,L'insurrection de 1871 est une revanche sur forces coloniales, longtemps attendue, dès la défaite d'Abdelkader et la reddition de ce dernier en 1847, elle a été soigneusement réfléchie et décidée par trois valeureux grands hommes : Hadj Mohamed Mokrani, Hadj Belkacem Ould-Mohammed et Cheikh Haddad. Cette révolution n'était pas décidée d'un coup de tête, comme on veut l'insinuer, ces envieux de l'histoire, en général, et de celle de ce village martyr et héroïque qui est Kelaâ Nath-Abbas, qui n'est pas à sa seule et unique révolution et qui ne cesse de donner des héros (voir aussi notre révolution du 1er Novembre 1954), mais l'autorité coloniale a fait précipiter son déclenchement au début de l'an 1871, quand elle s'est rendue compte que son autorité était loin d'être instaurée, encore moins d'être ancrée, comme elle le souhaitait, dans cette région, qui refusait catégoriquement, toute compromission avec l'ennemi, qui constata l'existence d'une autorité parallèle à la sienne et que pratiquement rien ne lui parvenait, ni information, ni des cas qui relèvent même du juridique, ni ceux d'état civil. Des conseils dans chaque tribu, dans chaque village que compte la région Nath-Abbas sont chargés de traiter et de régler les litiges, tous les litiges, même ceux graves. Les naissances, les décès, les mariages… sont administrés par ces conseils à l'insu de l'occupant. A Nath-Abbas, cette tâche, qui n'est pas des moindres, Sedik Oussedik, un homme, qui, dit-on, est d'une sagesse remarquable, s'en chargeait. L'ennemi, voyant que son autorité ne pouvait être instaurée tant que ces chefs de tribu seraient en liberté et jouiraient de leurs biens, a décidé alors de passer à l'action en proférant des menaces, en procédant à des arrestations et en spoliant des biens et des terres de ces chefs de tribu. C'est ainsi que les biens et les terres des Ould Mohammed et des Mokrani ont été confisquées et spoliées. Un soir d'hiver de l'an 1871, Hadj Mohamed Mokrani était chez Hadj Belkacem Ould-Mohammed. Les deux hommes se sont retirés seuls dans une pièce pendant que M'hamed, fils de Hadj Belkacem, sellait les mulets, et quand ils sont ressortis, ils ont pris la direction de Seddouk, conduits par M'hamed El-Hadj Abdellah. Pendant ce temps à Kelaâ, toute la nuit jusqu'à l'aube, des hommes et même des femmes transportaient à dos d'ânes et de mulets, de la maison Nath Mokrane à celle d'Ath El-Hadj Abdellah, du matériel militaire, mais aussi des objets de valeur. Au retour de Seddouk, la nuit suivante, il n'était plus un secret pour personne : la révolution se préparait au grand jour. A Kelaâ, chacun s'occupait de ce dont il était chargé sans crainte de l'ennemi, qui était à plus de 55 km (à l'époque, cette distance était très importante surtout que la région est très accidentée). C'est ainsi que : 1) Hadj Mohamed Mokrani, secondé par son frère Boumezrag, se chargea d'organiser et de structurer des détachements militaires. 2) Hadj-Belkacem Ould-Mohammed, secondé par son fils M'hamed, se chargea de la logistique et de faire soulever les tributs d'Ath Abbas, et celles des régions d'Imazithene, d'Aïn Kehla et d'Ouled Sidi Brahim. 3) Chikh Haddad, secondé par son fils Abdelaziz, se chargea de soulever les tribus de la vallée de la Soummam et toutes les zaouïas environnantes et lointaines. C'est ainsi que l'insurrection prit une vitesse incroyable et avait presque embrassé tout le territoire national : le Nord était presque conquis, à l'Est, l'ennemi était poussé jusqu'aux portes d'Annaba, au Sud jusqu'au seuil de Boussaâda et à l'Ouest à la périphérie de Boudouaou. Mais le sort a voulu que cette insurrection se termine par une défaite. Peut-être que e rapport de force était pour quelque chose. C'est ainsi et comme tout le monde le sait, Hadj Mohamed Mokrani tomba à Oued Souflat, près de Kadiria, son frère Boumezrag lui succéda mais fut arrêté à son tour, Cheikh Haddad et son fils Abdelaziz étaient déjà sous les verrous tout comme beaucoup d'autres. Ils furent embarqués à bord d'un bateau et déportés en Nouvelle-Calédonie. Cheikh Haddad s'évada du bateau en pleine mer et se réfugia à Djeddah où il mourut. Ensuite, arriva l'arrestation de Hadj Belkacem Ould-Mohammed à Tala-M'zidha où il s'était retiré pour échapper à l'ennemi, mais hélas ! Comme le bateau était déjà parti pour la Nouvelle-Calédonie, Hadj-Belkacem fut enfermé dans un bagne en France, précisément à Toulon, en compagnie de Dahmane Guessoum, Ben Aïssa Cherif et M'Hamed Oukadouh. Quant à Graba Gharzouli, Bouda Djeghaba, Djellouah M'hamed et Bachir Cherif, ils ont été enfermés à Lambèse. Que l'on me pardonne si j'ai oublié deux noms de ces valeureux hommes, car il y a longtemps que ces informations ont été accueillies. La chasse à l'homme, alors, a commencé dans toutes les régions, au sein des villages et des tribus contre ceux qui de près ou de loin ont pris part à l'insurrection. Quant à ceux qui ont pu s'échapper, ils ont été persécutés et poussés à l'exil, qui dans le territoire national, qui au Moyen-Orient, particulièrement en Syrie, et leurs proches ont été dépossédés de tous leurs biens, spoliés de leurs terres et réduits à la misère.