? Dans le monde arabe «entre l'élite militaire et les élites religieuses, il n'y a toujours rien». Imposer la démocratie par le haut, comme a voulu le faire George Bush en Irak, ne peut pas fonctionner, cela ne fait que renforcer la contrepartie religieuse. En revanche, l'émergence d'une société civile, le troisième pouvoir attendu, vient déranger l'immobilisme des deux autres. La société civile ? Mais quelle réalité ? Quelle solidité ? Questions centrales bien entendu. La Tunisie semble «en avance» de par sa jeunesse éduquée. Mais, même en Egypte, où 30 % des emplois sont encore agricoles, une société civile émerge de l'échec social : du terreau du chômage de masse, des inégalités, de l'absence de réformes et, aujourd'hui, de la montée des prix alimentaires. Elle se soude sur trois revendications : contre la corruption des élites, contre la pauvreté et pour les libertés politiques – de communication et de création. Elle prospère sur la mondialisation des images, le cybermonde dont parle Daniel Cohen : l'information télévisuelle et les échanges Internet engendrent des comparaisons insupportables entre «ce qui se passe ici et ce qui se passe ailleurs». Tout cela fait-il que le scénario iranien du remplacement du despote militaire par le despote religieux est exclu? Non, les partis islamistes représentent les forces les plus organisées, ils sont incontournables pour diriger ou participer au pouvoir. Mais l'optimisme vient du jeu à trois, beaucoup plus ouvert et changeant. Il va falloir créer 80 millions d'emplois d'ici à 2020 dans la région pour absorber les nouvelles générations. Impossible sans promouvoir la société civile.