«[L'empereur] fit placer dans toutes les bibliothèques les ouvrages de Cornelius Tacite, auteur de l'Histoire impériale, en se vantant d'avoir avec lui des liens de parenté.»Solon La biographie de Tacite est parsemée de zones d'ombre. On ne sait ni où ni quand il est né. Sa famille pourrait provenir de Gaule, Cisalpine ou Narbonnaise. Jeunesse et carrière La date de naissance de ce grand historien latin et l'un des plus grands de la période antique devrait se situer vers 55 après Jésus-Christ puisqu'il accède à la préture dans l'année 88. Quoi qu'il en soit, Tacite vit à Rome en 75 où il étudie la rhétorique ; il s'y lie d'amitié avec un autre historien renommé, Pline le Jeune, et, en 77, il fait un très beau mariage en épousant la fille de l'empereur Agricola. Il entame, alors, une carrière politique dont il résume lui-même les grandes étapes dans son ouvrage Histoires. Il était possible d'apporter quelques précisions et de compléter ce bref schéma. Tacite accède, ensuite, aux magistratures inférieures sous les empereurs romains Vespasien et Titus. Sous l'empereur Domitien, l'année des Jeux Séculaires (88 ap. J.-C.), Tacite devint préteur comme il l'affirme lui-même dans son ouvrage qui porte le titre des Annales. Puis, il quitte la capitale romaine, la grande Rome, pour aller exercer des fonctions indéterminées en province. De retour dans la capitale, trois ou quatre années plus tard, Tacite est témoin des horreurs de la tyrannie de l'empereur Domitien dans les dernières années de son règne, comme il l'avait noté dans son livre Agricola. Sous le règne de Nerva, en 97, Tacite est devenu consul et reprend ses activités d'orateur. Il publie également ses premières œuvres que sont la Vie d'Agricola et la Germanie. Une œuvre témoin de son temps Tacite entame sa monumentale œuvre les Histoires, publiées vers l'année 109. Au cours de la période qui suit (112-113), cet éminent historien devait couronner sa carrière politique par la très importante charge de proconsul de la province d'Asie. Après cela, il entreprend la rédaction des Annales. Mais nous ne savons rien de ses dernières années ni de la date exacte de sa mort survenue vers 120 après l'ère chrétienne. Les critiques ne s'attardent pas sur la première en date des œuvres de Tacite, particulièrement le Dialogue des orateurs dont l'authenticité, d'ailleurs, a été contestée : il s'agit d'un essai de critique littéraire. Les publications suivantes de cet éminent historien ne relèvent pas encore de l'histoire proprement dite. En 98, Tacite fait paraître la Vie d'Agricola qui est une biographie, comme le titre et le contenu le montrent. On sait que, dans la période antique, biographie et histoire étaient deux genres bien distincts. Tacite, du reste, ne cache pas son intention d'honorer la mémoire de son beau-père, et de lui consacrer, avec retard puisqu'Agricola est mort en 93, une sorte d'hommage et d'oraison funèbre. Il n'empêche que si, à certains endroits de cet ouvrage, le ton est plutôt celui du panégyrique, toute la partie centrale de l'opuscule mériterait le titre d'Histoire de la conquête de la Bretagne. La même année, paraît la Germanie, étude géographique et ethnographique en deux parties. La première décrit le pays et ses habitants, en général comme les limites du territoire, l'origine et le type physique des habitants, l'organisation politique, sociale des Germains, leurs pratiques religieuses et leurs mœurs. Dans la seconde partie, plus brève, l'auteur latin passe en revue les différentes peuplades germaniques en citant : les Bataves, les Chattes, les Usipiens, les Tenctères etc. Dans l'ensemble, le ton utilisé est très flatteur pour les Germains présentés comme des guerriers courageux, épris de liberté, adversaires redoutables des Romains. Un historien passionné Tacite se tourne vers l'histoire et se lance dans des ouvrages de plus grande ampleur. Il avait déjà, dans l'Agricola, évoqué le projet d'un récit où serait opposé le souvenir de l'esclavage passé (le règne de l'empereur Domitien) au bonheur actuel (le principat des empereurs Nerva et Trajan). Mais la réalisation se présente sous une autre forme. Les Histoires débutent avec le second consulat de l'empereur Galba (69 ap. J.-C.) et s'arrêtaient à la mort de Domitien. C'était, donc, l'histoire de la dynastie flavienne avec, en guise de prolégomènes, le récit de la guerre civile de l'année 69. Mais l'œuvre est parvenue à la postérité gravement mutilée car ne subsistent que les trois premiers livres qui couvrent seulement l'année 69. Le quatrième et le début du cinquième épisodes relatent seulement les premiers mois de l'année 70. La dernière œuvre de Tacite, les Annales, retracent l'histoire de la dynastie romaine julio-claudienne à partir de la fin du règne d'Auguste. C'est, d'ailleurs, ainsi que s'intitule l'ouvrage dans les manuscrits ; l'appellation qui s'est imposée d'Annales est due à l'humaniste Beatus Rhenanus. Tacite justifie son point de départ en notant que l'histoire de la République romaine a été racontée correctement et que même l'époque d'Auguste a été illustrée par des auteurs de talent. Mais, il faut remarquer qu'au début des Histoires, l'auteur affirmait que c'est après la bataille d'Actium (en 31 av. J.-C. et remportée par l'empereur Auguste sur la reine d'Egypte, la célèbre Cléopâtre VII) que les historiens de qualité ont disparu. Mais, sous les règnes suivants, il n'était plus possible d'attendre des historiens un travail honnête. En effet, la peur du vivant des tyrans, ou la haine après leur mort ont gâché leurs récits. Il fallait, donc, reprendre cette histoire sine ira et studio. Les Annales, publiées dans les années 115-120, comptaient probablement 18 livres dont ne sont parvenus que des passages gravement amputés. Les livres I à VI sont conservés, avec des lacunes ; les livres VII à X (récit des années 37-47) ont disparu ; les livres XI à XVI ont survécu partiellement, les XVII et XVIII sont perdus à jamais. (A suivre)