Le Rasmussen nouveau est arrivé. Il n'est plus Premier ministre danois. Il est secrétaire général de l'Otan, il s'est luxé l'épaule, des médecins turcs l'ont traité. Il les en a remerciés dans une conférence de presse où il portait un bandage sous sa veste. Contrairement au souhait exprimé, hier, dans ces colonnes, Anders Fogh Rasmussen, a changé et a tenu un discours conciliant à l'égard des pays musulmans. Que pouvait-il d'autre après les propos de Barack Obama en Turquie ? Bien entendu, il ne renie pas son attitude dans l'affaire des caricatures du Prophète, mais il relativise en édulcorant. Il a défendu la liberté d'expression comme «pré-condition pour un dialogue ouvert et clair (...) Chacun de nous doit pouvoir faire usage de sa liberté d'expression. C'est de cette façon que nous fermerons la voie à la haine et aux divisions». Un argumentaire classique qui omet de constater que la liberté d'expression occidentale tant célébrée s'arrête net sur des sujets «tabous», comme, par exemple, la mise en cause d'Israël... Mais à l'évidence, ce qui compte pour Rasmussen est d'essayer d'effacer l'image d'un homme animé par une authentique hostilité à l'égard des musulmans. Sans avoir à revenir sur l'affaire des caricatures, ses propos sur les pays pétroliers (voir l'édito du Quotidien d'Oran d'hier) étaient chargés d'une sorte de vindicte belliqueuse qui a largement influencé cette image. «J'ai été profondément attristé que ces caricatures soient considérées par de nombreux musulmans comme une tentative du Danemark d'injurier ou de manquer de respect à l'islam et au prophète Mahomet. Rien ne pouvait être plus éloigné de mon esprit». C'est le ton général. Les Etats-Unis ne sont pas en guerre contre l'Islam, a annoncé le commandant en chef, Barack Obama, dans une adresse au Parlement turc. La ligne est tracée. Et puis Rasmussen était en Turquie pour le forum sur l'alliance des civilisations et il fallait bien adapter le discours à l'environnement. Et surtout éviter que l'affaire des caricatures ne vienne conforter l'idée que l'Otan est une organisation militaire qui combat un islam «menaçant» et «terroriste». Caricaturalement représentatif Le Rasmussen nouveau est donc arrivé, juré, craché, il prêtera une grande attention aux sensibilités religieuses dans son nouveau rôle de secrétaire général de l'Otan. «Je respecte l'islam comme l'une des grandes religions du monde et je respecte tout autant ses symboles religieux (...) Pendant mon mandat de secrétaire général, je prêterai une grande attention aux sensibilités culturelles et religieuses des différentes communautés qui peuplent notre monde de plus en plus pluraliste et mondialisé». C'est qu'il est désormais le patron d'une alliance politico-militaire qui est engagée dans la plus vaste opération militaire de son histoire en Afghanistan, terre musulmane où les islamistes sont très présents. Les talibans, qui donnent du fil à retordre aux troupes de l'Otan, vont sûrement apprécier. Quelle meilleure preuve de l'orientation réelle des idéologues de l'hégémonie armée que de porter à la tête de l'Otan un homme aussi «caricaturalement» représentatif du clash des civilisations ? La Turquie, seul membre de l'Alliance à population majoritairement musulmane, y pensait sûrement en estimant que la nomination de Rasmussen ne faciliterait pas la tâche de la mission des forces de l'Otan embourbées en Afghanistan. Apparemment, l'ancien Premier ministre danois l'a compris et a choisi d'édulcorer. Il fera «particulièrement attention» en assurant que «notre dialogue et nos relations avec le monde musulman vont se développer». On verra bien sous quelles formes...