Les nouveaux dirigeants tunisiens s'efforcent de maîtriser la situation en Tunisie face au désordre et aux pillages déclenchés par la chute du régime et l'exil de Zine El Abidine Ben Ali. Seuls des tirs isolés ont été entendus à Tunis dans la nuit de samedi à dimanche, contrairement à la nuit précédente marquée par des tirs nourris mas aucune trace de nouvelles violences. Une fumée âcre planait sur la ville, mais il n'y avait aucun signe de nouvel incendie. Les rênes du pays ont une nouvelle fois changé de mains samedi. Le Conseil constitutionnel a désigné le président de la Chambre des députés, Fouad Mebazaa, pour occuper à titre provisoire les fonctions de chef de l'Etat dans l'attente d'une élection présidentielle à organiser dans un délai de deux mois. Fouad Mebazaa a succédé à Mohamed Ghannouchi, porté à la tête du pays vendredi dans la précipitation provoquée par le départ soudain de Zine Ben Ali après 23 ans de pouvoir. L'ancien dirigeant tunisien est parti en exil en Arabie Saoudite, chassé du pouvoir par un mois de contestation sociale et politique dans la rue. Plusieurs dizaines de personnes sont mortes depuis le début de ce mouvement de protestation. Premier ministre de Ben Ali depuis 1999, Mohamed Ghannouchi a été chargé par le nouveau président par intérim de former un gouvernement d'unité nationale. Il a déjà entamé des consultations avec des opposants à Ben Ali et il devrait les poursuivre ce dimanche. La France rompt le silence Des soldats et des chars ont été déployés dans le centre de Tunis pour tenter de rétablir l'ordre après les violences et les pillages survenus depuis vendredi soir. Des hommes armés circulant dans des voitures ont tiré au hasard samedi dans les rues de la capitale tunisienne. On ignore l'identité de ces assaillants mais de source militaire haut placée, on a déclaré à Reuters que des éléments fidèles à Ben Ali étaient responsables de ces fusillades. Des dizaines de détenus ont été tués en tentant de s'évader de la prison de Mahdia. Une autre tentative d'évasion collective a eu lieu à la prison de Monastir, elle aussi située au sud de Tunis, et l'établissement a pris feu, ont rapporté des témoins. «Ils ont tenté de s'évader et la police leur a tiré dessus. Il y a des dizaines de morts et tous les autres se sont enfuis», a dit un habitant, Imed, qui réside à 200 mètres de la prison de Mahdia. La tentative d'évasion à Monastir s'est soldée par la mort de 42 personnes, a rapporté l'agence de presse officielle Tap. Mohamed Ghannouchi a confirmé que des membres de la famille de Zine Ben Ali avaient été arrêtés. Il n'a pas précisé leur identité. La chaîne de télévision Al Jazeera a rapporté que le chef de la sécurité présidentielle de Ben Ali, Ali El Seriati, avait aussi été arrêté. Nicolas Sarkozy a rompu samedi le silence qu'il observait au sujet de la situation en Tunisie. Le président français a demandé l'organisation d'«élections libres dans les meilleurs délais». Après un entretien avec Mohamed Ghannouchi, Najib Chebbi, l'un des chefs de file de l'opposition à Ben Ali, a jugé que des élections pourraient avoir lieu sous supervision internationale dans un délai de six à sept mois. Des centaines de touristes européens bloqués en Tunisie par les émeutes ont été rapatriés en urgence. Fermé vendredi, l'espace aérien tunisien a été rouvert.