Stendhal est l'un des grands représentants du roman français au XIXe siècle. Dans ses romans caractérisés par un style économe et resserré, l'écrivain cherchait «l'âpre vérité» dans le domaine psychologique, et campe essentiellement des jeunes gens aux aspirations romantiques de vitalité, de force du sentiment et de rêve de gloire. Enfance grenobloise et jeunesse mondaine Stendhal, de son vrai nom Henri Beyle, naît à Grenoble. Ses premières années sont malheureuses: sa mère, qu'il adore, meurt en couches alors qu'il n'a que sept ans. Confié à sa tante Séraphie, il se révolte contre son précepteur, l'abbé Raillane, puis contre son père, qui incarne à ses yeux le rigorisme moral le plus insupportable et toute la mesquinerie étroite et avaricieuse d'une bourgeoisie qu'il a en horreur. Le seul membre de sa famille avec lequel il ait une relation d'affection et de complicité est son grand-père Gagnon, vieux philosophe plein de sagesse et favorable aux idées révolutionnaires. Puis, le jeune Henri Beyle entre à l'École centrale de Grenoble, et se rend, ensuite, à Paris (1799) pour y suivre des études de mathématiques. Il songe un moment à passer le concours de l'École polytechnique, mais y renonce pour s'engager dans l'armée de Napoléon Bonaparte (1800) où il devient sous-lieutenant de dragons dans l'armée d'Italie. Sans doute hanté par le souvenir presque amoureux d'une mère d'origine italienne, il s'enthousiasme pour ce pays et pour sa culture ; il commence, en 1801, à reporter ses impressions de voyage dans son Journal (posthume, 1888-1935). De retour à Paris en 1802, il se met à écrire, avec l'ambition de composer «des comédies comme Molière». Il y mène un temps une vie mondaine de dandy, fréquente les salons et les théâtres, puis, sans doute faute de mieux, reprend du service dans l'Intendance (1806) ; il accompagne l'armée de Napoléon en Allemagne, où la petite ville de Stendhal (Saxe-Anhalt) lui fournit son futur pseudonyme.Sa carrière se poursuit avec régularité et ennui : adjoint aux commissaires des guerres, chargé de missions diplomatiques, à Vienne et à Linz (1809), il est nommé auditeur au Conseil d'État, en 1810, puis inspecteur du mobilier et des bâtiments de la Couronne. C'est dans le cadre de ces fonctions qu'il se lie avec Prosper Mérimée et qu'il renoue avec cette existence raffinée et brillante qu'il a connue lors des années passées à Paris. Débuts d'une riche carrière littéraire La chute de Napoléon et le régime de la Restauration mettent une fin brutale à la carrière de Stendhal, le jetant dans l'incertitude et la précarité, mais le rendant aussi à sa liberté. Après avoir participé à la campagne de Russie, il repart pour l'Italie en décidant à devenir lui-même milanais et citoyen italien. Il s'installe à Milan, où il peut s'adonner aux plaisirs de la musique et de l'amour. Après une liaison orageuse avec une belle italienne, Angela Pietragrua, il s'éprend de Métilde Dembowska, laquelle ne partagera jamais sa passion amoureuse. C'est à Milan qu'il fait paraître Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase (1814), une Histoire de la peinture en Italie (1817) et, surtout, un essai (Rome, Naples et Florence, 1817) qui, signé pour la première fois du nom de Stendhal, marque le début de sa véritable carrière littéraire. Contraint de quitter l'Italie par dépit amoureux, mais plus encore pour des raisons politiques (les Autrichiens lui reprochent ses sympathies à l'égard des libéraux italiens), il rentre à Paris, où il est assez bien reçu par la société mondaine et dans les milieux romantiques. La fréquentation des salons ne parvient, pourtant, pas à lui faire oublier sa passion malheureuse pour Métilde. Cet amour déçu lui inspire une analyse de l'amour (De l'amour, 1822), qui contient sa théorie, devenue fameuse, de la «cristallisation». Il y applique, en outre, les méthodes d'idéologues, dont la lecture l'a marqué durablement. Suit un essai sur le théâtre, Racine et Shakespeare (1823 et 1825), où Stendhal fait l'éloge des œuvres de Shakespeare dont émanent, selon lui, tant de passions et de force en regard de la perfection froide et figée des tragédies de Racine. Armance (1827), le premier roman d'un jeune écrivain de quarante-trois ans, nourri par les premières années de la vie de l'auteur, ses études et ses débuts mondains, raconte l'amour qui unit Octave, jeune homme brillant et taciturne, à sa cousine Armance. Après une suite de malentendus — pour diverses raisons, les amants répugnent à s'avouer mutuellement leurs sentiments —, Octave abandonne Armance et part mourir pour la libération de la Grèce, sans avoir révélé les motivations de ses actes. Par sa vivacité et, surtout, par les thèmes abordés (l'analyse de l'âme du héros masculin, notamment), ce premier récit annonce les chefs-d'œuvre à venir. (A suivre)