Au lendemain de l'accrochage sanglant ayant fait la veille quatre morts – trois Libanais et un Israélien –entre l'armée israélienne et l'armée régulière libanaise, la situation tend à se radicaliser des deux côtés. Pendant que l'armée israélienne déploie depuis hier d'importants renforts dans le secteur de la frontière libanaise, les autorités politiques et militaires libanaises se disent prêt à se battre contre une éventuelle agression. De son côté, le Hezbollah se tient mobilisé. Son chef, Hassan Nasrallah, dans un discours à l'occasion du quatrième anniversaire de la «victoire» contre l'armée israélienne en 2006, a déclaré mardi que son mouvement ne resterait pas passif si Tsahal attaquait l'armée libanaise à l'avenir. «Je dis franchement que partout où l'armée libanaise sera agressée et où il y aura une présence de la résistance, (...) la résistance n'observera ni le silence, (...) ni la retenue», a déclaré le dirigeant chiite. «La main israélienne qui prend pour cible l'armée libanaise sera coupée», a-t-il ajouté dans un message vidéo adressé à ses partisans. Nasrallah rassure toute de même qu'il ne s'attendait par «à ce qu'une guerre éclate prochainement (...), mais il y a des raisons de s'inquiéter», a-t-il dit. En arrière plan, cette nouvelle escalade entre Tel-Aviv et Beyrouth trouve ses racines dans le remue-mange observé depuis qu'on prête au Tribunal spécial, mis en place pour juger les commanditaires et auteurs de l'assassinat de l'ex-premier ministre Rafic Hariri en février 2005, l'intention d'inculper des membres du Hezbollah. Hassan Nasrallah nie toute implication de son mouvement, et il a accusé mardi Israël d'avoir tué l'homme d'Etat. Il a ajouté qu'il apporterait des informations importantes à ce sujet lors d'une conférence de presse lundi 9 août. La classe politique libanaise dans son ensemble cherche évidemment à désamorcer la crise pour éviter un nouveau cycle d'instabilité politique. Réconciliée après une période de turbulence, les principales formations politiques a pu constituer une coalition gouvernementale, et réussi à normaliser ses relations avec Damas et Riyad. Il y a une semaine, le président syrien et le roi saoudien avaient effectué une visite commune à Beyrouth pour apporter leur soutien au gouvernement en place dans cette conjoncture difficile. Une façon aussi de peser sur l'attitude que doit adopter la communauté internationale sur la question libanaise, et notamment sur ce que prévoit le Tribunal spécial sur l'affaire Hariri. Car sur ce point, les craintes d'une sévère mise en cause – avec ses conséquences désastreuses - restent très plausibles. Ainsi, la presse internationale évoque un rapport américain qui prédit une troisième guerre contre le Liban dans un délai de 12 à 18 mois, sur fond de l'acte d'accusation du TSL, chargé d'enquêter sur l'assassinat de l'ancien premier ministre Rafic Hariri. Toujours selon le rapport, les signes avant-coureurs d'un tel scénario se caractériseraient par l'intensification de trois paramètres : la rhétorique anti-israélienne du Hezbollah ; la guerre psychologique contre le Hezbollah et l'Iran -, et enfin les préparatifs de défense civile et militaire en Israël. Washington dans l'embarras Dans toutes ses aventures au Liban, Tel-Aviv est toujours assuré du soutien indéfectible de l'administration américaine. En 2006, le président Bush accusait systématiquement le Hezbollah, et son allié syrien, d'être responsable de la situation, et n'a à aucun moment dénoncé les crimes de guerre commis par les troupes israélienne dans les villages libanaise. Aujourd'hui, les données ont bien changé : le repositionnement des capitales arabes sur la question libanaise, les dérives successives du gouvernement israélien –en référence notamment à la dernière tuerie au large de la Méditerranée contre une flottille humanitaire -, le quiproquo inédit entre la Maison Blache et Tel-Aviv sur la politique de colonisation dans les Territoires palestiniens occupés, font que le président Barack Obama n'anticipe pas sur l'option que son administration doit adopter sur cette question, et évite d'appuyer systématiquement les décisions israéliennes. Même si le risque de se trouver devant le fait accompli n'est pas à écarter dans ce cas de figure. Cela dit, une éventuelle escalade militaire au Liban doit plutôt embarrasser l'administration américaine ; car cela risquerait d'entacher la politique de la « main tendue » envers les pays de la région initié par Obama depuis son fameux discours du Caire du …, et aussi de parasiter sa stratégie globale pour la région du Moyen-Orient, où les états-majors américains élaborent de nouveaux plans en Irak et en Afghanistan.