Pratiquée parallèlement à la médecine moderne, la médecine alternative, toutes branches confondues, tend à prendre du terrain, en s'imposant comme un concurrent acharné de la médecine moderne. De l'orthothérapie à la phytothérapie en passant par "El hidjama", la médecine alternative séduit de plus en plus d'Algériens. Les chiffres du Centre national du registre de commerce montrent qu'à la fin de 2009, l'Algérie comptait 1 926 vendeurs spécialisés dans la vente d'herbes médicinales, dont 1 393 sédentaires et 533 ambulants. La capitale en abritant, à elle seule, le plus grand nombre avec 199 magasins, suivie de la wilaya de Sétif (107), Béchar (100) et El Oued avec 60 magasins. Cela témoigne de la place qu'occupe désormais la phytothérapie dans le paysage sanitaire national. Selon une enquête réalisée par l'APS, les boutiques qui se spécialisent dans la vente de plantes médicinales, sont de plus en plus nombreuses. La simple opération de vente des produits cède la place à des "consultations" et pratiques proches, à s'y méprendre, de l'acte médical en vigueur chez les médecins ou en milieu hospitalier. Pourtant, si l'activité de vente d'herbes médicinales relève de la pratique commerciale normale, la transformation de ces commerces en cliniques médicales est "illégale", avertissent des agents de la puissance publique. Pour M. Boukehnoune Abdelhamid, directeur général du contrôle économique et de la répression des fraudes au ministère du Commerce, la vente d'herbes médicinales est, juridiquement, "une activité commerciale normale qui relève du code d'activité, et n'est soumise à aucune licence, mais la pratique du traitement et de la conversion de ces magasins en cliniques médicales n'est pas autorisée légalement". Cependant, la plupart des médecins considèrent que la médecine alternative comme partie intégrante de la médecine moderne, sans s'y substituer. D'autres spécialistes mettent en garde aussi contre le fait que la plupart des plantes vendues ne sont pas soumises à des contrôles de qualité, d'autant que certaines d'entre elles peuvent être dangereuses à la consommation et souvent avec effet retardé. Le plus inquiétant encore, selon les médecins, est que certains patients préfèrent s'adresser directement à ces commerces au premier malaise sans en référer à un spécialiste ni même effectuer les analyses biologiques nécessaires pour déterminer le type de maladie qui les affecte. Devant cet état de fait, caractérisé par la désaffection des établissements hospitaliers, le Dr Bekat Berkani pense, lui, que la fréquentation croissante de ce genre de magasins traduit une sorte de "perte de confiance" dans les structures de santé publique pour plusieurs raisons, notamment à cause des retards dans l'obtention de rendez-vous, alors que la cherté des médicaments est un autre motif de désaffection. Par ailleurs, il a été relevé dans cette enquête que, parallèlement au retour à l'utilisation des herbes médicinales, il y a aussi l'émergence d'autres pratiques telles que "El hidjama" (l'éradication des maladies!), une sorte de chirurgie légère visant à "purifier le sang" à travers de petites entailles dans la peau, et qui semble attirer de nombreux patients. Sur cette pratique, le président du conseil de l'Ordre des médecins affirme qu'"El hidjama" est "scientifiquement inutile", et exhorte les patients à s'adresser plus simplement au médecin pour le traitement de toute maladie sévère et d'abandonner toutes les "pratiques louches", n'ayant en tout cas aucun lien avec la médecine. Enfin, il faut dire que les avis divergent parmi les citoyens sur ces pratiques, surtout que certains vendeurs d'herbes exercent dans des conditions d'hygiène douteuses, y compris dans leurs propres maisons.