Ce n'est pas encore la fin de l'été, mais toute la région de Draâ El-Mizan souffre du manque d'eau. Ce liquide, ô combien précieux, ne coule plus des robinets. La distribution de l'eau n'est pas seulement perturbée, mais on peut dire que le programme est mis aux oubliettes. La colère des abonnés monte de jour en jour. Dernièrement, ce sont les habitants des villages de Sanana et d'Ichoukrène qui avaient carrément fermé le siège de l'antenne de l'Algérienne des eaux de cette daïra. Alors que les réclamations émanant à titre individuelle ou en nom d'associations fusent sur le bureau du chef de cette agence. Devant tant d'agitations, l'ADE a affiché un appel à la population dans lequel elle l'informe du manque d'eau au niveau des forages sis au lieu-dit Pont noir. Ainsi, il est demandé aux citoyens de ne pas user de ce liquide. “La distribution normale sera établie dès le remplissage des réservoirs”, s'excuse le chef d'agence au près de son “aimable clientèle”. Des associations ont été reçues par le directeur de l'antenne ADE. Mais il nous semble qu'elles sont loin d'être convaincues. “Sur le plan technique, je ne peux rien dire. Mais de grâce, qu'on ne nous donne pas ces quelques litres à heure du matin alors que tout le monde dort”, ne cesse de répéter le président de l'association Tarwa n'Draâ El-Mizan. Effectivement, il y a des quartiers où l'eau n'est pas servie depuis près de quinze jours. Lors de notre passage à la cité Caper, mercredi dernier, il y avait tous les habitants qui attendaient “l'arrivée de l'eau !” Minuit passé, aucune goutte. Désolation totale, pour ne pas dire désespoir. “?crivez dans votre journal, nous n'avons même pas deux litres d'eau. C'est vraiment l'enfer. Pourtant, on nous a dit que mercredi, c'est notre tour”, dit avec colère un père de famille. C'est le même cas en ville. “Avant-hier, le responsable lui-même m'a répondu que ce mercredi, c'est notre tour. Ouallah ouallou”, fulmine le président de l'association précitée que nous avons rencontré jeudi matin. Cette situation n'est pas inhérente seulement aux quartiers de la ville. Des villages de la localité de Boumahni dans la commune de Aïn Zaouïa sont complètement oubliés. C'est le cas du village de Boumadène. D'ailleurs, pour protester contre le non-respect du programme de distribution établi par l'ADE, des citoyens en colère se sont manifestés devant les autorités communales. “Si avant, on été servis une fois par semaine, c'est-à-dire, chaque lundi. On a constaté que notre tour est passé. Il n' y a pas d'eau. On exige à ce que ce programme soit respecté. Y a-t-il détournement de cette eau ?” s'interroge un membre du groupe représentant ce village. Certes, après cette contestation, les autorités locales de la commune de Aïn Zaouïa ont décidé d'alimenter ce village. “Est-ce vraiment la solution ?” s'interroge-t-on. Le syndrome du jerrycan refait surface Peu avant le lever du jour, des cohortes de jeunes enfants juchés sur des dos de mulet prennent d'assaut soit les quelques sources non encore taries ou encore les deux fontaines publiques du quartier Les Pins (Azoumbi). “Il faut arriver avant cinq heures du matin pour prendre une place. Nous n'arrivons à remplir quatre jerrycans que vers midi, voire l'après-midi. Une fois arrivés à la maison, c'est le tour d'un frère de faire sa corvée”, nous a répondu un jeune garçon âgé d'à peine douze ans, les yeux encore lourds de sommeil. D'autres chérubins arrivent avec des bidons de différentes contenances. Si ailleurs, d'autres petits Algériens goûtent au plaisir de la grande bleue ou se prélassent sur le sable doré, ceux des villages de la périphérie de Draâ El-Mizan et des villages des zones rurales passent leur temps dans les rivières dans l'espoir de remplir quelques jerrycans en cette période où le besoin quotidien de ce liquide, ô combien précieux, se fait sentir de plus en plus. La citerne d'eau à 1500 DA “Nous ne pensons plus au pain et au lait. Notre problème est le manque d'eau. Croyez-moi, que parfois nous n'avons pas de quoi se laver le visage”, nous a confié un citoyen d'un village de la périphérie. Comme ce père de famille, d'autres dépensent en moyenne 1500 DA par semaine uniquement pour cette denrée. “Maintenant, même les propriétaires des tracteurs citernes exercent sur nous leur loi. Si vous changez de propriétaire, vous risquez le boycott de l'autre. Et puis, il faut s'inscrire”, a enchaîné notre interlocuteur. Dans cette région, nombreux sont les agriculteurs qui se sont reconvertis à “vendre de l'eau”. Comme le dit le proverbe : “Le malheur des uns fait le bonheur des autres.” Alors que ceux qui ont cette chance de posséder des puits parfois non traités avec la brique poreuse se prolifèrent du jour en jour. Il ne suffit que de faire un tour du côté de Maâmar ou d'Aït Yahia Moussa pour voire ces chaînes de tracteurs attendant leur tour. Il paraît que la situation de l'alimentation en eau potable de la région de Draâ El-Mizan n'a pas évolué d'un iota depuis des décades, bien qu'on parle chaque fois de son amélioration. Le transfert des eaux du barrage de Koudia Asserdoun sera-t-il la solution ? Depuis près de dix ans, on parle de ce grand projet. Actuellement, les premiers travaux sont sur le territoire de la région. Un réservoir d'eau est prévu. Les conduites d'adduction sont en cours. Pour les délais, c'est la fin de l'année prochaine. Ce projet grandeur nature, qui va alimenter au moins quatorze communes allant de Draâ El-Mizan jusqu'aux Ouadhias en passant par Mechtras et Boghni, avance vite, selon des sources bien informées. Pour la population de cette vaste contrée, c'est l'immédiat qui compte beaucoup pour elle. “Sera-t-il vraiment la solution définitive pour ce sempiternel problème ?” s'interroge tout le monde. Il y a même ceux qui pensent que normalement la région devait être alimentée de Takesbet. “Nous ne savons pas pourquoi nous n'étions pas concernés par le transfert des eaux du barrage de Takesbet. Pourtant à partir des Ouadhias, c'est plus court”, tel est l'avis d'un membre d'un comité de village de Boghni. Cela étant, la canicule ne fait que commencer, les populations de cette contrée ont encore beaucoup de temps à souffrir de cette pénurie. Ni les communiqués ni encore moins les analyses des uns et des autres ne vont étancher la soif de plus de 150 000 âmes. O. Ghilès