvent représenter un réel danger pour le patient car pouvant contenir des composants toxiques inconnus et par le vendeur et par le patient.
Par naïveté, par ignorance ou par calcul commercial, des vendeurs d'herbes médicinales rencontrés par l'APS affirment, eux par contre, avoir aidé à «guérir» certains patients de leurs maladies classées incurables, y compris des maladies mentales ou neurologiques.
Des médecins spécialistes s'adonneraient aussi à cette activité
A l'arrivée dans un magasin d'herbes médicinales situé à Alger-centre, l'attention du visiteur est vite attirée par le grand nombre de citoyens qui attendent leur tour, la main refermée sur le précieux bout de papier contenant le numéro d'ordre de passage.
La «salle d'attente» ressemble à tous points vues à une salle d'attente médicale, sauf que celle-ci étale sur des étagères toute une panoplie d'herbes médicinales enfermées dans de grosses boîtes en verre, chacune affichant sur un côté le type de maladie que la substance est censée soigner.
Le jeune préposé à l'organisation dans la salle d'attente et, dans le même temps, à la vente des herbes dans le boutique mitoyenne se fera un plaisir d'annoncer à qui voudrait le savoir que le médecin de service, ce jour-là, est un spécialiste des maladies neurologiques dans l'un des plus grands hôpitaux de la capitale.
Ce dernier, payé par le vendeur de plantes, effectue des tests de dépistage gratuits pour chaque client et lui explique l'utilité de certaines herbes pour pouvoir soigner sa maladie.
D'autres médecins spécialistes pratiquent la phytothérapie dans ce même magasin, à raison d'un par jour sur toute la semaine, chacun selon sa spécialité.
Pourtant, à en croire le président de l'Ordre des médecins, cette pratique, qui transforme ces commerces en centres de soins, n'est pas autorisée.
Certains magasins vendant des herbes médicinales sont gérés par des personnes ayant une formation dans le domaine, généralement effectuée à l'étranger C'est le cas de Hayat et de son père qui dirigent un magasin d'herbes médicinales, d'huiles et de miel.
Ils proposent des préparations spéciales à partir d'herbes naturelles, étant donné, expliquent-ils, que certains «patients» répondent au traitement par une seule recette, tandis que d'autres doivent subir de nombreuses recettes à la fois en raison de l'irréductibilité des symptômes qu'ils présentent.
A l'inverse, d'autres magasins sont gérés par des personnes totalement étrangères à la profession, ne possédant aucune qualification ou formation qui les autoriserait à l'exercer, ce qui ne les empêche pas de vendre des plantes médicinales et, surtout, de procéder à des mélanges hasardeux à partir de ces plantes, à l'image des «guérisseurs» que l'on rencontre dans les marchés populaires, avertissent des médecins.
«Ces pratiques aveugles dominent, malheureusement, la profession dans de nombreux cas, beaucoup de vendeurs exploitant l'ignorance des citoyens des dangers que ces produits peuvent avoir sur leur santé», déplore l'un d'eux.
Pour un client, Akli, qui appelle en renfort la tradition des ancêtres, qui auraient vécu «en bonne santé» sans l'apport de la science, «il est impossible qu'une herbe naturelle fasse du mal à un être humain et si elle ne le guérit pas elle ne saurait aggraver son cas non plus, comme dit l'adage populaire».
Il met en avant aussi l'argument du coût avantageux de ce traitement en comparaison de celui des produits pharmaceutiques, «inaccessibles» pour les non-assurés sociaux.
De son côté, Nacira se réjouit d'être une «cliente fidèle» de ce genre de magasins, même si elle ne tourne pas complètement le dos à la science puisqu'elle prend le soin d'effectuer des examens biologiques sanguins dans les laboratoires spécialisés et soumet les résultats au médecin exerçant dans le magasins de plantes médicinales, lequel à son tour lui «prescrit» les plantes qu'il faut.
«Perte de confiance» dans les structures de santé publique ?
Le Dr Bekat Berkani pense, lui, que la fréquentation croissante de ce genre de magasins traduit une sorte de «perte de confiance» dans les structures de santé publique pour plusieurs raisons, notamment à cause des retards dans l'obtention de rendez-vous, alors que la cherté des médicaments est un autre motif de désaffection.
C'est que parallèlement au retour à l'utilisation des herbes médicinales, on assiste à l'émergence d'autres pratiques telle que «el-hidjama» (l'éradication des maladies!), une sorte de chirurgie légère visant à «purifier le sang» à travers de petites entailles dans la peau, et qui semble attirer de nombreux patients.
Les avis divergent parmi les citoyens sur ces pratiques, surtout que certains vendeurs d'herbes les pratiquent dans des conditions d'hygiène douteuses, y compris dans leurs propres les maisons.
Le président du conseil de l'Ordre des médecins affirme, lui, qu'«el- hidjama est «scientifiquement inutile», et exhorte les patients à s'adresser plus simplement aux médecins pour le traitement de toute maladie sévère et d'abandonner toutes les «pratiques louches», n'ayant en tout cas aucun lien avec la médecine.


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