Jésus n'appartient ni à la préhistoire ni à la mythologie. Il est né en pleine lumière historique, à un moment ou la civilisation romaine avait atteint son apogée (siècle d'Auguste) et dans un pays fort bien connu, la Galilée. Paradoxalement, aucun Prophète de Dieu n'apparaît affublé d'une biographie aussi conventionnelle, aussi obscure, aussi mythique et aussi invraisemblable. Rome dont la souveraineté s'étendait sur tout le Proche-Orient, avait des historiens d'une maturité indiscutable. Pourtant, en dehors de quelques rarissimes et indirectes allusions, les sources historiques contemporaines sont d'une remarquable indigence au sujet d'un homme qui devait bouleverser le monde. Le biographe Suétone (70-135 ap. J.-C.) nous apprend textuellement : «Judeas impulsore, Chrestos assidue tumultuantes Roma expulsit» (L'empereur Claude, mort en 54 ap. J.-C., expulsa de Rome les Juifs qui, excités par Chrestus, s'agitaient continuellement). Qu'entendait-il exactement par «Chrestus» ? Selon divers commentateurs, par ce terme il désignait le Christ dont il avait altéré le nom. Il est certain qu'à cette époque, il y avait des chrétiens que les Romains, peu soucieux des questions religieuses, confondaient avec les juifs et qui créaient du désordre en voulant propager la doctrine du fondateur de leur nouvelle religion, le christianisme. Un autre historien, Tacite (55-120 ap. J.-C.), pas plus explicite que Suétone, nous apprend, à propos de l'incendie de Rome et de la sévère réaction de Néron contre les chrétiens tenus pour en être les auteurs : «Auctor nominis ejus Christus Tibeno imperitante per procuratorem Pontium Pilatum supplicio affectus erat» (Néron fit mettre à mort un grand nombre de Chrétiens dont la secte tirait son nom d'un nommé Christus, lequel sous le règne de Tibère avait été condamné au supplice par le procurateur Ponce Pilate). Le célèbre historien nous révèle ainsi, à propos d'un événement historiquement connu, l'incendie de Rome, survenu comme chacun sait en 66 ap. J.-C., l'existence d'une communauté chrétienne à Rome, le nom du fondateur de sa religion, son supplice et le nom de son juge sous le règne de Tibère. Il ne nous dit rien de sa croyance, son comportement, encore moins des circonstances miraculeuses de sa naissance ou de l'obscurité dans laquelle la terre, secouée par de violents tremblements, aurait été plongée, lors de son supplice, selon les sources doctrinales chrétiennes. Les sources juives ne sont pas plus détaillées sur sa vie ni sur sa mission. Tout ce qu'elles nous révèlent à son sujet se ramène à la condamnation d'un «contestataire» dangereux pour la foi judaïque. Le Talmud n'offre rien de vraiment intéressant sur Jésus. Comme les sources romaines, il n'en parle qu'incidemment à propos de la procédure suivie contre lui pour «séduction» ou crime commis contre la pureté de la religion. On relève, en outre, dans le Talmud de Jérusalem, en note, que Jésus aurait offert de se rétracter si le rabbin Jossué Perahia n'avait repoussé sa proposition. On attribue au sujet de Jésus, à l'historien juif Josèphe qui écrit, une vingtaine d'années après sa condamnation, le témoignage suivant : «En ce moment-là était Jésus, homme sage, si toutefois il faut l'appeler homme car il faisait beaucoup de merveilles. Il enseignait la vérité à ceux qui prenaient plaisir d'en être instruits et il attira beaucoup de Juifs et même des Gentils : il était le Christ…» Il n'a pas été difficile à la critique historique de démontrer l'inauthenticité de ce passage car Josèphe n'a jamais rien écrit de pareil. Il s'agit d'une interpolation tardive, tendant à prouver des invraisemblances en invoquant le témoignage d'un mort d'une autre confession qui ne pouvait évidemment s'inscrire en faux ou protester contre ce qu'on lui attribuait mensongèrement. Restent les sources chrétiennes. (à suivre...)