Au moment où des partenariats se concluent en cascade avec des opérateurs étrangers, le gouvernement travaille sur la séparation de la fonction commerciale des entreprises portuaires et leur mission de puissance publique. En ligne de mire : la création d'un organe de régulation pour arbitrer les activités concurrentielles qui se développent dans nos ports. L'Algérie a donc tranché : cap sur le recentrage des ports maritimes, sur leurs activités régaliennes et le transfert du chargement et du déchargement des navires au privé étranger. Les joint-ventures se concluent et promettent d'en améliorer la compétitivité et la rentabilité. Après de longues hésitations, le lancement de la réforme des ports a franchi une étape décisive. Premier axe : délimiter de façon claire les activités relevant du ressort de la puissance publique et celles relevant du secteur concurrentiel. La mission de régulation des activités portuaires incombe, de fait, aux entreprises portuaires qui assurent la casquette d' « autorité portuaire ». « Or, le caractère commercial et monopolistique concomitants, les met en porte-à-faux avec cette attribution. Les entreprises portuaires ne peuvent s'autoréguler, étant donné que leur souci est de maximiser la performance. Il est vrai qu'une partie des tarifs de prestation, celles considérées comme relevant de service public, est réglementée par voie de lois de finances. Cependant, ce mode de régulation est inefficace car lourd lors de la décision, non flexible et décidé loin de l'activité portuaire. Exemple : les tarifs de séjours des conteneurs dans les enceintes portuaires, dont la dernière révision remonte à 1998, bien que l'engorgement des parcs à conteneurs recommande une augmentation dissuasive des prix. D'où la nécessité de réformer la loi 98-05 portant Code maritime algérien », explique-t-on de sources portuaires. Autre perspective : la création d'un observatoire des coûts des passages portuaires. Une institution publique qui disposera de l'autorité d'exiger de l'information aux acteurs des secteurs maritime et portuaire. Aussi, le secteur a besoin d'accélérer l'application des réformes décidées il y a quelques années. Objectif : permettre à nos ports de rattraper leur retard sur leurs concurrents méditerranéens. Le gouvernement a décidé d'agir pour stopper la lente descente aux enfers des ports algériens. Leur faible performance est d'autant plus spectaculaire que le trafic maritime entre les deux rives de la Méditerranée a explosé. Les causes de cette contre-performance ? « Le manque de fiabilité sociale et la faible productivité des terminaux et un coût plus élevé que celui des concurrents. Un fret Marseille - Alger coûte 40 % plus cher qu'un Marseille - Tunis. Les transporteurs facturent la non-performance du port d'Alger », énumère un responsable de l'Entreprise du port d'Alger (EPAL). Djazaïr Port World, la deuxième joint-venture, officiellement créée le 15 février dernier, à la faveur d'un marché passé au gré à gré, entre l'EPAL et Dubaï Port World (DPW), 3è opérateur mondial dans les terminaux à conteneurs, a pris les commandes du terminal à conteneurs du port d'Alger, mardi dernier. Les étrangers à la rescousse En 2008, au port d'Alger, le trafic annuel n'a pas dépassé les 400 000 conteneurs avec une moyenne horaire de déchargement de 10 conteneurs. La plus faible de toute la Méditerranée. Avec DP World, à terme, le trafic annuel doit passer à plus de 700 000 conteneurs. La joint-venture permet au port d'Alger d'encaisser une redevance en fonction du chiffre d'affaires. En tant que partenaire étranger, DP World paye un ticket d'entrée de 16 millions d'euros. Et le capital de la société Djazaïr Port World étant de 20 millions d'euros, il est également réparti à 50-50 entre l'EPAL et Dubaï Port World. La société bénéficie d'une concession du terminal à conteneur sur 30 ans. L'objectif à terme de DP Word est de faire du port d'Alger une infrastructure rentable. Il faut donc bien investir massivement : l'EPA partage à moitié avec son partenaire, les dépenses d'investissements de près de 10 milliards de dinars prévus notamment pour les infrastructures, (environ 4,1 milliards de dinars), l'acquisition d'équipements (dont des portiques) et la mise en place d'un système de gestion informatique (250 millions de dinars) et autant pour les ressources humaines. Le nouveau partenariat vise à induire une baisse des coûts et de la durée du passage dans ce port algérois, ce qui permettra d'en tirer profit, affirme un armateur. Un bateau perd de l'argent quand il est au port et en gagne quand il est en mer. Le port algérois s'étendra sur 18 ha de surface, au lieu de 12 ha actuellement. Le système de management est confié à Dubai Port selon deux modalités. La première est un contrat de performance, payé durant sept ans par la société concessionnaire. La seconde, au-delà, prévoit un management sans paiement, à la responsabilité de Dubai Port et l'encadrement sera totalement assuré par des Algériens. Le business plan prévoit de faire progresser de 20 % la rentabilité au bout de dix ans. Les deux sociétés concessionnaires payeront à l'Etat algérien une redevance fixe sur le m² et une redevance variable sur le chiffre d'affaires. « Des garanties d'emplois » L'EPAL doit fournir à Djazair PW 660 employés, durant la première année. Et, le terminal va devoir encore recruter. Mais pas massivement : à long terme, par souci de rendement, les effectifs sont même appelés à baisser. En 1982, à sa naissance, l'EPAL fait travailler 7.000 travailleurs pour manutentionner environ 4 millions de tonnes de marchandises par an. En 2008, ce port traite plus de 6 millions de tonnes, avec la moitié de cet effectif. La direction assure qu'il « n'y a jamais eu de licenciements. Les départs ne sont pas toujours remplacés. La réduction d'effectif est un processus naturel de la modernisation des équipements et de l'organisation ». Les ports algériens sont en retard dans les qualifications requises pour un terminal moderne. Les opérateurs étrangers se chargeront de la mise à niveau. DP World a également décroché la concession du port de Djendjen. Dans un mois, la joint-venture entre DPW et l'Entreprise portuaire de Djendjen entrera en activité. Ce port en eau profonde est destiné à devenir un véritable port de transbordement et d'éclatement. Objectif : tirer le trafic pour atteindre 1,5 million d'EVP (conteneurs) par an, alors qu'il se situe à moins de 100.000 aujourd'hui. Le transfert de ces activités et de ces personnels de manutention portuaire des ports maritimes à des opérateurs étranger a été lancé, il y a quatre ans. La première joint-venture conclue avec un opérateur étranger a été signée par le port de Béjaïa avec le singapourien Portek. Les ports algériens ont besoin autant de savoir-faire étranger que d'une injection massive d'argent public, et l'Etat appelé à doubler ses investissements durant les prochaines années.