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Les tueurs silencieux
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 03 - 03 - 2009

L'année 2008 a enregistré 42 décès par émanation toxique de monoxyde de carbone. Ce gaz très connu par les anciens, appelé «El Mer'oub» (terrifiant ?), appellation appropriée pour ce tueur d'hommes, est en passe de reprendre ses droits dans les campagnes et les cités urbaines.
Son générateur n'était autre que le charbon de bois qui se consume mal, dans le brasero appelé communément « nafekh ». La mise à feu du charbon, surmonté d'un cylindre métallique, généralement une boite de conserve sans fond, s'effectuait à l'extérieur du logis. Dès l'incandescence du foyer, le brasero est introduit à l'effet de chauffer les lieux. Les précautions à prendre, pour éviter le risque, étaient connues de tous ; le brasero n'était jamais gardé à l'intérieur après la consumation de son contenu. La dangerosité de ce gaz n'est possible qu'en présence de confinement intérieur hermétiquement clos. La modernité a certes supprimé l'archaïsme du chauffage par le charbon de bois, mais elle a introduit de nouveaux modes de chauffage fonctionnant au fuel, à la résistance électrique ou au gaz combustible (butane, propane ou naturel). Le propos n'est pas l'intoxication par le gaz qui soulève un autre débat, mais les émanations dues à sa mauvaise combustion et l'évacuation défectueuse des fumées générées par celle-ci. Du temps des cheminées, la première qualité recherchée de celle-ci, était son bon « tirage ». Plus elle allait haut, mieux ça valait. Son ramonage périodique permettait une meilleure fluidité circulatoire de l'air. Les interstices entre le fourreau et le mur étaient soigneusement colmatés pour éviter les émanations nocives. Il est souvent observé des pertes de conscience dans des garages fermés où des moteurs à carburants fossiles dégagent de l'oxyde de carbone ; invisible bien sur, mais demeurant néanmoins odorant. L'on ne peut s'en rendre compte que par le larmoiement des yeux provoqué par l'âcreté des gaz brûlés.
Les hivers rigoureux, comme celui de cette année, sont particulièrement meurtriers. Mais ceci ne doit aucunement justifier ces pertes de vie, avec une aussi crédule fatalité. Des âmes innocentes, notamment l'enfance, payent le plus lourd tribut. Il est inadmissible qu'en l'état actuel de nos connaissances, des familles entières soient décimées ou « décapitées » dans leur sommeil ou dans leur état de veille. Le funeste sort, fait qu'il y ait parfois des survivants, le père ou la mère ou les deux à la fois pour avoir été momentanément absents. El Hamel, localité de la périphérie de Bou Saada, a vécu cet hiver, un drame qui a fait six victimes dont les parents par défectuosité d'un appareil de chauffage au gaz. Les seuls miraculés, furent deux petits frères âgés de 6 ans et de 4 mois dont l'un, porte depuis lors, des séquelles neurologiques. Le plus regrettable dans cet accident, est le fait que le chef de famille a parlé de cette nuisance, bien avant la fatidique nuit, à son entourage. L'imprudence ou l'inadvertance sont souvent les motifs injustifiables de ces accidents le plus souvent tragiques. Ils sont admis et classés systématiquement par l'inconscient collectif dans la rubrique « Faits divers ». Les services chargés de l'hygiène et de la salubrité publique ne doivent plus se limiter à l'inspection de l'hygiène générale, mais à la recherche de nuisances apparentes ou non, à l'effet d'éviter la mort à de potentielles victimes inconscientes des dangers qui les guettent. L'observance des règles de conformité, ne doit plus être appliquée qu'aux seuls établissements recevant du public, et là encore, il y a beaucoup à en redire. La salubrité de l'habitat collectif et individuel, devra être érigée en règle cardinale. Et là, il n'est nul besoin d'être grand clerc pour préconiser la solution la plus simple : installation de bouche d'aération. Nos souvenirs d'antan et pas très lointains, nous font remémorer que les vénérables E.G.A (Electricité et Gaz d'Algérie) faisaient, lors de l'installation de gaz, des trous à la perceuse au bas des portes des locaux où se trouvait l'appareillage. Ces trous permettaient une circulation permanente de l'air, ils suppléaient de manière prosaïque à la plaquette en aluminium faite de petits volets rectangulaires, tellement légers qu'ils battaient au passage de l'air. Ce système était aussi, le moyen idoine de vigie. Dans la campagne, la fatalité en face de ces drames est impardonnable ; ce sont généralement les moto pompes placées dans les puits qui en sont la principale cause. La cupidité d'inspiration « économie de bouts de chandelles » fait que l'on ne prenne pas la précaution de faire évacuer les gaz, par un pot d'échappement qui aboutit à la surface du périmètre du puits. En cas de panne, la première personne qui se propose pour le dépannage est généralement la première victime, elle est suivie par ceux qui, tenteront de la tirer d'affaire. Pourtant il existe des moyens rudimentaires et éprouvés pour détecter ce gaz mortel ; l'exemple des mines à charbon est révélateur d'un génie ouvrier qui détectait les gaz nocifs par la seule présence d'un moineau en cage ; la mort du volatile renseignait d'emblée sur l'atmosphère toxique. L'utilisation d'une simple bougie allumée et qui s'éteint sans raison évidente, peut alerter sur la spoliation de l'air ambiant et par déduction sur l'absence d'oxygène. Mais tout ceci doit faire l'objet d'un apprentissage patient et persévérant pour éviter ces hécatombes. Il n'en demeure pas moins que ce ne sont pas seulement les gaz brûlés qui sont à l'origine des intoxications létales, il y a le méthane aussi ; produit par les déchets organiques charriés par les réseaux d'assainissement. Il fait épisodiquement de nombreuses victimes. Il est facilement vérifiable qu'en période de froid, les trous des tampons d'assainissement exhalent une colonne de vapeur contenant ces gaz. Il suffit que ces trous soient obstrués par de la boue ou carrément goudronnés, comme il est souvent constaté, pour que des poches de ce gaz mortel à l'inhalation, se forment dans les tréfonds des collecteurs d'égouts ou dans les voûtes d'évacuation. Il est régulièrement rapporté par la presse, l'intoxication de tout un chantier de manoeuvres, victimes d'inhalation prolongée de ce gaz. Dans ce cas, les mêmes précautions sont à faire observer par les services en charge de l'entretien des réseaux d'évacuation des eaux usées : Aérer profusément devient le maître mot. Le personnel interventionnel doit être outillé pour ne pas tomber dans le même revers. Et c'est là où apparaît l'efficience des services de l'inspection du travail qui ne se limitent malheureusement, en l'état actuel des choses, qu'à la constatation des conséquences des nuisances sans pouvoir y parer efficacement. Les textes législatifs et réglementaires foisonnent, mais la notion de : qui fait quoi ? demeure assurément, une équation à plusieurs inconnues ! On peut toujours disserter par extension sur les dangers induits par les supposés attributs de la modernité : chauffage à gaz, moteur à carburant, sèche cheveux et autre outillage domestique. Ces équipements qui participent sans aucun doute au confort domestique, n'en demeurent pas moins à l'origine de risques mortels : de ces deux membres d'une même famille de Constantine, brûlés vifs, par l'embrasement de leur appartement, l'origine en était le carburant qui fuyait du réservoir d'une motocyclette, placée près de l' appareil de chauffage ou de cet handicapé de la même ville, transformé en torche vivante dans sa voiturette percutée par une motocyclette en pleine course ou récemment de cette famille de quatorze membres à Mansoura( Ghardaïa) victime de l'explosion concomitante de deux bouteilles de gaz butane. La plupart de ces accidents sont dus à des fuites d'appareillages souvent bricolés. Nous sommes loin des cimetières entretenus par les accidents de la circulation où de doctes hypothèses sont, ici et là, avancées : Vétusté du réseau routier, prime jeunesse des conducteurs, défectuosité des machines etc... Les causes aussi différentes que multiples participent toutes d'une insouciance à la limite de l'inconscience et dans le terme ne peut être qu'une mort violente ou un handicap invalidant à vie.
La riposte communautaire doit être une action volontariste et soutenue pour développer dans le tissu social, des réflexes d'autodéfense pour sa propre intégrité physique et de celle du groupe humain auquel on appartient. Le « porte à porte » est dans ce cadre plus que jamais requis, si l'on veuille toutefois, sortir de cette déshérence socio culturelle dont les béances sont de plus en plus larges. Le support télévisuel est plus que jamais sollicité pour la sensibilisation dans l'éveil des consciences. Une vie humaine n'a pas de prix, il suffit d'y penser pour en mesurer toute la symbolique. En Israël, toute une communauté est mobilisée pour la sauvegarde d'une seule et unique personne : le soldat Shalit. Qu'en est il chez nous ? Notre attentisme mortifère nous fait complaire dans une attitude placide devant la disparition de centaines d'êtres humains sans motif de guerre. C'est ici où les volontaires du Croissant rouge algérien, les Scouts musulmans algériens et les associations caritatives doivent s'investir à l'effet de changement de comportement d'une société en perte multidimensionnelle de repères.


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