Dernièrement, ce groupe d'une dizaine de personnes seulement et qui s'affiche comme exclu du système officiel local et des institutions culturelles, a organisé coup sur coup des sit in sur la placette du théâtre régional. Ils ont tenu de sortir de leur mutisme et exprimer haut et fort leur ras-le-bol face au mépris des officiels. Certains ont parlé de mainmise de «parvenus», de «pistonnés», de «médiocres» sur les directions du secteur de la culture. Les mécontents reprochent au wali en place de les ignorer et de ne s'intéresser qu'aux projets de construction parce qu'ils sont ,disent-ils, des indépendants. Ces mécontents critiquent ouvertement le maire de Batna et l'accusent d'être totalement indifférent et insensible à la chose culturelle, voire aux intérêts culturels de la ville. La maison de la culture où le directeur en place est surnommé «le Cobra», le théâtre régional dit professionnel et l'école régionale des Beaux-Arts à la tête de laquelle le directeur comptabilise 27 années, sont les principales cibles avec la direction de wilaya de la culture que dénoncent les mécontents. Ils estiment tout simplement que le fonctionnement de ces structures ne répond pas aux critères de la gestion qualitative de la culture mais obéiraient selon eux aux «humeurs vagabondes» de leurs directeurs et aux «désirata» officiels ou agitation culturelle sur commande. Curieusement, ces mécontents excluent de leurs cibles l'institut régional de musique dont le directeur M. Setti Belkacem (formé en URSS) est à l'origine de la dotation de Batna d'un orchestre philharmonique (musique universelle). Pour eux, l'attitude négative de l'APC vis-à-vis des salles de cinéma fermées depuis de longues années est suspecte. Batna a une cinémathèque depuis 1987 mais qui est fermée, la salle de cinéma située au quartier Parc à Fourrage aurait été transformée en atelier de couture pour jeunes filles, celle de la cité Kémouni que l'on s'apprêterait à transformer en locaux commerciaux et celles de la cité AN-Nasr sont toujours réservées au couffin du Ramadhan qui passerait pour une source de fortune pour cetains. Ajoutons à ces griefs, les cas des salles de cinéma de la maison de la culture que le directeur refuserait de remettre en fonction pour des raisons liées au problème de distribution de films. Jadis, cet établissement disposait non seulement de son cinéma mais aussi de son ciné-club que dirigeaient deux animateurs de talent : Hamid Méziane, exilé à Marseille lors de la décennie noire, et Mahmoudi dit Maminou qui vient de décéder des suites d'un cancer de la prostate. Il est vrai que la salle de cinéma est devenue plutôt un espace fréquemment réquisitionné pour de stupides activités politiques qui ne sont à Batna ,comme ailleurs dans le pays, que de l'activisme clientéliste sans aucun intérêt pour la société et les jeunes. Quant au centre culturel ou médiathèque située au quartier Abattoir, des pourparlers seraient en cours pour transférer l'établissement au profit de la jeunesse et des sports. Pour les mécontents, c'est terrible aberration que de brader à Batna les équipements du secteur de la culture. Faire de cette médiathéque une salle de sports est un non-sens alors que l'on aurait dû penser aux moyens de transport des adhérents et des adhérentes. Le plan d'action culturel et artistique concocté par sa directrice Mlle Bouakaz Atika tombera-t-il à l'eau ? C'est ce que veut le maire de Batna qui aurait, selon certaines sources, proféré récemment des insultes à l'égard de la directrice. C'est l'un des signes attestant que rien ne va plus à Batna et le wali est prié de remettre de l'ordre et de revoir le système dans son ensemble. Les mécontents veulent lui dire que ceux qui sont en charge de la culture dans la ville ne connaissent rien à la culture. C'est pourquoi ils ne tiennent pas à baisser les bras mais continueront à crier au scandale de cette pléthore de responsables offrant plutôt le profil de «maquignons» des affaires alors que le système culturel local a besoin de vrais managers du savoir, de la culture et des arts. On dit à Batna que l'intermédiation dans les transactions de marchés publics est plus porteuse vers les cieux. La culture avait connu à Batna ses années de gloire mais depuis 1989 elle est redevenue une pyramide renversée. Le triomphe des incultes et des opportunistes a largué les intellectuels qui, malgré leurs capacités avérées, sont rejetés par cette confrérie des «maquignons» des affaires, par les jeux de coulisses et par une «chitta» clientéliste en puissance. Faut il comprendre que la compétence fait défaut à la tête et dans les institutions culturelles officielles alors que paradoxalement elle court les rues dans cette ville par trop ruralisée et banalisée ? Les compétences de Batna sont soit chômeurs, soit malades, soit résignés, ayant de surcroît juré de ne plus composer avec le système moyen-âgeux local que les autorités ont de tout temps préféré pour ne pas être dérangées par ceux qui ont l'audace de défendre leurs compétences en tapant sur la table et qui sont capables même de renoncer au «koursi» en cas de perversion de la culture telle qu'imposée par des supérieurs hiérarchiques fussent–ils un wali ou un ministre. A la recherche du paradis Les exclus de Batna font, donc, entendre leur voix qui réellement pour la culture et qui pour décrocher un poste de travail après des années de disette ou pour obtenir un petit projet d'aménagement urbain , contrats qui sont attribués sous la table à quelques artistes privilégiés. D'ailleurs, les Batnéens n'ont pas apprécié les décors placés à certains ronds points de la ville tel celui du quartier Parc à fourrage où les motifs sont ceux de Kabylie et non des Aurès. Dépersonnalisation qui se poursuit depuis belle lurette sur plusieurs plans au point où les Aurès, c'est désormais du passé, voire une légende de l'histoire. A quand le changement culturel ? C'est ce que veulent imposer les mécontents des arts et de la culture bien que la tâche les dépasse du fait qu'elle relève plus d'une élite pluridisciplinaire que de simples passionnés du pinceau , du livre et du théâtre. Changer les directeurs des établissements, est-ce cela la solution s'il n'y a point de vrais cadres et surtout d'une pépinière de créateurs ? C'est Mostefa Lacheraf qui avait dit que la politique d'ouverture de maisons de culture est prématurée tant que nous n'avons pas préparé un encadrement et suscité des créateurs destinés à leur donner une âme et une raison d'être. Certains parmi les «mécontents» seraient ils seulement intéressés par des postes d'emplois plus que toute autre considération, utilisant cette revendication culturelle pour mieux entrer dans le milieu et naviguer ? C'est l'impression dégagée par certains observateurs locaux. Il est logique qu'ils fassent appel au wali pour qu'il leur fasse appel, question de discuter et d'échanger des idées sur le comment d'une vraie relance culturelle à Batna. Les débats devant déboucher sur de vrais programmes, c'est ce qui manque le plus à Batna où le cloisonnement en strates distinctes, voire en clans reste la structuration clé du système local qui se caractérise ainsi par un monopole systémique alors que la culture, plus que tout autre secteur, aurait dû être l'affaire de tous dans la cité. Un nouveau directeur de wilaya de la culture vient d'être installé à Batna, ce qu'un confrère a attribué faussement à l'agitation des «mécontents» puisque la procédure de remplacement du directeur partant M. Benbouzid était engagée déjà par l'ancien wali qui n'aurait pas admis que la ministre de la Culture lui force la main. Le reste n'étant à Batna qu'une question de positionnement socio-économique et recherche de privilèges… puisqu'il y a une rente à partager ou à arracher.