La «passion» africaine du colonel Mouammar Kadhafi va pouvoir s'exprimer, pendant un an, à la tête de l'Union africaine. Le guide libyen, seul chef d'Etat d'Afrique du Nord à participer au douzième sommet de l'organisation, a été élu, hier, à Addis-Abeba à la présidence par les chefs d'Etat et de gouvernement. C'était une simple formalité, la présidence de l'UA revenant à l'Afrique du Nord et il était le seul à être intéressé pour prendre la charge tenue par le président tanzanien Jakaya Kikwete. L'on peut s'attendre à une année de présidence aussi colorée que l'arrivée en fanfare du colonel entouré par une dizaine de rois africains en tenue traditionnelle. Le nouveau président de l'UA a dit espérer que son «mandat sera un temps de travail sérieux et pas seulement de mots». Le sérieux, selon Kadhafi, c'est « de pousser l'Afrique en avant vers les Etats-Unis d'Afrique». Un projet qui suscite, c'est un euphémisme, plus que des réticences chez nombre de ses pairs. Et de fait, le volontarisme panafricain du colonel Kadhafi et du président sénégalais Abdoulaye Wade qui voulaient la constitution d'un «gouvernement de l'Union africaine» devant mener à la mise en place des Etats-Unis d'Afrique (EEA) s'est à nouveau heurté aux objections des réalistes. Ceux-ci, Afrique du Sud en tête, préfèrent approfondir les unions régionales plutôt que de s'engager dans une problématique union continentale. Comme d'habitude, les responsables africains s'en sont tirés par un compromis qui n'engage au fond à rien, chacun pouvant en faire la lecture qui lui sied. Mais il est clair, à la lumière des discussions, que les Etats-Unis d'Afrique ce n'est pas pour demain. Les arguments selon lesquels une telle union serait la mieux appropriée pour aider le continent à résoudre de lui-même les conflits internes et à gérer au mieux les effets de la mondialisation n'ont pas été retenus par les «réalistes». Pour eux, le fait que les regroupements régionaux, au format plus réaliste, aient de la peine à s'enraciner, montre qu'il est urgent de ne pas se presser. Les termes du débat ouvert au sommet de l'UA en 2007 au Ghana n'ont donc pas changé. Le dernier sommet tenu en Egypte, en juillet 2008, n'a pas tranché. A Addis-Abeba, il n'y a donc pas eu de mesures révolutionnaires. Plutôt que d'avoir un «gouvernement de l'Union africaine» qui serait ressenti comme un empiètement sur la souveraineté des Etats, la Commission de l'UA devient une «Autorité». Le président sortant de l'UA, le Tanzanien Jakaya Kikwete, l'a clairement énoncé. «En principe, nous avons dit que l'objectif ultime était les Etats-Unis d'Afrique». La nouvelle Autorité africaine aura, a-t-il indiqué, un mandat élargi, un plus grand budget et des «capacités plus grandes». Rien de bien clair. Une Autorité ayant par définition des pouvoirs bien déterminés, il faudra attendre d'en connaître davantage sur ses nouvelles structures et ses prérogatives. On indique que la nouvelle Autorité sera coiffée par un président et un vice-président. On en parlera en... 2017 Les actuels commissaires de l'UA seront transformés en «secrétaires» qui auront des «domaines de compétence partagée», dont la réduction de la pauvreté, les infrastructures, les maladies épidémiques, la paix et la sécurité, la criminalité transnationale et le terrorisme. Le président de la Commission de l'UA, Jean Ping, a estimé que l'Autorité africaine «nous rapproche de notre objectif: créer un gouvernement de l'Union». Cela reste à démontrer. Il est cependant clair que le forcing libyen n'aura pas été concluant. Kadhafi devra se contenter du fait que le principe des Etats-Unis d'Afrique est retenu, mais que ceux-ci doivent se faire lentement. La nouvelle Autorité ne devrait devenir un gouvernement continental, si tout se passe bien, qu'en 2016. Les bases des Etats-Unis d'Afrique seraient jetées en 2017 lors d'une conférence panafricaine. L'horizon n'est pas très lointain. Il n'est pas sûr que cette projection sur moins de dix ans, au vu des difficultés des regroupements régionaux, soit «réaliste». On en discutera sûrement encore dans dix ans.