Portée au premier plan des priorités de l'Etat, présentée comme l'un des axes primordiaux de la libéralisation de l'économie nationale, la réforme bancaire et financière, ce sont trois principaux volets arrivés à maturité et mis en chantier. Il s'agit de la modernisation du système de paiement (comprendre le paiement de masse et les gros montants), de la mise à niveau des banques et, enfin, de la diversification des instruments de financement de l'économie. Le système de paiement, mis au point, à l'essai, est aujourd'hui une réalité perfectible. Opérationnel depuis 2006, il est le produit de quatre années de travail, une période jugée appréciable par les chargés des réformes. Les banques algériennes ont ainsi basculé dans un nouveau système en conformité avec les normes internationales, fait de nouveautés en termes de chèques, de virements, de sécurisation, de prélèvements, de tarification, de fluidités, de recouvrement… L'opération a été menée de manière graduelle : pour le chèque, elle a commencé en mars 2006, pour le virement en août 2006, pour la carte bancaire en novembre 2006… Elle n'aurait pas été possible sans la mise à contribution d'Algérie Télécom. Exemple de ce qui a changé dans la pratique : le recouvrement d'un chèque est passé de quarante-cinq jours à cinq jours. C'est «une révolution», estime-t-on. Le chapitre des échanges dématérialisés informatiques (EDI), lui, n'a pas encore été accompli. Il est en phase de test. La réforme bancaire, c'est aussi le développement de la place financière d'Alger : dix-sept banques et succursales rattachées à de grandes banques internationales s'y sont installées, sept établissements spécialisés ont vu le jour et mille quatre cents agences (banques publiques et privées) se répartissent sur le territoire national. Est-ce suffisant ? Certains estiment que c'est acceptable pour un pays qui revient de loin, pour un pays en transition économique. Le financement de l'économie nationale a également changé. De nouveaux instruments ont été mis au jour, sous-tendus par une batterie de lois. L'allusion est ici faite aux sociétés de capital risque, au leasing, à la titrisation, la loi permettant l'installation d'établissements spécialisés… Et le marché obligataire ? C'est un mécanisme moderne de financement de l'économie nationale. Il est en développement. Ce marché, c'est plus de trois cents milliards de dinars, en titres obligataires, aujourd'hui. Il y a quelques mois ont été introduites des obligations assimilables du Trésor. Elles sont soumises à la cotation, c'est-à-dire que les ménages pourraient les acheter. Les titres obligataires, l'actuel ministre des Finances, Karim Djoudi en parle, dans une récente déclaration. Se référant à des experts, il estime que le marché obligataire est l'un des «plus prometteurs» des pays émergents. Karim Djoudi fait état également mais à grands traits du marché des actions, soulignant que c'est un marché qui est bien organisé, d'un point de vue technique, qu'il fonctionne bien et que les gens ont été bien informés pour le faire fonctionner. Karim Djoudi met cependant en relief certaines contraintes liées en partie à la forme d'organisation de nos entreprises. D'abord, 80% d'entités ont le statut de sociétés à responsabilité limitée. Ensuite, quand une entreprise dispose d'un capital en Bourse, elle a obligation de réaliser des résultats positifs qu'elle doit transmettre, et de manière régulière, au marché, exercice par exercice. Elle est tenue d'y transmettre l'information comptable et financière. Fait à relever : rares sont les entreprises qui souhaitent ouvrir leur capital ou l'augmenter sur le marché des actions. C'est une situation latente. Et, toutes proportions gardées, le privé y a une part de responsabilité. Il n'est pas enclin à entrer à la Bourse d'Alger créée en 1999. Le processus de réforme bancaire et financière en question englobe également la gouvernance des banques. C'est ainsi que la configuration des conseils d'administration des banques a changé, que des comités d'audits présidés par un administrateur indépendant ont été mis en place. Et dans ce nouveau schéma d'organisation, chaque administrateur est responsable d'un segment donné. Dans un autre registre, et à des degrés divers, les banques sont engagées dans la rénovation des systèmes d'information, de reporting, etc. La réforme. L'ouverture du capital des banques est aussi une option irréversible. Deux entités sont promises à la vente : le CPA et la BDL. Le CPA, une des banques les plus performantes, suscite l'intérêt de banques de dimension internationale. Au départ, il était question qu'il soit privatisé avant fin 2007. C'est une projection qui a tourné court. L'opération a été suspendue. Officiellement pour des raisons liées à la crise des crédits hypothécaires aux Etats-Unis. Cependant une question : le rythme imprimé actuellement aux réformes dans le secteur des finances signifie-t-il que les banques sont passées de l'instantané au durable ? Du point de vue du calendrier, une partie du temps perdu dans le choix des réformes, dans la manière dont il faut réformer, a été comprimée, indique-t-on. Une grande partie des réformes a été mise en pratique en 2004, sous la direction de Karim Djoudi, alors ministre délégué à la réforme financière, et Abdelatif Benachenhou, ministre des Finances. Karim Djoudi, un ancien du Trésor public, crédité d'une expérience dans le monde des finances se met à l'exercice. Il forme avec Benachenhou un profil rompu au libéralisme, un tandem qui veut faire avancer les choses dans un paysage bancaire, pas toujours clean, objet de critiques diffuses. Des opérateurs étrangers et nationaux tiennent les banques pour responsables des obstacles à l'investissement. Ces critiques ont-elles cessé ? Pas tout à fait. Y. S.