Mouloud Mammeri disait, en substance, qu'il y a des personnes qui ne font plus partie de ce monde, mais qui sont toujours avec nous. C'est dire que la vie de ces personnes a marqué le cours de l'Histoire à un point qu'en dehors de leur absence physique, ces historiques continuent à marquer et à rythmer de leur présence notre quotidien. Une présence immatérielle mais matérialisée par ce qu'ils ont consenti pour leur patrie de toujours, l'Algérie, comme efforts et sacrifices. De cette catégorie de personnes très select figure le monument historique qu'est Salah Nour. Un nom et une vie qui ont accompagné les balbutiements de la Révolution algérienne et consolidé les fondations de l'Algérie indépendante. Un nom et une vie qui se sont échinés à se draper dans la modestie et la discrétion pour œuvrer uniquement au service de la nation. Un nom et une vie qui ont été érigés, par la force des choses, en symboles de l'histoire contemporaine algérienne. Un nom et une vie qui nous servent de repères dans l'écriture de notre histoire. Une vie, surtout, qui a tiré sa révérence après nous avoir laissé un legs incommensurable de nationalisme et de patriotisme. Parler de Salah Nour est un exercice très difficile dans la mesure où les mots ne peuvent supporter l'émotion que dégage la prestance de son parcours historique. En effet, des mots se sont dérobés quand nous les avons sollicités pour rendre un hommage à l'un des meilleurs enfants que l'Algérie a enfantés. Nous nous sommes rabattus, alors, sur le cœur pour le faire au risque que notre témoignage soit altéré par des épanchements émotifs. Qu'à cela ne tienne, le devoir nous l'exige ! Salah Nour a vu le jour un certain 3 décembre 1930 à Tizi Medjbar, un village perché à Guenzet, dans la wilaya de Sétif. Etant issu d'une noble famille réputée pour son attachement aux valeurs ancestrales, Si Salah a terminé son apprentissage du Coran à l'âge de 15 ans, et fut choisi pour diriger les prières des taraouih à la mosquée de son village natal. N'étant pas rassasié du savoir, il entrepris d'autres études, de 1946 à 1948, à l'Institut Ibn Badis de Constantine. Ensuite, il rallia la mosquée Ezzaitouna pour parfaire ses connaissances en théologie, d'où il arracha, haut la main, son premier diplôme en 1953. Pendant cette période, plus précisément en 1950, Si Salah a rejoint les rangs du PPA. C'était ses premiers pas dans le militantisme. En 1954, il rallia le FLN pour donner une autre dimension au combat qu'il menait pour la libération de l'Algérie. Sachant que ce combat devait être mené sur différents fronts, Si Salah a assuré des cours dans les écoles libres, et ce, avant de rejoindre le bureau de transmission de Bouzaréah. Comme il a rejoint les rangs de l'association des Ulémas où il prodigua un enseignement de qualité au sein du Nadi Taraki à Alger. Aussi, il a été chargé de traduire les journaux pour le cheikh Taïbi El-Okbi. En 1957, Si Salah se voit confier le lourd poste de responsable de la Zone autonome d'Alger et président du comité de justice du FLN. Ses nombreuses activités pour l'indépendance de l'Algérie lui ont valu de nombreuses interpellations par l'autorité coloniale. Toutefois, en 1957, il fut arrêté par les parachutistes, torturé et emprisonné jusqu'en 1961. Avec l'avènement de l'indépendance, il a exercé en tant cadre à la wilaya d'Alger avant de se voir confier, en 1963, la direction de la Cité de l'enfance, une institution qui prenait en charge les enfants de nos valeureux chouhada. Nous ne pouvons parler de cette période en omettant une anecdote qui dénote de la grandeur et de l'honnêteté de Si Salah. A la tête de la Cité de l'enfance, Salah Nour veillait à ce que rien ne manquait aux enfants dont il avait la charge. Durant les fêtes de l'Aïd, il constituait des lots de cadeaux à distribuer aux chérubins. Un jour, son fils lui a demandé de lui donner un des cadeaux qu'il était en train d'emballer. La réponse de Si Salah est une leçon qui retentit à ce jour : «Ton papa est vivant, c'est ton plus beau cadeau. Tout ce que tu vois comme cadeaux dans mon bureau n'appartient qu'aux enfants de la Cité.» C'est dire qu'il inculquait à ses enfants des valeurs dont sa vie s'est imprégnée : l'honnêteté et la loyauté. Tout le monde se souvient, aussi, que Si Salah n'utilisait jamais son véhicule de fonction pendant le week-end ou durant son congé. Pour lui, il était hors de question de se servir des moyens de l'Etat à des fins personnelles. A vrai dire, dans son travail, il était animé par le vent de la Révolution nationale qu'il ne cessait de la placer comme philosophie à suivre. D'ailleurs, tous ceux qu'ils l'ont cotoyé diront qu'il ne cessait de parler de la guerre de Libération et de la nécessité de préserver son essence afin de la transmettre aux générations futures pour qu'elles en prennent exemple. En 1967, il a été choisi par la population de Kouba pour la représenter au sein du conseil municipal. En 1970, il intègre le ministère de la Justice pour occuper la fonction de conseiller, puis celui de chef de cabinet. Toujours assoiffé de savoir, il reprendra ses études pour obtenir en 1978 une licence en droit, en Histoire et en interprétariat. Suite à quoi, il obtient une autre reconnaissance universitaire qu'est le diplôme d'études approfondies en Histoire. Son bagage intellectuel impressionnant lui a permis de lui ouvrir d'autres horizons professionnels. Dans ce sillage, il a participé à différentes conférences nationales et internationales en tant que traducteur pour le compte de la délégation algérienne. Durant l'intervalle 1980-1985, il enseigna à l'université d'Alger en tant que maître-assistant dans la filière interprétariat. En 1988, il a été désigné directeur de l'Institut de la magistrature suprême, une institution qui portera son nom, en guise de reconnaissance pour son parcours, après sa mort. Eu égard à sa riche expérience dans le domaine judiciaire, Si Salah a été nommé membre non permanent de l'Organisation mondiale contre la criminalité dont le siège est à Vienne. En 1994, l'Organisation nationale des moudjahidine le choisit pour la représenter au sein du Conseil national de transition. Une époque durant laquelle l'Algérie vivait des moments douloureux dus au terrorisme. Ayant connu et combattu les affres du colonialisme, Si Salah ne pouvait ne pas être sensible à ce que son pays endurait. Toujours mû par le sentiment de nationalisme, il a initié le projet qui devait, quelques années plus tard, éteindre le feu de la fitna : la loi de la Rahma. C'est n'est qu'une juste reconnaissance de rappeler que c'est à lui que revient la paternité de ce projet qui a fait éviter à notre pays de sombrer dans un gouffre inextricable. Toutefois, il ne verra pas son projet mis en œuvre, étant donné qu'il a été ravi aux siens, le 15 janvier 1995, lors d'un attentat qu'il l'a ciblé devant son domicile. Une mort qui a chagriné ceux qui connaissaient la valeur de cet homme et la grosse perte que l'Algérie vient de subir. Néanmoins, sa mort n'a pas été vaine, puisque la loi de la Rahma a vu le jour et que grâce à cette dernière, toute une politique a été mise en place afin que l'Algérie ne soit pas emportée par la folie meurtrière de ceux qui voulaient la mettre à genoux. C'est le parcours du chahid Si Salah qui a sacrifié sa vie pour son Algérie qu'il chérissait tant. Il est parti digne du héros de la Révolution, et dans l'humilité et la modestie qui ne le quittaient jamais. Mais une chose est sûre, son œuvre nous éclairera toujours, car Nour est une lumière qui ne s'éteindra jamais !