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Le vainqueur de Fort Alamo (II)
Antonio López de Santa Anna (1794-1876)
Publié dans La Nouvelle République le 24 - 05 - 2010

Pendant que le Mexique connaissait une période plus ou moins trouble, héritage de la colonisation espagnole de ce pays, son voisin, Etat jeune et ambitieux, les Etats-Unis d'Amérique, élargissait ses territoires au cours de ce qu'on appelait, alors, la Conquête de l'Ouest. Fatalement, les Américains – ou «Gringos» comme les appellent les Mexicains – devaient, par le biais de leurs colons déjà installés et voraces, se confronter aux armées du général de Santa Anna et après une guerre inégale qu'ils avaient remportée, annexèrent finalement toutes les terres du nord et de l'ouest du Mexique.
Indépendance du Texas
La partie texane de l'Etat mexicain de Coahuila y Tejas entre en rébellion en mars 1836. Santa Anna sur ordre du gouvernement mexicain marche à la tête de
6 000 recrues inexpérimentés vers le nord pour remettre la province rebelle sous contrôle, mais il est capturé par les forces séparatistes après la bataille de San Jacinto le 22 avril 1836. Menacé dans son intégrité physique, il ordonne le retrait des troupes du Texas. Ordre qui n'aurait pas dû être suivi, aucune armée ne devant obéir à un chef prisonnier.
A Mexico, le gouvernement du président José Justo Corro le déchoit de son commandement. Après quelque temps de captivité et d'éloignement aux Etats-Unis, il est autorisé à retourner au Mexique. Il se retire alors dans l'Etat de Veracruz dans une de ses propriétés.
En 1838 Santa Anna (qui, alors, n'occupait pas la présidence) voit une chance de montrer qu'il est encore là quand la marine du roi de France, Louis-Philippe (1830-1848) débarque à Veracruz sous prétexte de faire indemniser des commerçants français victimes de troubles à Mexico. Cette intervention fut appelée guerre des Pâtisseries.
Nouveau mandat présidentiel
Cet exercice du pouvoir est encore dur et plus bureaucratique que précédemment. Il lève des taxes nécessaires au fonctionnement des administrations, de l'armée, de la formation d'un Etat présent, ce qui provoque la colère des riches qui ne voulaient rien payer et des classes populaires déjà très atteintes. Plusieurs Etats mexicains cessent purement et simplement toutes relations avec le gouvernement central. Le Yucatán se déclare république indépendante. En décembre 1844, l'opposition est telle que Santa Anna décide qu'il est sage d'accepter l'offre (pour éviter une guerre civile) de renoncer à la présidence et de partir en exil avec une pension généreuse. Il s'en va, donc, à Cuba.
Les finances du pays étaient dans un état désastreux, et, lassés d'attendre leurs appointements, les officiers se révoltaient souvent. En 1844, une insurrection ramena Pedraza et les moderados au pouvoir avec, pour Président, le général José Joaquín Herrera. La plèbe de Mexico en profita pour renverser la statue de Santa Anna et traîner dans les rues au bout d'une corde le morceau de jambe qu'il avait perdu à Veracruz. Défait, le dictateur s'en fut dans les montagnes de son Veracruz natal où il fut pris par des indigènes de la région de Xico, cannibales qui allaient le manger. Il fut sauvé in extremis par des troupes gouvernementales. Il est, sans doute, le seul chef d'Etat qui a failli subir ce sort funeste.
La guerre américano-mexicaine
En 1846, dans le but de s'emparer de nouveaux territoires, les Etats-Unis déclarent la guerre au Mexique, connaissant sa faiblesse militaire et sa désorganisation interne. Santa Anna écrit au président Gómez Farías qu'il n'a plus d'aspirations à la présidence mais offre avec enthousiasme son expérience militaire pour repousser l'invasion étrangère.
Le gouvernement est suffisamment désespéré pour accepter cette offre pour repousser les Yankee. Cependant, Santa Anna a négocié secrètement avec les représentants des Etats-Unis plaidant que s'il était autorisé à passer la frontière, il s'efforcerait de faire vendre les territoires convoités à un prix raisonnable, sachant que de toute façon il serait impossible au Mexique de les conserver contre son puissant voisin.
Une fois au commandement, il viole prestement ses deux engagements ; il fait un nouveau coup d'Etat et lutte fermement mais sans succès contre l'invasion des Etats-Unis. Vaincu, le Mexique perd la moitié de sa surface au profit des Etats-Unis.
Dernier mandat
Santa Anna part, alors, en exil le 16 septembre 1847, via la Jamaïque, en Colombie, à Turbaco où il vit dans l'ancienne propriété du libérateur américain, le héros Simón Bolivar. En 1853, il revient à l'invitation de l'église et des conservateurs avec lesquels il reprend le pouvoir. Son administration n'est pas meilleure que les précédentes. Il dépense énormément d'argent, mène grand train, vend une portion de territoire aux Etats-Unis (en cela, il a peut-être évité une nouvelle guerre), et se déclare Président à vie avec le titre d'Altesse sérénissime. Il fait aussi composer et jouer un hymne national dont la musique et certains couplets sont restés les mêmes jusqu'à nos jours.
Il versait de fortes sommes aux hommes politiques et aux chefs militaires pour s'assurer de leur loyauté (ce qu'ont fait tous les gouvernants de cette époque). Mais, en 1855, même ses alliés conservateurs se sont lassés de lui, alors, il doit s'enfuir à Cuba puis à nouveau en Colombie. Des caciques puissants et respectés tels que Santiago Vidaurri au Nuevo Léon et Manuel Doblado dans le Guanajuato se joignent à ses opposants et leur fournissent des troupes. L'étendue de sa corruption est rendue publique, il est jugé par contumace pour trahison et ses biens au Mexique confisqués. Il vit, alors, en Colombie (où il agit en bienfaiteur) puis dans l'île de Saint-Thomas.
La ruine
Les lois publiées, en 1856, par le gouvernement mexicain confisquèrent tous les biens de Santa Anna et ses haciendas furent vendues au profit de la nation mexicaine et du Trésor public.
Grugé par des aventuriers qui lui promettaient le retour au pouvoir, Santa Anna est presque totalement ruiné. A la mort du président Juárez, en 1872, une amnistie décrétée par le président suivant, Lerdo de Tejada, qui lui permet de retourner, en 1874, dans sa patrie. En 1876, à Mexico, Santa Anna meurt pauvre et oublié, lui qui aimait se faire appeler «le Napoléon de l'Ouest».
Peu avant son décès, des cérémonies en souvenir de la bataille de Churubusco furent organisées par le gouvernement. Santa Anna, qui avait été commandant en chef à l'époque, ne fut même pas invité à y assister. Ses restes reposent depuis lors aux côtés de certains héros du Mexique au Pantéon del Tepeyac.
Santa Anna fut le bouc émissaire idéal pour les gouvernements mexicains qui se succédèrent après. Tout ce qui arriva de négatif au Mexique durant la période 1830-1855 est, pour ainsi dire, de sa faute et les Américains en firent une caricature du style matamore tropical grandiloquent, traître et corrompu, visant à travers lui nombre de politiciens latino-américains.
Une lecture attentive de l'histoire redonne à Santa Anna quelque lustre et permet de mieux comprendre la personnalité complexe et fascinante de cet enfant du Mexique...
(Suite et fin)


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