Depuis cinquante ans, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et le changement est tel qu'on arrive à se demander dans quel pays sommes-nous. Et le cerisier est à peu près à l'image de toute cette évolution en mal. Lorsque arrivait la récolte des cerises, tout le monde en parlant des producteurs montagnards, était mobilisé. Il y en avait tellement que quiconque avait une vaste ceriseraie, recrutait des ouvriers saisonniers pour la cueillette. Cela se passait de la 2e quinzaine de mai jusqu'à la fin juin. On considérait les dernières cerises comme les meilleures, elles avaient atteint le stade maximal de maturité et celles qu'avaient picorées les oiseaux portent un avant goût de miel des montagnes. La récolte des cerises, une corvée mais aussi une passion C'était l'affaire d'une équipe organisée et liée par l'amour du travail. Il fallait savoir grimper sur les arbres sans casser les branches fragiles par nature. Le bois du cerisier pourtant apprécié autant que son semblable sauvage, par les artisans ébénistes pour ses couleurs très nuancées, se laisse facilement abîmer.Au fur et à mesure de la cueillette, celui qu'on avait chargé de grimper, armé d'une gaule, devrait avoir sur lui une corbeille qui sitôt replie, était descendue à l'aide d'une corde à celui de l'équipe dont le rôle était de la recevoir au bras de l'arbre pour être vidée dans un cageot. Ceux qui avaient des centaines d'arbres, prenaient soin de livrer plusieurs fois par jour, à dos d'âne, les cageots remplis au marchand qui se mobilisait lui aussi pour la saison. Il se chargeait aidé d'une équipe de réceptionner ce que chaque producteur lui rapportait, pesait les fruits sur une bascule, payait. Après, les cerises étaient sélectionnés avant d'être versées dans des cageots intérieurement recouverts de papier blanc et sitôt chargé, un camion était là pour assurer le transport vers les halles d'Alger d'antan. A l'école des champs La plupart des bons agriculteurs qui ont découvert les caprices des arbres, ont tout appris par la transmission des vieux aux jeunes. Ils ont acquis à la perfection toutes les pratiques de l'arboriculture, plantation dans le respect des recommandations données, différentes formes de greffes appliquées à toutes les variétés d'arbres fruitiers, taille chaque année. Depuis son introduction en Algérie et dans tout le Maghreb très longtemps, le cerisier a tout de même été apprécié. Au détriment des arbres bien plus utiles, on l'a vu trôner et parfois en grand nombre dans les vergers pour le seul plaisir de le voir en fleurs puis chargé de fruits d'un rouge très nuancé. Le cerisier, cerisier sauvage que certains documents disent être d'origine asiatique et dont le bois est fortement apprécié par les artisans ébénistes, fournit une variété de cerises comme depuis la plus haute antiquité. Dans tous les pays, les cerises sont connues pour ses vitamines A et B, ses acides cyanhydrique et recommandées en cure aux rhumatisants. Les queues de cerises en infusion, un diurétique Adoucissant d'emploi populaire que les aînés conservaient jalousement comme les cerisiers dont le nombre s'accroissait, aujourd'hui, on n'en garde que les souvenirs. A 500 DA le kilo, on finira par croire que la cerise est un fruit exotique comme le kiwi. On finira même par l'oublier. Mais d'autres, des étrangers ont continué d'en parler à notre place à la manière de Jules Roy, écrivain pied-noir qui en fait un symbole dans son roman historique les Cerises d'Icherriden qui raconte la résistance de nos combattants contre les occupants étrangers au 19e siècle.