L'Ecole nationale des beaux-arts d'Alger a abrité durant deux jours, un séminaire portant sur «Le patrimoine et l'art». Cette rencontre a regroupé de nombreux universitaires et étudiants des Beaux-Arts. Dans son allocution d'ouverture, son directeur, M. Neseddine Kassab, a souligné la nécessité d'un tel séminaire national. «Dans une société qui a connu autant de continuités que de ruptures-historiques, spatiales, culturelles-, susceptibles de générer des agencements inédits, la conservation de son patrimoine artistique, architectural et urbain témoigne non seulement pour l'histoire et pour l'art mais, également, pour la mémoire. Nous avons choisi cette problématique en s'articulant sur les notions de patrimoine dans la mémoire pour comprendre les dynamiques et les héritages qui participent à la construction de notre rapport aux passés. Elle se déploiera autour de la mémoire des lieux et objets d'histoire et des lieux et objets de mémoires qui devraient permettre de comprendre la manière dont ils en constituent des marques identitaires où s'articulent différentes strates du passé.» Dans sa conférence intitulée Ornementations et couleurs secrètes d'une poétique de l'espace des intérieurs de la ville de la Casbah d'Alger, l'écrivaine et plasticienne Farida Rahmani a soutenu que la Casbah d'Alger est une œuvre d'art. Elle est revenue sur la richesse de la Médina d'Alger à travers, notamment, l'évocation de son architecture, des meubles d'antan et du costume traditionnel féminin. Dans un autre registre, Nasreddine Kassab, architecte restaurateur et directeur de l'ESBA, a mis en exergue, la richesse du patrimoine culturel d'Alger. «Une cité, selon lui, qui a, longtemps, fasciné les artistes et nous offre une large palette d'œuvres picturales. Les toiles qui la racontent abordent des thématiques variées et chaque artiste, à sa manière, a immortalisé une scène, un vécu, un paysage». Il étayé ses dires en donnant comme exemple l'œuvre intitulée Nuit du Ramadhan du miniaturiste Mohamed Racim. L'universitaire Nadjat Khedda a, dans une brillante intervention, abordé la notion de «patrimonialisation». Des mécanismes, dira-t-elle, complexes. «En plus de l'esthétique, il y a dans la patrimonialisation des considérations historiques, sociales et politiques», a affirmé l'universitaire, relevant que plusieurs acteurs participent à la consécration d'un artiste, à savoir : l'école, l'université, la vox populi et la presse. «Une œuvre ne devient patrimoine que si elle rencontre l'adhésion d'un public», a-t-elle étayé. De son côté, Luisa Irazu Lopez Campos, doctorante à l'université Paris III, Sorbonne, a mis l'accent sur l'importance de «la communication en tant qu'outil de conservation du patrimoine», se référant à son expérience dans le cadre d'un travail réalisé en Espagne avec des enfants. La maître de conférence à l'EPAU, Nabila Cherif, a rappelé à l'assistance que la mosquée Ketchawa est l'un des fleurons du patrimoine religieux de la vieille ville d'Alger. Elle porte en elle l'histoire complexe et sédimentée du centre d'Al Djanina ou Dar El Soltan. «L'édifice témoigne aussi de sa propre histoire dans laquelle se croisent des mémoires, celle de la mosquée Ottomane du XVIIIe siècle édifiée à l'emplacement d'une mosquée médièvale mentionnée au XIVe siècle, puis celle de la cathédrale française Saint Philippe élevée au milieu du XIXe siècle après plusieurs tentatives et reconversion et reconstruction». Architecte et assistante à l'Institut supérieur des arts et des métiers de Sfax en Tunisie, Houniada Dhouib a affirmé que l'actualisation du patrimoine architectural en Tunisie représente jusqu'à nos jours une problématique épineuse que les concepteurs s'efforcent de résoudre de différentes manières. «Réfléchir sur des architectures et des formes urbaines qui seraient compatibles avec les structures formelles et constructives de notre héritage représente pour certains l'enjeu le plus pertinent de la conception.»