La civilisation antique, en particulier, celle de la Grande Rome, a laissé à la postérité un riche legs culturel comme le célèbre poème de Virgile que la Nouvelle République présente dans ces pages. Ainsi, après avoir passé près du palais de Pluton, on arrivait aux Champs Elysées. Deux portes y donnaient accès : l'une était de corne, et l'autre était d'ivoire. Description des Champs Elysées Ces lieux eux-mêmes comprenaient trois divisions, ce qui, avec les six précédentes, formait neuf, nombre sacré chez les anciens. La première (v. 735) pourrait être comparée au Purgatoire du christianisme. Avant d'entrer dans le séjour des justes, l'âme qui n'avait pas, en quittant sa prison mortelle, retrouvé son état primitif de pureté, devait se laver de ses souillures : l'air, l'eau et le feu la purifiaient. Alors s'ouvrait pour elle la seconde enceinte des Champs-Élysées, composée de riantes campagnes baignées des ondes de l'Éridan et éclairées d'une lumière inaltérable. Les âmes qui habitaient ces lieux y trouvaient tout ce qui pouvait faire leurs délices; mais toutes n'y restaient pas éternellement : lorsque mille ans étaient écoulés, elles franchissaient une colline (v. 676) et se rendaient dans la partie où coulait le Léthé (v. 750) ; après avoir bu de ses ondes, elles oubliaient le passé et, désireuses de retourner sur la Terre, elles allaient animer de nouveaux corps. Un Dieu vers le Léthé conduit toutes ces âmes; Elles boivent son onde, et l'oubli de leurs maux Les engage à rentrer dans des liens nouveaux. Ce plan des Enfers décrits dans le sixième livre de l'Énéide a été composé et dessiné par J. Ratel. Chaque lieu célèbre des Enfers est désigné par le chiffre du vers du chant sixième de l'Énéide où commence sa description. Les vers français que nous citons sont empruntés à la traduction de Delille. Arrivée au Latium Arrivé à l'embouchure du Tibre, il est favorablement accueilli par le roi Latinus, dont il épouse la fille Lavinie, destinée par la reine Amata au roi d'Ardée, Turnus, son neveu. Cependant, à propos d'un cerf apprivoisé, tué imprudemment par Ascagne, fils d'Énée, une rupture éclate : Turnus arrive pour surprendre les Troyens, tandis qu'Énée est allé demander du secours à Évandre, chef d'une colonie d'Arcadiens établie à l'endroit même où Rome sera bâtie plus tard. Nisus et Euryale veulent aller instruire Énée de la situation critique des siens, mais succombent en traversant le camp ennemi. Le héros, qui a reçu de sa mère Vénus les armes forgées pour lui par Vulcain, arrive accompagné de Pallas, fils d'Evandre : celui-ci succombe sous les coups de Turnus, qu'Enée terrasserait à son tour sans l'intervention de Junon, et Mézence, substitué à Turnus, périt avec son fils Lausus. Turnus empêche Latinus de demander la paix, et la guerre continue : on convient enfin de terminer la querelle par un combat singulier entre Turnus et Énée; Lavinie sera le prix du vainqueur, Mais les Latins violent la trêve et fondent à l'improviste sur les Troyens ; Énée, atteint d'une flèche, mais guéri par Vénus, cherche Turnus qui se dérobe toujours à lui, finit par le joindre, et le tue. Une remarquable unité d'action L'unité d'action est parfaite depuis le commencement jusqu'à la fin on n'est occupé que d'un seul objet l'établissement d'Énée en Italie par l'ordre des dieux. Comme ce fait général dure sept années et que l'action même du poème se passe en quelques mois, Virgile mit sa composition partie en récit, partie en discours, partie en épisodes, suffisamment liés au sujet principal. En faisant le héros troyen contemporain de la reine de Carthage, le poète a commis, sciemment, un anachronisme de trois siècles. Par rapport à l'invention, Virgile doit à Naevius la première tempête de l'Énéide, la plainte de Vénus à Jupiter, et les rassurantes promesses de ce dieu. Les amours de Médée et de Jason, dans les Argonautiques d'Apollonios de Rhodes, lui ont servi, à quelques égards, de modèle pour sa Didon. Il emprunta aussi à d'autres poètes cycliques ou épiques de la Grèce, Arctinus, Pisandre, Panyasis; mais les emprunts les plus fréquents ont été faits à Homère, à qui il doit même ce personnage d'Énée, tout à la fois important et accidentel dans l'Iliade, ce profil d'où il a tiré une figure si achevée. II a opéré une fusion savante des deux manières de son immortel devancier, suivant l'Odyssée pour les six premiers chants de l'Énéide , qui nous retracent les courses d'Enée, et l'Iliade pour les six derniers, qui nous donnent ses combats. L'unité de ton dans l'Enéide Le principal caractère de l'Énéide, c'est l'unité de ton, et de couleur, l'harmonie et la convenance des parties, la proportion, le goût soutenu; en un mot, c'est une suprême délicatesse, qui se sent mieux qu'elle ne saurait se définir. Virgile a atteint à la perfection du style de l'épopée. Il raconte avec chaleur et avec grâce, il fait parler les passions avec une vérité touchante; ses caractères de femmes sont des modèles de sentiment; il peint les lieux en quelques traits ; il rend ses idées sensibles par des comparaisons admirables. C'est un mérite infini de détails, ce sont d'étonnantes merveilles d'exécution, plus sensibles dans les six premiers chants que dans les six derniers, quoiqu'en général la poésie de Virgile se compose d'images et de tableaux, et que le poète soit partout et toujours ou grand peintre, un peintre du premier ordre. Les défauts du poème sont ceux-ci : Énée est trop peu agissant, trop froid, trop insensible, à ce point que, dans la première partie, l'intérêt est plus vivement sollicité en faveur de Didon, et dans la dernière, en faveur de Turnus. La plupart des personnages secondaires ne sont que des noms sans illustration. (Suite et fin)