Le secret qui avait entouré l'opération, unique en Algérie, d'exportation de la graine de coton de Annaba, en 2006, par la société mixte algéro-française Somicoton, n'a pas longtemps résisté. Le produit récolté dans les régions de Annaba, Guelma et Tarf était prétendument destiné à être exportée vers l'Afghanistan. Cette récolte s'inscrivait dans le cadre de la politique de développement de la culture de cette spéculation dans le pays. Selon plusieurs témoignages concordants se référant à des indiscrétions des experts français de Somicoton, la destination réelle de cette graine était Israël. «Effectivement, des containeurs contenant de la graine de coton de Annaba ont pris la mer à destination de l'Afghanistan en 2006. La quantité avait été produite par l'égraineuse de notre coopérative de coton sollicitée pour la prestation de service pour le compte de la société mixte algéro-française Somicoton. Il m'a été rapporté que cette graine a été détournée sur Israël. Je ne peux pas en dire plus si ce n'est que l'opération d'égrainage avait été précédée de nombreuses visites de personnes de nationalité étrangère...», a affirmé M. Metiri Lazhar, président de la Coopérative agricole régionale spécialisée dans les cultures industrielles (Carsci) propriétaire de la cotonnerie. Sa déclaration est corroborée par le témoignage de 4 agents en poste à l'époque au niveau de l'égraineuse de coton à la Tabacoop Annaba. Interrogé sur ce dossier, Abdenacer Ayat, directeur des services agricoles d'Annaba, a exprimé son scepticisme quant au détournement de la graine de coton prévue pour être exportée sur l'Afghanistan. «N'étant pas en poste à Annaba à l'époque, je ne peux me prononcer sur ce dossier. Toutefois, je dois dire qu'une telle opération est difficilement réalisable voire irréalisable», a-t-il expliqué. Son scepticisme est battu en brèche par des faits relatifs à l'affaire que l'on peut déjà qualifier de «grains de coton de Annaba». Par déjà la disparition des associés français dans la filiale Algérie Somicoton. De statut algérien, cette filiale mixte algéro-française avait été créé en 2005. Cette création coïncidait avec la mise en route de la politique du gouvernement algérien de développer les cultures industrielles dont le coton. Implantée à quelque centaines de mètres de la localité de El-Karma (El-Hadjar-Annaba), la direction avait montré un certain activisme. Ses responsables algériens et français avaient multiplié les contacts avec les agriculteurs pour le lancement de la première campagne en 2006. Plusieurs centaines d'hectares avaient été préparés pour l'ensemencement. L'égraineuse de la Cotocoop, propriété de la Carsci, avait été remise en état. Supervisée par des experts français sollicités par Somicoton, la récolte fut à la mesure de l'attente. Pour la première fois depuis l'indépendance, l'Algérie produisait son coton. Mais voilà que quelques semaines après, une information circula sur le départ précipité et en catimini vers la France des associés français de Somicoton. Du moins ceux de Annaba qui avaient élu domicile au rez-de-chaussée de la villa Chioua à quelques mètres de la rue de Tagaste et de la résidence du wali. Avec eux, disparaîtront pas mal de moyens dont ceux roulants investis à coup de devises par l'Etat algérien. De production de coton ou de grains à propriétés multiples, il n'en sera plus question. C'est comme si les Français étaient venus pour une mission précise, qu'ils ont exécutée avant de s'inscrire aux associés absents de la société mixte algéro-française du coton. Ils laisseront également derrière eux une ardoise consistantes dont des loyers. Quelques mois plus tard, un couple de jeunes juristes dépêchés par Texmaco, l'entreprise algérienne associée de Somicoton, firent leur apparition dans le voisinage de la villa pour s'inquiéter de la disparition des Français. Puis plus rien jusqu'à la constitution d'une commission d'enquête fin 2006 par le ministère de l'Agriculture. Les investigations aboutirent au constat du départ douteux des Français, sans plus. Somicoton, société créée dans des conditions que des spécialistes ont estimé être un embrouillamini prémédité sera dissoute 18 mois plus tard. Cette affaire s'ajoute à la série de scandales qui a secoué le secteur la Carsci depuis le début des années 2000 jusqu'à 2006. Cependant, ce dossier de la graine de coton qui aurait été exportée clandestinement en Israël est plus complexe. Et lorsque M. Metiri Lazhar, l'actuel président de la Carsci, affirme être l'objet de menaces de mort quotidiennes et d'intimidation et que 5 années après, le flou entoure toujours cette affaire de grains de coton de Annaba, il y a lieu de se poser des questions. Somicoton Algérie ayant été dissoute, nos tentatives d'en savoir plus auprès de son associé algérien Texmaco se sont avérées infructueuses. Le responsable de cette entreprise étant toujours absent ou en congé d'été à l'image du juriste qui avait effectué le déplacement à Annaba pour enquêter. L'autre fait troublant porte sur les tracasseries judiciaires continuelles dont est victime le président de la Carsci depuis sa prise de fonctions il y a 9 mois. S'ajoutant aux menaces de mort et intimidations, elles seraient la conséquence de sa volonté de dépoussiérer le volumineux dossier des unités propriétés de la Carsci dont celui de la cotonnerie utilisée par Somicoton. Dans sa plainte adressée le 1er juin 2010 au procureur de la République près le tribunal correctionnel de Annaba, le président de la Carsci cite au titre de mis en cause, ses prédécesseurs dont deux sont en prison, les 24 autoproclamés membres, tous parents les uns avec les autres, de l'ancien conseil de gérance et deux élus des deux chambres hautes.