Qu'une équipe perde un match important et voilà l'arbitrage qui est aussitôt pointé du doigt. «Il nous en veut», disent certains ; «il est corrompu», disent les autres. Qu'une émeute éclate dans un pays et c'est la main de l'étranger qui est tout de suite jetée sur la table des arguments. Qu'une ânesse trébuche sur le pavé grossier d'une écurie en ruine et c'est tout le régime politique en place qui est accusé de complot ! La théorie du complot sert d'abord les incompétents, les irresponsables, les incapables et les indus occupants des postes et des responsabilités. Cela sert à camoufler les tares impardonnables que traînent tous ceux qui n'arrivent pas par le chemin normal ou qui se laissent aller au jeu sordide et humiliant des malles pleines pour le chef ! Autrement, qui, dans les temps normaux et même dans ceux anormaux, aurait du temps pour s'occuper d'une ânesse égarée dans une écurie ? Quel est donc ce clan si important au pouvoir, dans tel ou tel autre pays, qui peut réellement pousser des jeunes beurs à incendier les banlieues parisiennes ? Et même s'il est arrivé par le monde que des arbitres «aident» quelques équipes, faut-il expliquer toutes les défaites de toutes les équipes par le mauvais arbitrage ? Allons, allons, soyons sérieux ! Les personnes compétentes sont celles qui savent, aussi, expliquer leurs échecs sans brandir la basse théorie du complot. Il suffit de baisser le regard et voir juste devant soi pour se rendre compte qu'on trébuche parfois parce que les lacets sont défaits, ou parce que le sol est mal fait. Mais de là à invoquer le spectre de la main invisible des comploteurs, il y a un pas que ne franchissent que ceux qui ont beaucoup de choses à se reprocher. De nos jours, la médiocrité est dominante, et si, par un heureux hasard, quelqu'un tente de dépoussiérer le monde dans lequel il bouge, alors il se trouve sans doute quelqu'un qui hurlera au complot. Si dans nos universités, quelques étudiants ou quelques enseignants tentent de faire un travail correct, il se trouvera indiscutablement un chef de département ou un doyen qui hurlera au complot. Si dans nos hôpitaux, quelqu'un tente de hisser le niveau de service, il se trouvera sans doute un directeur d'hôpital, un chef de personnel à la DDS ou même un chauffeur de taxi qui hurlera au complot. Si sur nos routes, quelqu'un tente de faire respecter les règles élémentaires du code de la route, alors beaucoup de gens hurleront au complot. Mais qu'est-ce qui se passe donc, enfin ?