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Les cent premiers jours d'Obama : chapeau, l'artiste ?
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 28 - 04 - 2009

Un ton nouveau, un grand président, des actions volontaires en matière économique et diplomatique... mais des résultats qui se feront attendre.
Inaugurés par Roosevelt, qui avait pondu 16 grandes lois de réforme en trois mois, les «cent jours» sont depuis un point de passage obligé pour tout nouveau président américain. Barack Obama s'en sort plus qu'honorablement. Certes, le bilan de son prédécesseur, George W. Bush, était tellement exécrable que le successeur ne pouvait que faire beaucoup mieux. D'un autre côté, la situation de la maison était tellement dégradée que les travaux de restauration seront d'évidence longs et coûteux.
D'autant que l'arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche a pratiquement coïncidé avec l'émergence d'une crise économique sans précédent dont tout le monde ignore l'ampleur à venir, la durée et les conséquences à long terme. Disons-le tout net: à défaut de trouver des solutions à tous les problèmes qu'il rencontrera, Barack Obama a déjà fait la démonstration qu'il sera un «grand» président américain.
INTERVENTION ENERGIQUE SUR LE FRONT ECONOMIQUE
Sur le plan financier, le nouveau président n'a pu que poursuivre et amplifier la tentative de sauvetage des banques sur fonds publics. Comme en Europe et dans le reste du monde, les contribuables américains paieront la note des folies de «managers», membres des conseils d'administration, dirigeants d'entreprises ou gestionnaires de fonds de pension pris dans une folie spéculatrice dont la planète aura du mal à se remettre. Mais rassurez-vous: la prise de risque ne sera pas sanctionnée et les actionnaires ne devront pas payer pour leurs bêtises. L'argent public est là pour cela. A tel point que les sommes versées sont vertigineuses.
Sauvetage in extremis des banques (pour combien de temps ?), plan de secours pour l'industrie automobile, aides à l'immobilier, le président américain a obtenu du Congrès le vote rapide d'une loi de relance de 787 milliards de dollars (environ 610 milliards d'euros) sur trois ans. Le budget débattu au Congrès, 3.550 milliards de dollars pour l'année fiscale en cours close en octobre, inclut un déficit historique de 1.750 milliards. Cette prise de gages sur l'avenir alors que la dette américaine représentait, avant la crise d'octobre, la moitié de la dette mondiale, n'est possible qu'à une condition: le dollar doit rester la monnaie-pivot mondiale, ce qui permet aujourd'hui de faire tourner a volo la planche à billets. Il n'est pas dit que cette exception du dollar puisse perdurer longtemps. Certes, le dernier sommet du G 20 a soigneusement mis de côté la «proposition-menace» chinoise de constituer une monnaie internationale assise sur les différents cours des principales monnaies (yen, yuan, dollar, euro) mais la question a été lancée. Elle réapparaîtra tôt ou tard. Une telle hypothèse réduirait fortement les marges de manoeuvre du gouvernement américain qui a réaffirmé fortement que la prédominance du dollar restait une donnée «stratégique» pour leur pays.
En revanche, Barack Obama n'a pas hésité à rompre avec les dogmes libéraux qui dirigent la politique américaine depuis trois décennies. Non seulement les banques et assurances en faillite sont nationalisées. «Nationalisation» ! Horresco referens, «je frémis en le racontant », comme disait les Romains. Mais le nouveau président entend également introduire la notion d'un salaire maximal pour les patrons des entreprises aidées. Une révolution dans le pays du renard libre dans le poulailler libre. Réintroduisant fermement les vertus de l'Etat-interventionniste, Barack Obama propose même de remettre en scène «l'Etat-providence» en proposant aux Américains trois chantiers de grande ampleur et de long terme sur la santé, l'éducation et les énergies renouvelables. Contrairement à notre sémillant président français qui veut privatiser la santé et l'hôpital public (mettant dans la rue, cette semaine, pour la 1ère fois ensemble les brancardiers, les infirmières et les professeurs de médecine !), les démocrates américains découvrent, en les enviant, les avantages autant sociaux qu'économiques du système européen de l'assurance maladie et de la retraite par répartition. Malgré les performances de quelques universités de renom, l'ensemble du système éducatif des USA est largement dégradé et surtout très inégalitaire. La prise de conscience écologique est également nouvelle.
Contrairement à son prédécesseur, le nouveau président a pris la mesure des risques climatologiques qui menacent la planète.
SURPRISES ET INTERROGATIONS SUR LE PLAN DIPLOMATIQUE
Barack Obama a agréablement surpris par la vigueur de son recentrage de la politique étrangère américaine. Main tendue à la communauté musulmane mondiale, repli des troupes d'Irak, lancement du dialogue avec l'Iran, ouverture vis-à-vis des voisins d'Amérique latine, gentillesses (sans grandes conséquences) aux Européens, salutations cordiales à Vladimir Poutine, réconfort du Japon...
La volonté de faire rupture avec George Bush est patente: on ne parle plus de «guerre au terrorisme». Le 20 janvier, alors que les cérémonies d'investiture ne sont pas encore terminées, Barack Obama prend sa première décision comme président des Etats-Unis: il demande la suspension des procédures en cours à Guantanamo, le grand camp d'internement constitué en dehors de toute légalité internationale. Deux jours plus tard, il signe le décret imposant la fermeture de la base installée à Cuba dans un délai d'un an.
Il y a peu, il a exigé que les méthodes de la soldatesque de la CIA, mi-interrogatoires musclés, mi-tortures, cessent. C'est bien mais on sait néanmoins que le pire a été exécuté par les services secrets de gouvernements amis et sous-traitants.
La proposition d'une réouverture de relations avec l'Iran est le principal acte fort de la nouvelle présidence. L'analyse de l'exécutif américain est lucide. La montée aux enchères lancée par George Bush contre l'Iran sur le dossier du nucléaire n'avait guère de sens, ce pays majeur dans la région étant entouré de quatre autres puissances nucléaires, la Russie, le Pakistan, l'Inde et Israël.
A l'inverse, un Iran devenu conciliant pourrait simplifier largement le départ des troupes américaines de l'Irak dont une grande partie du territoire passerait de facto sous le contrôle de Téhéran. L'influence du pouvoir perse sur la communauté chiite pourrait un temps au moins alléger quelques zones de tensions en Syrie et au Liban. Voire dans les zones frontalières de l'Afghanistan. Mais dans ce petit pays, la vraie question n'est plus d'une victoire mais d'un «habillage» d'une défaite prévisible.
Barack Obama n'a pas réussi à convaincre ses alliés de renforcer leur présence militaire dans ce pays malgré l'annonce de l'envoi de 21.000 militaires américains supplémentaires. Du coup, certains théoriciens du Pentagone ont tiré les bilans de l'intervention américaine en Irak. On a «fêté» en mars dernier le 6ème anniversaire de l'intervention américaine en Irak. Selon le Los Angeles Time du 11 avril, le coût du conflit irakien aura dépassé à la fin de l'année celui du conflit vietnamien: 694 milliards de dollars, contre 686 pour le Vietnam (données corrigées en fonction de l'inflation). Pour quels résultats ? Un pays ruiné, au bord de l'éclatement, une centaine de milliers de morts, côté irakien, trois à quatre mille morts du côté américain, des milliers de blessés et handicapés et le retour à la maison d'une centaine de milliers de combattants américains amers, voire traumatisés.
Du coup, les mêmes stratèges imaginent une réplique à «l'offensive terroriste» par un appel systématique à la «couverture aérienne». En clair, les bombardements massifs des zones concernées. Avec les conséquences prévisibles sur les populations concernées.
On imagine bien les effets de cette tentation en Afghanistan: les paysans concernés ne manqueront pas de rejoindre en masse les rangs des Talibans.
DURBAN II : UNE NOUVELLE CONFERENCE POUR RIEN
On peut s'interroger sur la nécessite de cette conférence de l'ONU, principalement souhaitée par l'Afrique, les pays non-alignés et l'Organisation de la conférence islamique (OCI). Après le demi-échec de Durban I, relancer une conférence internationale contre le racisme et la promotion des Droits de l'Homme relevait du pari risqué. Faire figurer à la demande de certains, l'assimilation de la critique supposée des religions au racisme rajoutait en difficulté. Inviter en «guest star» le président iranien Mahmoud Ahmadinejad augurait du pire. On l'a eu, malgré les efforts de Navi Pillay, haut-commissaire de l'ONU, et le diplomate russe Youri Boychenko qui ont réussi, in extremis, à faire voter une résolution unanime, et ce malgré l'absence de grands pays occidentaux, qui soit acceptable par tous les présents. Ahmadinejad s'est révélé égal à lui-même : provocateur (Ah ! Si Israël n'existait pas...), calculateur (les USA n'étaient pas là), populiste (les élections iraniennes sont proches).
On est néanmoins surpris des commentaires outragés sur son discours dont on peut disposer de la traduction intégrale. Une phrase a été particulièrement mise en exergue et a déchaîné l'ire occidentale: «A la suite de la Seconde Guerre mondiale, ils (les pays vainqueurs) ont recouru à l'agression militaire pour transformer toute une nation en peuple sans abri sous le prétexte de la souffrance juive et ils ont envoyé des immigrants d'Europe, des Etats-Unis et d'autres parties du monde pour mettre sur pied un gouvernement totalement raciste en Palestine occupée. Et, pour compenser les terribles conséquences du racisme en Europe, ils ont aidé à amener au pouvoir le régime le plus cruel et le plus répressif en Palestine.»
On peut ne pas partager l'accusation «le régime le plus cruel et le plus répressif en Palestine», pour le reste, la diatribe irresponsable renvoie à une réalité historique. C'est une réalité d'autant plus sensible qu'Israël, qui a un droit historique à l'existence et à la pérennité, s'est doté du pire gouvernement d'extrême droite et raciste depuis sa fondation.
Liebermann ! Netanyahu ! Le pauvre Obama sait bien qu'il n'y aura pas de solutions durables dans le grand Moyen-Orient sans solution juste pour la Palestine et la mise au pas des extrémistes actuellement au pouvoir en Israël qui s'opposent aujourd'hui à l'aide internationale qui vise à reconstruire les maisons, les écoles, les services publics bombardés à Gaza.Pas de solution durable sans la création d'un Etat palestinien.
1ER MAI : GAZA, VARSOVIE
On se souvient plus de quoi cette journée internationale des travailleurs tire son origine. Le 3 mai 1886, les militants de l'American Federation of Labor manifestent à Chicago pour exiger la journée de huit heures. Trois meurent sous les coups de la police. Marrant, non ? Huit heures, ça reste une demande de beaucoup. Donc, il faut respecter la fête du travail. Rappelons un autre 1er mai, beaucoup plus tragique. En 1943, en Pologne, à Varsovie, dans le ghetto, en insurrection contre les nazis.
Laissons la parole à Marek Edelman, dirigeant du Bund, Front des travailleurs juifs (organisation de la gauche des prolétaires juifs des pays de l'Est, fondée en 1897), et l'un des chefs de l'insurrection du ghetto de Varsovie, écrasée dans le sang: «Le soir a eu lieu l'appel du 1er mai. Brefs discours. L'Internationale. Le monde entier fête cette journée. Dans le monde entier, à la même heure, sont prononcées les mêmes paroles puissantes. Mais jamais encore, l'Internationale n'a été chantée dans des conditions aussi tragiques, dans un lieu où un peuple est mort et n'en finit pas de mourir. Ces mots et ce chant dont les ruines enfumées renvoient l'écho, témoignent que la jeunesse socialiste se bat dans le ghetto et ne les oublie pas face à la mort».
Rien n'est comparable mais ni races, ni religions, une seule humanité !


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